Le potentiel énorme en sport est dilapidé, faute de politiques sportives réfléchies et surtout d'une refonte totale du système Un nouveau ministre prendra les rênes du ministère des Sports prochainement à la place de Saber Boutaï. Ce n'est pas un scoop. Ce n'est pas aussi une donnée fondamentale, parce qu'on a appris à voir les ministres défiler sans qu'il y ait des indicateurs de renouveau ou des signes d'amélioration. Nous sommes encore «otages» des anciennes politiques sportives déséquilibrées et irréfléchies qui ont détruit le sport. Et puisque les politiques sportives dépendent en partie de la structure générale et des règles du jeu du système, on peut dire que rien n'a changé grosso modo vu que ce sont pratiquement les mêmes «forces occultes» qui régissent le sport. Les ministres ont beau changer leurs directeurs de cabinet, voire leurs chargés de mission, des présidents de fédérations, de clubs (pas beaucoup) et d'autres institutions ont eux aussi changé, mais ce sont les mêmes maux : interférences dans les rôles, fragilité des clubs, problèmes de financement, mauvaise programmation de l'élite, corruption, ressources gaspillées, lourdes procédures, juridiction sportive faible ou caduque, amateurisme dans la gestion, violence, encadrement faible... Bref, des maux chroniques qui n'ont pas trouvé des remèdes depuis 60 ans ! L'après-14 janvier aura, sans doute, mis à nu toutes ces défaillances (liberté des médias oblige), mais en même temps, on a de «nouvelles» défaillances, tels que les conflits intenses sur le pouvoir dans les clubs et fédérations, la fragilisation du rôle du ministère des Sports, et la personnification des institutions sportives (tout le monde fait ce qu'il veut). Ces maux n'ont pas empêché quelques dirigeants, quelques champions de faire l'exception. Mais ce sera toujours une exception, la règle nous renvoie sur une image que tout le monde admet : le sport tunisien souffre et attend une vraie politique de réforme profonde qui abolit les tabous et qui «arrache» les figures statiques de leur piédestal. Quelles réformes? Au lieu de déclencher la déferlante de la réforme au niveau des textes et des méthodes de gestion, de parler des structures sportives, on ne parle que du prochain ministre. Qui sera-t-il? Appartiendra-t-il à l'abstraite majorité gouvernementale? Sera-t-il député ou pas ? Ou fera-t-on appel à un «apolitique»? C'est tout ce qui intéresse en ce moment. Et c'est là la plus grosse erreur : aucun ministre, quelle que soit sa compétence, ne pourra déclencher le processus de réforme à lui seul. On a besoin d'une volonté politique de changement (qui ne sera pas le bienvenu pour diverses personnes bien sûr), et d'une démarche scientifique. De quelles réformes avons-nous besoin en sport ? C'est difficile de répondre en quelques lignes, mais on peut cerner les contours du sujet. Les réformes doivent toucher surtout l'appareil administratif du ministère des Sports, ainsi que les lois et des textes dépassés par les événements, les relations entre fédérations et clubs, le sport scolaire et universitaire (le vrai vivier de la détection), l'investissement sportif (infrastructure mal répartie et peu entretenue), la budgétisation des fédérations auprès du ministère des Sports, la répartition des revenus dégagés par le sport (le Promosport essentiellement), la fiscalité sportive (des salaires de fous et des revenus fous sans taxes ni impôts), l'enseignement et la formation des cadres et aussi la politique de l'élite. Si on arrive au bout de 2015 à proposer à l'ARP des textes clairs et réalisables qui changent la manière dont le sport est géré, ce sera extraordinaire. Nous pensons aussi que le Cnot, structure importante, doit être impliqué dans cette recherche de solutions. Cette instance peut, au moins, cadrer le comportement des fédérations, même si elle n'a pas un pouvoir décisionnaire. Les compétences du sport doivent aussi être présentes dans l'élaboration du projet de réforme. Au-delà, il faudra être conscient que le sport n'est plus un simple loisir, c'est un domaine stratégique pour l'Etat qui peut générer des revenus fous (une partie sera réversée à l'Etat), qui encadre une base énorme de jeunes (lutte contre la délinquance), et c'est aussi un moyen de rayonnement international pour notre pays. Mettez-vous ça dans la tête, osez messieurs les responsables du sport en Tunisie, et changez!