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Tunisie 2015 : rempart ou passage dans le choc des civilisations ?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000

«Les déceptions ne tuent pas et les espérances font vivre» (Georges Sand)
Par Mourad GUELLATY
Nous venons de vivre des périodes riches en événements et en émotions tant sur le plan national qu'international.
Quatre années contrastées, durant lesquelles le pire alternait avec le meilleur.
Dans notre pays, l'intelligence tactique et l'expérience du nouveau président de la République, associées à celles non négligeables du leader du principal parti de l'opposition, pourraient mettre la Tunisie au moins sur orbite, pour la reconquête de la paix civile, du vivre ensemble et du redressement économique.
Sur le plan international, les derniers jours nous ont offert le spectacle du «script» de Samuel Huntington sur le «choc des civilisations».
Il avait raison Huntington, aujourd'hui décédé, et dont le livre au moment de sa parution, il y a près de deux décennies, a déchaîné les passions et les critiques.
Il écrivait, en substance, que le futur de notre monde serait rythmé par les guerres des civilisations, et non plus par les idéologies politicoéconomiques.
Et que voyons-nous aujourd'hui, si ce n'est le début de la mise en œuvre de cette vision du monde ?
Ce qui préfigure un long chemin semé d'embûches pour les années à venir.
En Tunisie, c'est la cohérence, la vraie, celle qui résulte d'une étude méthodique de la scène politique et surtout de la situation socioéconomique, de ses besoins, de ses insuffisances et de ses potentialités qui l'a emporté.
La Tunisie face à son destin
Le nouveau président de la République a réussi un triple exploit en un triennat, celui de passer le flambeau du pouvoir sans heurts ni hésitations, après la première période «post-révolutionnaire», à des institutions jouissant de la légitimité, de créer dans la foulée un parti à partir de rien, sur des fondements inexistants et, «last but not least», le faire arriver en première position dans le nouveau Parlement, et décrocher au terme d'un marathon électoral la présidence de la République.
Un tel parcours était difficilement envisageable, au lendemain des événements de 2011.
A présent qu'on connaît le tiercé gagnant, d'aucuns auraient quelques raisons de regretter de ne pas l'avoir anticipé.
La Tunisie a toujours été un pays célébré, parce que ce petit territoire, béni des dieux, a toujours trouvé en lui-même les atouts qui lui ont permis de s'attirer admiration et sympathie.
Il s'appuie sur un terreau fertile, des paysages admirables et sur des hommes et des femmes, pour le moins généreux dans l'effort, politique et tactique, et distingués dans le domaine de l'art, de la littérature, de la théologie, de la poésie et tutti quanti.
La Tunisie n'était pas seulement un grenier à blé, et à d'autres matières essentielles aux paniers des puissances qui lorgnaient sur elle.
Elle était de tout temps un peuple éduqué, à l'avant-garde des sciences et de la connaissance.
Et ses habitants ont dans leurs fibres et leurs gènes une partie du tissu de cette histoire colorée et prestigieuse, riche d'un passé phénicien, romain, byzantin, arabe et européen.
Une fois de plus, ce beau pays vient d'être au rendez-vous de son histoire, de l'Histoire.
Il vient d'accomplir ce que nombre de commentateurs, historiens et géopoliticiens hésitaient à croire possible.
Ces derniers ne doutaient pas de ce peuple valeureux, à l'histoire trois fois millénaire, qui lui a légué un patrimoine culturel, artistique et architectural impressionnant.
Ils exprimaient le sentiment de la peur qu'ils avaient pour lui, de ne pas tenir les promesses qu'il leur avait données un certain 17 décembre 2010, un certain 14 janvier 2011 et lors des premières élections à l'Assemblée nationale constituante.
Cette peur s'est très vite dissipée avec les récentes élections, qui se sont déroulées, sans accrocs aucun, et dans une dignité partagée par l'ensemble du personnel politique.
Certes, des tergiversations il y en a eu, le parcours n'a pas été un long fleuve tranquille, mais c'est la règle commune, de l'enjeu démocratique que de parachever dans la dignité le long chemin parsemé d'embûches, qui mène au choix des électeurs.
