Par Brahim BEN ABDALLAH* Les Tunisiens ont accompli avec fierté leur devoir électoral suite à une campagne présidentielle mouvementée et riche en événements pour l'élection au second tour du Président du pays. Béji Caïd Essebsi a mené une campagne bien étudiée et bien réfléchie qui a démontré à tous sa grande expérience politique et sa forte compétence. Ses déplacements multiples dans tout le pays, ses discours perçants et percutants sont restés gravés dans la mémoire de tous les Tunisiens. Le 21 décembre 2014 au second tour, le candidat heureux BCE a fini par remporter une victoire tant méritée et tant attendue. En fait, 55,70 % des Tunisiens ont choisi la voie du salut national, du sauvetage in extremis du pays. Ce fut un choix franc et massif. C'est une preuve irréfutable que le nouveau président de la République a effectivement gagné les cœurs et les esprits des Tunisiens qui ont opté franchement pour le changement radical après trois années de pouvoir de la Troïka qui a prouvé son incapacité de diriger un pays qui sort d'une révolution et qui affronte des défis en tous genres, sécuritaire, économique, social et culturel, sans oublier les contraintes de la nouvelle géopolitique qui se construit dans un environnement régional de crise apparente un peu partout. Comment Béji Caïd Essebsi a remporté une victoire sur son adversaire Moncef Marzouki au second tour ? La question mérite d'être analysée en profondeur et étudiée par les experts de la communication et par les observateurs de la vie politique nationale. Très vite après la révolution, et précisément le 6 mars 2011, date de sa nomination par le président provisoire Foued Mebazaâ à la tête du Premier ministère, en fait président du Conseil, Béji Caïd Essebsi a su exploiter cette opportunité de choix pour faire valoir sa capacité d'affronter les problèmes qui se posent à l'époque, et les grands défis nés de la révolution du 14 janvier 2011. En effet, il faut avoir le courage politique, la forte détermination et une personnalité hors du commun pour accepter d'assumer les fonctions de chef de gouvernement, alors que le pays a été abandonné par le général déçu Ben Ali, livré à lui-même, sans direction politique, dans l'insécurité totale et le chaos généralisé, ce qui a permis la propagation des actes de vandalisme, de violence, de criminalité, des attaques à main armée, des bracages, des incendies partout, et des débordements en tous genre... A ce moment précis, tous les Tunisiens ont senti les dangers qui les menaçaient et les risques auxquels ils étaient confrontés... Ils cherchaient un sauveur de la nation menacée par des périls sérieux... Il s'agit de l'appel du devoir sacré de la nation... C'était un cauchemar qui envahissait l'ensemble de la population. On ne peut jamais oublier cela... Les prisons incendiées, les magasins dévastés, les grandes surfaces saccagées... BCE a vite pris le pays en main, a conçu rapidement un plan de sauvetage et a entamé un travail d'explication des tâches urgentes et des mesures immédiates qui s'imposaient. Pour assurer un redressement de la situation catastrophique. Au cours des interventions et des rencontres avec les médias de tous bords, Béji Caïd Essebsi a réussi à convaincre et à gagner la confiance des Tunisiens. Il a pu convaincre et il est passé à l'action immédiate et sans tarder. C'est ainsi que les Tunisiens vont retrouver l'espoir, l'assurance et le désir de contribuer aux efforts de redressement du pays. Ils ont découvert sa sagesse et son savoir-faire. En moins d'une année, au Premier ministère, Béji Caïd Essebsi a démontré qu'il était en mesure de diriger le gouvernement, d'assurer une bonne gouvernance et de réaliser les élections législatives de l'ANC en octobre 2011. Effectivement, c'était une partie gagnée, des élections libres, démocratiques et transparentes ont été tenues. Personne n'y croyait vraiment. C'était déjà un succès historique pour la Tunisie. Ensuite, ce fut la passation de pouvoir d'une manière pacifique et civilisée et arrivé aux favoris des premières élections libres depuis l'indépendence. Le respect des résultats du scrutin d'octobre 2011 a démontré le succès de cette étape charnière