Sahar Khalifa décrit soigneusement une série de murs qui viennent se dresser devant le parcours de deux jeunes Palestiniens, avant même la construction du ‘'vrai'' mur érigé par Israël pour emprisonner les territoires palestiniens et aggraver un désespoir déjà enraciné dans les âmes. A Aïn el Morjane, en Palestine occupée, pris en tenaille comme entre deux murs, avec d'une part les kibboutz israéliens et de l'autre les fiefs des Palestiniens omnipotents qui sont de toutes les combines et de tous les complots, deux jeunes Palestiniens, Ahmed et Majid, sont à l'ombre d'un père journaliste qui a beaucoup trimé avant d'en arriver là et font leurs premières armes dans une société complexe. Ahmed, adolescent, apprend de son père la photographie et s'attache à une jeune Israélienne de son âge, Mira. Et Majid, jeune homme, est chanteur-guitariste, tout en poursuivant ses études et il a sa petite notoriété dans la société de Ramallah. Un nouveau Sabra et Chatila Ahmed s'attache à un chaton, Anbar, qu'il présente à Mira que son chien Boubou met en fuite. Il apprendra plus tard que le chaton est retourné chez Mira qui l'a placé dans une cage. Jusque-là, rien qu'une banale narration. Mais voilà que le roman vire au vinaigre à partir de la page 132, quand Ahmed, accompagné de son jeune voisin Issa, tente de libérer son chaton en s'introduisant chez les parents de Mira dans le kibboutz de Kouriat Chibaâ, finissant par réveiller tout le monde et se retrouvant nez à nez avec des dizaines d'Israéliens en armes avant que les policiers et les soldats ne viennent. La virée innocente devient une affaire d'Etat qui finit dans l'immédiat par le blocus de toute la région après que certains médias ont affirmé que Ahmed et Issa étaient venus pour poser des bombes. Son frère Majid tente de convaincre son employeur, Wachmi, de l'aider à expliquer l'absurdité de l'accusation mais il lui répond que c'est grave et qu'il s'agit de bombes et peut-être de collusion avec Ben Laden. Majid sort en colère en pestant contre Wachmi et Ben Laden et les voisins qui entendent le nom de Ben Laden croient à une menace et avisent les Israéliens qui le prennent en chasse. Il est sauvé in extremis par les résistants palestiniens et le voici devenu résistant, une mitraillette remplaçant la guitare. Quelque temps après, Ahmed sort de prison transformé, aguerri. Majid revient chez lui se terrer après un attentat. Cela, alors qu'Ariel Sharon prend le pouvoir en Israël... Leur père craint un nouveau Sabra et Chatila et tout ce qui macère dans le subconscient collectif émerge : l'occupation israélienne, le désespoir des jeunes... Le dernier refuge Majid poursuit le combat jusqu'à être atteint par un fragment de bombe alors que l'attaque israélienne se radicalise, et il entre dans un état semi-comateux. Son frère Ahmed, son voisin Issa et sa grand-mère essaient de le transporter hors de Aïn el Morjane mais ils tombent sur une patrouille et en réchappent par miracle pour aller se réfugier chez la famille de Laura, la fille de son patron Wachmi qui s'était entichée de lui. Sitôt au pouvoir, Sharon déclare que tout ce qui se passe est la seule responsabilité de Abou Ammar, le Président palestinien, alors que toutes les télévisions du monde retransmettent les images de la dévastation de la Palestine par les Israéliens. C'est dans ces conditions que Majid finit par être transporté vers le seul endroit qui semblait sûr à ses trois sauveteurs, le dernier refuge : Al Mouqataa, la propre demeure de Abou Ammar... et c'est là que Majid sort de son semi-coma. Malheureusement, c'est justement vers Al Mouqataa que des centaines de chars de combat convergent et Majid se retrouve ainsi en seconde ligne dans les forces de défense de Abou Ammar. C'est à ce moment, quand les Israéliens attaquent et que le combat en arrive au corps-à-corps, qu'il voit in vivo le vieux leader pour la première fois de sa vie, derrière le corps des commandos palestiniens, et qu'il ne parvient à en voir que les yeux extraordinairement perçants de Arafat. Alertés par les Français... Tout semble perdu, quand arrivent de toutes parts les pacifistes anglais, allemands, américains, italiens et même israéliens qui ont été alertés par les Français. Pourtant, ce qui suit c'est la dévastation systématique et totale, non seulement de Ramallah mais aussi de Naplouse, Jénine... Et les choses ne prennent une nouvelle tournure que quand Arafat crie, sur le toit de Al Mouqataa, dans une interview par GSM : «Martyr, martyr, martyr!» Vient alors Anthony Zinni qui n'apporte rien à Abou Ammar puis Colin Powell incapable de prendre position, avant que ne déferle un flot immense de journalistes du monde entier, d'activistes, de Palestiniens. Et le blocus est levé partiellement sur Ramallah ; c'est-à-dire que Arafat et ses troupes, pris au piège à Al Mouqataa, peuvent enfin recevoir de l'eau et un peu de nourriture. Dans la foulée, Majid est interviewé par les télévisions et sa verve en fait une célébrité. Il rêve de devenir ministre ! Ahmed, après être allé se battre à Jénine, devient secouriste et recommence à lire des livres, quand le mur emprisonnant les territoires palestiniens est érigé par Israël et en vint à compliquer un désespoir déjà enraciné dans les âmes, accompagné de bombes dans les autocars et des roquettes sur les kibboutz, sous l'œil désemparé des derniers activistes irréductibles. Parmi eux, Ahmed voit Mira qui lui présente son amie anglaise Rachel qui finit sous les chenilles d'un char-bulldozer israélien. Hors de lui, Ahmed lance son ambulance sur les soldats... «Un printemps ardent», 375 p., mouture arabe Par Sahar Khalifa Editions Dar Aladab Disponible à la Librairie Al Kitab