Il est vrai que cette peur — plutôt appréhension — n'était pas unanime et certains et non des moindres continuaient à avoir une confiance sans limite dans notre pays.
Ainsi le 14 janvier 2014, le Washington Post titrait son éditorial consacré à la Tunisie : «Le compromis démocratique doit servir de modèle régional».
Et d'ajouter que «les grèves et protestations se poursuivaient contre la politique économique du gouvernement, et que la violence jihadiste demeurait une menace sérieuse. Mais la Tunisie, comparée à l'Egypte, est probablement celle qui est la plus à même d'atteindre la stabilité politique, le retour à la croissance économique et si la Constitution est ratifiée et que des élections s'y déroulent normalement, elle démontrerait que le rêve d'une démocratie dans le monde arabe ne serait plus un mirage».
Ne boudons pas notre plaisir, la Tunisie vient de réaliser, sans encombre, ce parcours, et toujours, pour citer «Le Post», «s'inscrit comme un modèle pour d'autres expériences comparables».
Bien évidemment, ces quatre années, ont été difficiles et ont comporté des périodes d'ombres et des trajets de lumière, durant lesquelles nos concitoyens sont passés par tous les états, et avec le recul que nous avons nous pouvons estimer qu'entre autres vertus ils ont fait preuve de patience.
Un démarrage poussif, puéril et dispendieux
Dès le 14 janvier 2011, les jeunes étudiants, employés, ouvriers, paysans, tous ceints de leur fièvre révolutionnaire ont confondu révolution et précipitation.
Grisés par leur conquête politique, ivres du bonheur de s'être débarrassés des chaînes qui les entravaient, ils ont cru que tout leur était permis.
Ils ont commis le délit — pardon — le péché de jeunesse difficilement réversible de demander tout et son contraire. Et ont de leur fait permis ce qui advient toujours dans ce genre de situations : les révolutions sont faites par les jeunes et «confisquées» par les professionnels de la politique.
D'où l'entame des hostilités, pour cause de divergences catégorielles, d'un appétit démesuré pour obtenir tout et son contraire, de l'amateurisme de certains et du professionnalisme tourné vers la conquête du pouvoir pour d'autres.
Les jeunes de La Kasbah ne s'étaient pas rendu compte qu'ils creusaient leur propre «abyme», duquel ils ne sortiraient pas, d'autant qu'ils étaient relayés par les adeptes d'Internet et des réseaux sociaux, qui attisaient le feu, en recherchant une popularité singulière, car seulement bâtie sur le dire et non sur le construire.
Cet appétit délirant pour un «leadership d'opérette» a fait un grand tort au pays, relayé qu'il était par l'éclosion de la contestation ouvrière, et la surenchère syndicale, attisées par la multiplicité de leurs représentants.
Cette période, ne l'oublions pas, a été particulièrement coûteuse à notre pays.
En termes de déficit d'images, la révolution de jasmin s'est transformée en une vaste agora revendicative, impulsive voire destructive.
L'image d'une Tunisie paisible s'est évaporée, faisant des plus enthousiastes et des plus intéressants des candidats à l'immigration dans ce pays — les hommes d'affaires — des réticents et des réfractaires à ce qu'ils finirent par juger de fausse bonne idée.
De nombreux industriels établis en Tunisie, et même des citoyens de ce pays, qui ont connu les grèves, la destruction de leur outil de production, les séquestrations, menaces et violences ont été contraints de plier bagage et au mieux de se cantonner dans une position passive de «wait and see».
Sans compter le déficit subi du fait des dysfonctionnements dans l'extraction du phosphate à un moment où son prix était au zénith.
L'erratique fonctionnement des institutions
Notre jeunesse estudiantine et ouvrière n'a pas été angélique durant la période post-révolutionnaire, mais elle avait l'excuse de son âge, de son manque de maturité et de sa naïveté.
Ses aînés ont péché par manque d'expérience de la vie démocratique, de la conduite des institutions étatiques, et du don de soi, pour une mission hautement valorisante, celle de la mise sur les rails du pays, de son gouvernement, de son administration et des règles du vivre-ensemble, dans un environnement nouveau, qui offre bien évidemment des droits, mais exige le respect du devoir et une éthique.