dans la vie politique de la nation, profondément traumatisée par les événements en cascade. La Troïka a accédé au pouvoir dans l'espoir partagé des Tunisiens de vivre une nouvelle expérience démocratique de pouvoir tant attendue, originale et conformément à la volonté des électeurs. Mais, il ne faut jamais prendre ses désirs pour des réalités, les Tunisiens ont vite remarqué que les nouveaux venus de la Troïka étaient loin d'être en mesure de relever les défis ou de réaliser les objectifs de la révolution, ou d'assurer le redressement économique souhaité par tous. Encore moins vaincre le chômage, juguler l'inflation galopante ou combattre la cherté de la vie, c'est à-dire réaliser le bien-être, le progrès économiques et social et améliorer le niveau de vie des couches déshéritées, sauvegarder leur pouvoir d'achat. Rien n'a pu voir le jour, bien au contraire le chômage s'est accru, l'insécurité est devenue généralisée, la crise apparente : les routes sont mal entretenues, l'éclairage public fait défaut, la propreté est absente, les chiens errants ont envahi tous les quartiers, la circulation routière est devenue un calvaire quotidien, suite à l'anarchie qui règne et au non-respect du code de la route. Partout, le mécontentement se fait sentir et ne cesse de s'étendre davantage. L'administration est absente, et les responsables ont montré leur incapacité de diriger le pays dans cette étape cruciale. C'est la grande déception. Tout cela a joué un rôle décisif et primordial dans le choix des Tunisiens à l'occasion de l'élection présidentielle au second tour. Sur le plan extérieur, dans plusieurs pays, il n'y a que des foyers de tension et des situations de guerre meurtrière qui durent depuis plusieurs années. Les Tunisiens suivent de près la situation grave en Syrie, en Irak, en Libye, en Palestine, au Yémen, au Liban, au Soudan... et dans plusieurs pays africains confrontés au terrorisme et au chaos total. Au Nigeria, au Kenya, en Côte d'Ivoire, les tensions sont graves, tout cela nous appelle à choisir les hommes politiques capables de diriger notre pays dans ce contexte international alarmant, angoissant. Ce qui nécessite obligatoirement de recourir à l'expérience et à la compétence pour mieux affronter une situation difficile aussi bien sur le plan intérieur qu'extérieur. Tous sont conscients de cette situation. La Tunisie profonde, avec ses cadres, ses intellectuels, ses artistes, ses hommes d'affaires ont réalisé la gravité du moment, et ont compris qu'ils ne peuvent rester indifférents. Les Tunisiens ont décidé de participer massivement au second tour, et de faire un vote utile pour le pays, c'est-à-dire barrer la route devant les obscurantistes, les extrémistes, et les ennemis de la liberté et les partisans du recours à la violence. Durant toute la campagne électorale, les femmes tunisiennes ont fait preuve d'adhésion au programme de Nida Tounès qui leur donne plus d'assurance sur le maintien des droits acquis de la femme et sur la consolidation du Code du statut personnel qui a besoin d'être revu profondément. Par conséquent, l'organisation nationale l'Unft a pris ouvertement fait et cause pour Nida Tounès et a contribué activement au succès de son candidat. Et ce, à cause des erreurs monumentales commises à l'égard de l'Unft durant les trois années du pouvoir de la Troïka qui a ignoré cette organisation nationale et son histoire. Par ailleurs, le candidat BCE a reçu l'appui sans équivoque des électeurs destouriens de tous bords, ce qui a réconforté sa position avantageuse dès le début de la campagne électorale présidentielle et a augmenté ses chances de succès. On ne peut rester sans souligner l'importance des défis de toute nature qui attendent le nouveau gouvernement. Les Tunisiens se sont exprimés pour le vrai changement qui doit consacrer la solution des problèmes sécuritaires avec l'élimination du terrorisme et de la violence, qui ont fait un ravage en Tunisie et partout dans le monde et dernièrement en France avec l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo. L'angoisse et la peur ont envahi tous les citoyens suite aux nombreuses victimes parmi les agents des forces de sécurité et