Le sport — et le football en particulier — est un moyen de créer de la richesse, de véhiculer des valeurs universelles et malheureusement un moyen d'étayer des projets et des personnages politiques. Ceux qui rêvent d'une séparation entre sport et politique peuvent rester dans leurs chimères. Franchement, cette séparation ne peut qu'être théorique, virtuelle, voire imaginaire. En réalité, le sport et la politique ont appris à cohabiter ensemble depuis des années. Une vraie histoire de sympathie et d'intérêt mutuel : le sport profite des projets gouvernementaux pour se développer, alors que la politique et les politiciens ont trouvé dans le sport et le football, en particulier, une panacée pour une notoriété et popularité qui leur ouvre les portes verrouillées. Quand ça verse trop dans le jeu d'intérêts et de business, l'éthique devient un sujet caduc et la machine infernale de la spoliation se déclenche. Ce phénomène de sport et politique n'est pas tunisien, il est international et ancien. Des Jeux olympiques à la Coupe du monde, en passant par les championnats locaux et européens, c'est un macabre système politique où seuls les intérêts politico-économiques comptent. La politique et les dissensions politiques rentrent maintenant en sport sans la moindre gêne. Les événements sportifs sont aussi pleins de messages et symboliques politiques. On n'a pas le temps de tout vous raconter mais souvenez-vous des Jeux olympiques de l'Allemagne de Hitler en 1936 quand Jesse Owens, sprinter noir américain, abolit la thèse de la supériorité nazie avec 4 médailles d'or qui agacent Hitler. Souvenez-vous également de ce que le monde arabe a gagné en termes de visibilité politique avec les médailles de Aouita, Al Motawakel, Morcelli, Garrouj, Boulmarka, Gammoudi, mais aussi de l'exploit de la Tunisie et de l'Algérie en coupes du monde 78 et 82. Et cette talonnade de Madger qui offre à Porto une coupe d'Europe en 87 et en période où les joueurs arabes furent bannis et marginalisés, vous l'avez oublié ?! Une pensée au geste de Aboutrika au profit de Gaza qui a fait le tour du monde et qui a rappelé à cette humanité en léthargie la misère de nos frères palestiniens. Et même si Jaques Rogge et le controversé Sepp Blatter nous disent toujours que le sport n'a rien à voir avec la politique, ils savent eux-mêmes qu'ils sont le produit d'un système politique sportif compliqué monté sur les allégeances et sur les coalitions à coups de millions d'euros. Le sport est aujourd'hui une machine terrible à sous, mais c'est aussi un support pour les hommes politiques influents, pour les groupes de sociétés géants et pour les gouvernements eux-mêmes afin de passer des projets. Parfois, ça embrasse une cause noble comme le fait l'Onu au profit des régions pauvres, des personnes handicapées, ou pour la paix, le développement et la fraternité. Le truc qui diffère entre le bon et le mauvais usage du sport n'est que l'éthique. Mais on sait tous que l'argent et les lobbies politiques détiennent les ficelles du jeu du sport via les télés, les jeux de paris sportifs et les agences de communication. L'exemple tunisien Notre pauvre sport qui souffre d'une énorme propagande depuis plus de 40 ans en est la parfaite illustration de la relation douteuse et morbide avec la politique. Ya-t-il un ministre du sport, un dirigeant, un gouvernement qui n'ait pas usé du sport pour se faire une image et une notoriété ? Ils sont rares à ne pas le faire. Jusqu'à aujourd'hui (eh oui après ce 14-Janvier), le politique guide le sport tunisien avec des conflits à batailles rangées entre institutions et personnes. Tous ceux qui, comme le disent eux, sacrifient de leur temps et de leur argent le font-ils pour le sport et seulement pour le sport ? Finalement, si la notoriété, le réseau de relations créé, la publicité gratuite et la célébrité que les journalistes offrent sur plateau à nos dirigeants viennent avec des performances sportives et s'accompagnent d'une gestion saine et efficace, ce n'est pas grave. Le problème, c'est qu'on s'éternise à la tête d'un club, d'une fédération ou d'une institution sportive officielle pour servir ses intérêts politiques en écrasant athlètes et résultats. Ça peut même converger vers des carrières d'hommes politiques. Se refaire une image, tisser des liens avec l'«establishment» et avec des groupes de pression, être un personnage public et savourer cela, on vous assure que c'est ce qui intéresse la majorité écrasante de nos dirigeants sportifs. Il y a ceux qui le font en tenant bien leur rôle de dirigeant, mais il y en a d'autres qui ne font que servir leur propre image au détriment du sport. Et l'exemple de Silvio Berlusconi revient en force ces jours. Cet Italien engouffré dans des affaires de corruption jusqu'au cou, a son Milan AC pour sauver sa face et pour éviter les verrous. On n'aura pas de Berlusconi en Tunisie, on ne fait que passer à la 2e année démocratie, de grâce épargnez-nous ces comparaisons futiles ! Seul un système de contrôle de gestion et réglementaire intelligent peut minimiser les « effets secondaires» de l'association sport et politique. L'association en question est devenue un fait accompli.