Ainsi, il y va de notre Assemblée nationale constituante, l'instance la plus médiatisée du pays, qui n'a pas respecté la feuille de route qui lui était assignée.
Elue pour une année pour faire voter une Constitution, elle s'est transformée, de son propre chef, en Parlement, allongeant du coup sa durée de vie, au-delà du raisonnable.
Certes, à la fin des fins, elle a donné naissance à une Constitution, certainement imparfaite, mais tout de même acceptable.
Mais que de temps perdu, que de palabres, que d'hostilités affichées, que d'animosités et surtout le mauvais cours d'instruction civique, dispensé par certains de ses membres, aux jeunes et aux moins jeunes, spectateurs attentifs d'une petite lucarne au contenu pas toujours au niveau du moment et de la mission !
L'économique et le social en souffrance
Les différents gouvernements de cette période transitoire, ont fait preuve d'amateurisme. Forcément, ils manquaient d'expérience et, de plus, n'avaient pas de grands soutiens ni dans les médias, et encore moins dans la société civile.
Au contraire, ils étaient harcelés par les différents corps de métiers, les jeunes et les syndicats, au nom de la sacro-sainte revendication révolutionnaire.
Ils n'ont pu faire face à la crise économique, à la crise sociale et aux soubresauts sociétaux.
Ils n'ont pu éviter ni le clientélisme, phénomène largement répandu en politique, ni le laxisme qui a fait souffrir l'administration tunisienne des recrutements massifs, qui n'ont fait qu'alourdir le déficit budgétaire, sans réduire le chômage, surtout celui des jeunes et encore moins notre endettement qu'il nous faudra beaucoup de temps pour le ramener à des niveaux acceptables.
Harcelés, ils ont fait trop de promesses qu'ils n'ont pas tenues, et leur inconséquence leur a coûté les soutiens étrangers, prolifiques au début de leur mandat, et parcimonieux dès lors que la crise économique prenait des allures structurelles donc forcément pérennes, et loin de rassurer investisseurs et bailleurs de fonds.
Au fur et à mesure que cette dernière se répandait et s'aggravait, nos alliés financiers se faisaient moins présents et dans le pire des cas s'inscrivaient aux abonnés absents, d'autant que la violence apparaissait sous toutes ses formes, jusqu'à faire de notre pays un des plus grands pourvoyeurs de «chair à canon» pour les organisations rebelles du Moyen-Orient.
La violence qui s'invite
Dans cet inventaire du passif, la poussée de la violence se taille la part du lion, car notre pays n'était pas habitué à ce phénomène, dans l'ampleur qu'il a connue et dans la diversité de ses composantes.
La violence s'est répandue comme une traînée de poudre, emportant sur son passage la confiance dans les institutions les plus respectées, et surtout les vies de personnes innocentes, jusqu'aux plus jeunes d'entre elles, enrôlées dans des guerres qui ne les concernent en rien, et, last but not least, des leaders politiques d'influence.
La violence n'était pas uniquement physique, elle était médiatique.
Quelles leçons ont donné aux citoyens les personnalités politiques invitées sur les plateaux télévisés qui se sont écharpées jusqu'à n'en plus finir et dont certaines s'adonnent encore de nos jours à l'exercice devenu récurrent d'abandon de l'émission, chaque fois qu'elles se trouvent en difficulté d'argumenter et de convaincre par le verbe ?
La violence politique est la plus dangereuse parce que son objectif est la destruction quand ce n'est pas la disparition d'un adversaire indocile.
La Tunisie a connu, au cours de ces toutes dernières années, toutes les formes de violence, qui sont le poison des sociétés civilisées, celui qui tend à les faire disparaître sous leur forme démocratique, pour les soumettre à la loi du plus fort, c'est-à-dire celle du ou des partis dominants.