les militaires tombés au combat contre le terrorisme local qui est en relation certaine avec les groupes incontrôlés en Libye et en Syrie qui ont certainement les yeux braqués sur notre pays. Le nouveau gouvernement aura une responsabilité historique et une mission sacrée de faire tout le nécessaire pour protéger les citoyens de cette menace grandissante. En effet, le terrorisme a plusieurs facettes. Il est armé, intellectuel et politique. C'est pourquoi la riposte doit être tous azimuts et multidimensionnelle, avec pour objectif la défense de notre modèle de société fondé sur la liberté, l'ouverture, la modernité et la tolérance... Le monde entier est exposé à ce fléau dévastateur et destructeur qui présente une entrave énorme et un obstacle aux efforts de développement et de progrès social dans notre pays. Il est regrettable et triste de voir une grande partie des structures de l'Etat se consacrer uniquement à la lutte contre le terrorisme et la violence en tous genres. Les partis politiques et les acteurs de la société civile doivent sentir l'urgence de consolider la solidarité, l'unité nationale entre tous les Tunisiens et la nécessaire contribution de chaque citoyen pour relever les nombreux défis qui attendent le nouveau gouvernement appelé à réussir cette étape actuelle cruciale. Dans ce contexte particulier, il est nécessaire de souligner que l'Etat moderne, qui aspire à réaliser une bonne gouvernance et une gestion efficace des affaires publiques, cherche à accorder une attention particulière pour arriver à maîtriser trois domaines prioritaires qui sont : la police, la justice et la fiscalité. En effet, les gouvernants doivent concevoir les solutions qui s'imposent pour réaliser les réformes nécessaires qui s'inscrivent dans le cadre de la réalisation des objectifs de la révolution. En effet, le président BCE a eu l'occasion durant ses responsabilités comme Premier ministre de s'adresser directement aux forces de l'ordre réunies à la Kasbah et d'utiliser un langage direct et franc à leur égard. Egalement aux magistrats qui ont organisé une manifestation pour demander l'indépendance de la justice, il leur a répondu que l'indépendance ne s'octroie pas par décret, et qu'elle doit émaner des magistrats eux-mêmes. Le président BCE a fait preuve ainsi d'une connaissance parfaite de ces deux domaines vitaux pour le pays. Il lui reste de se pencher sur le dossier de la fiscalité qui a besoin d'une refonte totale et d'une réforme profonde, pour remédier à une situation alarmante et grave et injuste qui dure depuis des décennies. Pour réaliser les changements souhaités dans ces trois domaines, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) est appelée à jouer un rôle historique et primordial dans la réalisation de ces objectifs grâce à l'élaboration et à l'adoption des lois urgentes telles que la loi sur la lutte contre le terrorisme, la loi sur la protection des forces de l'ordre et des locaux de la sécurité ainsi que la réforme du code des droits et procédures fiscaux, loi numéro 92 du 9 – 8 – 2000. L'ARP est bien outillée pour assumer sa noble mission grâce à la présidence confiée à Mohamed Naceur, juriste de haute qualité, spécialiste du droit du travail et ancien ministre des Affaires sociales, qui a fait ses preuves dans la maîtrise du domaine social, ancien président du Conseil économique et social. Ce qui va faciliter encore davantage le travail législatif du parlement, c'est la présence en son sein d'une quarantaine de députés qui sont avocats de profession. Ainsi les Tunisiens ont voté au profit de Nida Tounès dans l'espoir de voir le pays réaliser de nouveaux progrès sur la voie de la consolidation des institutions de l'Etat moderne en mettant fin définitivement à la période de pouvoir transitoire ou provisoire. Toutes les conditions sont réunies aujourd'hui pour mettre la IIe République sur la bonne voie du progrès et de la prospérité grâce à l'union et à l'unité nationale. Les défis et les urgences sont énormes. C'est pourquoi il faut accélérer l'action gouvernementale dans tous les domaines, avec une vitesse supérieure. *(Avocat, diplômé de sciences politiques de la faculté de Strasbourg)