Faute de justice sportive efficiente, faute de volonté politique, on se retrouve avec un sport qui fonctionne avec la culture de la corruption, de la violence et de l'impunité... Même si la création de l'instance Vérité et dignité aura pris trop de temps pour débarquer tard, on aura, tout de même, la possibilité de lire des pages noires de notre histoire, dans l'espoir de voir, enfin, les véritables criminels payer pour l'atrocité de ce qu'ils ont commis. L'image en sport est tout autre. Plus de trois ans passés, et nous revoilà plongés de nouveau dans un système biaisé et corrompu de partout. Pas de propagande SVP, pas aussi de diplomatie, rien n'a changé en sport. Ce sont les mêmes règles arrogantes, ce sont pratiquement les mêmes personnes aux «carrières» suspicieuses et déclarées qui manigancent toujours ou qui, odieusement, refont surface. Pourquoi on dit ça? Simplement parce que notre sport, victime de politiques inefficaces et aussi d'une race de dirigeants incompétents (dans 70% des cas au moins), ne peut plus fonctionner de la sorte. De quelles performances parlez-vous, de quelle programmation parlez-vous quand on a cette mosaïque multicolore qui marque le paysage sportif tunisien? Des lois caduques, des athlètes mal encadrés, des dirigeants corrompus qui tirent encore les ficelles devant quelques dirigeants honnêtes et compétents acculés, un ministère des Sports qui coûte tant au contribuable, mais qui verse dans ses conflits internes et dans la bureaucratie, des fédérations qui règnent sans stratégies claires et sans le moindre contrôle, des clubs appauvris et incapables de se projeter sur deux semaines, cadres techniques à qui on demande de produire des champions, mais qui manquent eux aussi, et en grande partie, d'encadrement, médias sportifs préoccupés par le factuel et par se faire l'avocat du diable de quelques «gourous» de notre sport, un Cnot divisé en clans avec des guerres déclarées, une armée de juristes qui font la pluie et le beau temps... Pessimiste, dites-vous? Quand on voit ce qui se passe dans notre sport et quand on touche le fond avec ces échecs répétés au plus haut niveau international et surtout avec la violence qui s'installe tranquillement, on doit appeler les choses par leurs noms. La vérité d'abord On nous reproche de dessiner un tableau noir de notre sport chaque fois qu'on essaye d'analyser les faits du sport en Tunisie. Pas vrai du tout, on dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Trois ans passés, trois ans où nous nous sommes débarrassés d'un régime qui a détruit le sport comme il a détruit les valeurs, la culture et les libertés. Trois ans de passés, on ne voit plus les gens qui ont commis des crimes les plus atroces à l'égard du sport et des sportifs, tout ça il faut bien le dire. Sauf que ces gens, chassés heureusement de la scène sportive, vivent encore parmi nous. Et ce, doublement : par leurs disciples encore fidèles aux gourous, et par leurs fausses valeurs telles que la corruption, la lutte acharnée pour le pouvoir, la personnification des structures sportives, l'impunité, la manipulation, la centralisation du pouvoir, le clanisme sur la base d'allégeances, etc. La raison de cela? Tout simplement, parce qu'il n'y a pas eu de justice sportive. Les quelques dossiers de corruption, de détournement de fonds publics, d'abus de pouvoir et de confiance dorment tranquillement dans les bureaux des juges d'instruction. Et comme les structures sportives n'ont pas connu de changement et comme les dirigeants sont très forts dans la manipulation des faits, et comme aussi les gouvernements successifs n'ont pas eu le courage d'ouvrir les dossiers de corruption, on se retrouve aujourd'hui avec une arrogante impunité qui permet à plus d'un de refaire surface ou de continuer leur carnaval. On n'a pas voulu investiguer, mais le plus grave, c'est qu'on n'a pas voulu rapporter les faits du passé. Nous avons le droit de savoir comment le système fonctionnait : comment on désignait les présidents de clubs, de fédérations, les ministres des Sports, comment on orchestrait les appels d'offres pour construire les installations sportives, comment le ministère des Sports réglait les dossiers de l'élite, comment les commissaires régionaux aux sports faisaient tout sauf trouver des solutions, etc. Si on veut soigner les maux du sport, commençons d'abord par parler des maux eux-mêmes. Une sorte de fouille dans les archives et auprès des fonctionnaires et dirigeants honnêtes qui peuvent révéler des faits très graves. C'est le premier pas pour une cure profonde et pas une simple propagande comme on l'a fait depuis trois ans. Système inchangeable ? Avec cette impunité qui dure et qui permet même aux personnes corrompues du sport tunisien de revenir en toute insolence, on se demande encore si l'on peut changer ce système. Ça va être très difficile, étant donné le changement des paramètres politiques et la disparité des forces. Chaque institution sportive tunisienne essaye désormais de gagner à n'importe quel prix. Les procédures, le bon sens et l'intérêt des sportifs passent désormais au second plan. Ce qui compte, c'est de tirer profit du club, de la fédération pour couper court aux adversaires, à ceux qui n'ont pas le même avis, et tout est permis dans cette manœuvre devant cette justice sportive paralysée et complice. On veut des médailles d'or aux JO 2016, on veut des champions du monde, on veut un sport de performances, on veut un sport qui génère des revenus et qui développe des valeurs nobles, on peut toujours rêver... Tant que l'impunité dure et tant que les mêmes personnes sont au-devant de la scène et tant que les lois et les procédures sont taillées sur mesure, on attendra probablement un véritable miracle...