Et malheureusement, notre arsenal sécuritaire n'a pas réussi à s'y opposer avec succès, pire on lui impute, à tort ou à raison, une grande responsabilité, dans ce qui s'est produit, pour de multiples explications, certaines évidentes de dysfonctionnements des structures et d'autres de partialité dans l'exercice du pouvoir, que seul l'avenir pourrait valider ou infirmer.
Le fait que les frères Kouachi aient été, semble t-il, à l'école d'un prédicateur tunisien connu pour prôner la violence a été cité en boucle par toutes les télévisions du monde, et les sites internet, le 11 février dernier, à un moment ou ces derniers faisaient des records d'audiences et de visites. Dommage !
Les acquis de la révolution «La révolution du Jasmin»
Une ministre française, polytechnicienne de formation, en visite de travail dans notre pays, s'est vue apostrophée par une de nos concitoyennes, lors d'une mini-conférence sur l'environnement, pour avoir parlé de la révolution du jasmin.
Cette dernière a certainement oublié que l'on donnait généralement des noms de fleurs, voire de fruits, à des événements dits révolutionnaires, mais qui se déroulent, de manière pacifique, à l'instar de ceux des œillets au Portugal, orange en Ukraine, des roses en Géorgie, etc.
Les mouvements de décembre 2010 et janvier 2011 ont été, justement, une fête partagée par diverses générations de Tunisiens, qui ont confronté leurs idées dans des «happenings» pacifiques en amont et en aval de cette période.
Aussi, l'idée «d'accoler» le nom de jasmin à l'image de la Tunisie est venue tout naturellement et était en soi formidable.
D'ailleurs, cette idée avait déjà fait son œuvre quelques années avant, quand les murs de Paris et de son métro étaient recouverts de cette belle publicité pour notre pays, montrant un homme d'un âge respectable, au visage buriné et au sourire éclairant, avec à son oreille un bouquet de jasmin.
«Jasmine révolution» est donc au contraire un slogan publicitaire qui a traversé les océans et qui cadre bien avec les odeurs et le bonheur d'être tunisien, d'aimer l'être ou de le visiter.
Car le jasmin tunisien a une odeur, une saveur et qui offrent des moments inoubliables de bonheur aux Tunisiens et aux touristes qui visitent notre pays et qui y trouvent gentillesse et allégresse.
Et ce nom donné aux événements de 2011 est en lui-même une des fastueuses lumières de ce que nous avons vécu, jeunes et vieux, pendant ces moments durant lesquels les citoyens d'un pays chantent à l'unisson leur joie partagée.
Ce nom est d'ores et déjà gravé dans le panthéon de l'histoire et a fait plus pour l'image de la Tunisie que toutes les actions commerciales et de propagande.
La leçon démocratique de l'alternance politique
Les élections de 2012 et celles de 2014 se sont déroulées dans des conditions optimales, à l'instar de celles qui se déroulent dans les pays hautement démocratiques.
Et chaque fois, la transmission des pouvoirs s'est faite de manière idéalement civilisée.
C'est une grande première dans un pays du tiers monde qu'une telle situation, parfaite à tous égards, ait pu se produire plus d'une fois en quatre années.
Rendons hommage à nos hommes politiques, de tous bords, et dans leur quasi-unanimité, qui ont su s'élever au-delà de ce qui était attendu, pour faire triompher un des grands attributs de la démocratie, à savoir l'alternance dans la pratique du pouvoir.
Mais l'alternance ne veut pas dire exclusion de l'autre, des responsabilités, y compris gouvernementales, si sa présence est nécessaire au déroulement paisible et efficient de la nouvelle étape politique.
Nous avons en Tunisie des hommes politiques de grand talent et d'une maîtrise des évolutions, pour ne pas faire confiance à leur flair et à leur habileté.
A cet égard, le nouveau président de la République est un «fin limier» et saura étudier avec perspicacité le nouveau paysage politique et les détails de la nouvelle donne internationale, pour en tirer la substantifique moelle.
Il sera aidé par ses lieutenants, les plus sûrs d'entre eux, car malheureusement beaucoup se sont montrés trop impatients, égocentriques et d'un esprit de boutiquier dont il convient de les aider à se débarrasser, ou à défaut de les écarter, dans l'intérêt de cette nouvelle période que nous voulons sans cacophonie inutile.
Ces derniers devraient prendre exemple sur ceux plus jeunes qui se sont révélés au cours du passé récent, par une grande maîtrise, durant et dans l'après-campagne électorale à l'instar, notamment, des dirigeants d'Afek Tounès, du Front populaire et d'autres partis qui, à défaut de connaître le succès électoral, ont bénéficié d'une cote d'estime, à l'exemple d'Al-Massar, vraisemblablement victime du vote utile.
Enfin, il est juste de saluer les réactions empreintes de dignité et du sens de l'Etat de la plupart des dirigeants d'Ennahdha.
La parole libérée
Un des grands acquis de la révolution est la conquête de la liberté d'expression.
L'écrit et la parole sont devenus libres et multiples.
Tout le monde peut s'exprimer sur tous les sujets, dans les limites de la déontologie journalistique, du respect d'autrui, et sans porter atteinte au fondement de l'unité nationale, sans diffamer, sans injurier.
La multiplicité des fréquences FM, des journaux et des chaînes de télévision est un plus, même si des maladresses, des débordements et des insuffisances, sont constatés ici ou là, ces derniers ne pèsent pas lourd, devant le droit désormais garanti du Tunisien de disposer d'un éventail de choix, d'opinions et de débats, qui, quel que soit leur degré de pertinence, participent à l'apprentissage de la citoyenneté.
Nous répétons, nous avons eu le bon et le moins bon.
Mais retenons le bon, d'autant que la liberté d'expression ne s'est pas limitée aux espaces médiatiques.
Elle est présente dans la multiplicité des conférences données sur tous les sujets et qui, d'une manière ou d'une autre, touchent à la chose publique.
Les débats ont changé de nature depuis 2011, et ne sont plus des monologues qui se terminent par un accord unanime de façade sur les présentations des ministres et autres dirigeants.
Ces derniers désormais subissent avec bienveillance les assauts de ceux qui ont des avis contraires, et qui les défendent bec et ongles.
De ces avis contradictoires, deux préoccupations ont émergé, en dehors de celle permanente de l'élaboration de la Constitution et de ses composantes : quel type de société nous voulons construire ou maintenir en lui faisant bénéficier des apports nouveaux de la dernière période transitoire, et comment redresser notre économie, dans son acception la plus large, incluant la finance et le développement régional et notre système d'éducation de l'enfance à l'entrée dans la vie active ?
Le défi sociétal, économique et culturel
Il serait incongru de traiter de ces sujets en quelques lignes d'autant qu'ils impactent notre présent et déterminent notre futur.
Nous le faisons de manière allusive, car trop importants nous ne pouvions pas ne pas en faire état, et pour la même raison nous y reviendrons en profondeur dans une prochaine publication.
Nous devons bénéficier opportunément des quatre années que nous avons vécues, pour concrétiser de nombreuses visions de ces trois composantes brûlantes de l'avenir de notre pays.
La constitution a dessiné notre type de société, celui d'un pays disposant de la liberté du culte, de l'égalité homme-femme, de l'arabe comme langue officielle et de l'Islam comme religion de référence.
C'est un acquis considérable, que la sécularisation de la société n'ait pas été ébranlée, tout comme ne l'ont pas été les libertés des femmes de s'habiller à leur guise dans le respect de la décence, et d'être présentes, actives et déterminantes dans notre paysage et dans les différents espaces où se dessinent le présent et l'avenir de notre pays.
Désormais, nous disposons d'une société ouverte et tolérante, pour les uns comme pour les autres, une conquête obtenue de haute lutte mais acceptée avec «fair-play» par les différentes tendances de notre paysage politique.
L'enjeu économique
On ne peut pas parler décemment de l'économie en quelques lignes.
Ce que nous pouvons en dire, dans ces limites, c'est qu'elle devrait être, bien évidemment, le cœur battant de notre renouveau, et que malgré tout ce qu'elle a enduré, elle sort de cette période en très mauvais état, mais non détruite comme beaucoup le crient partout.
Son actif est atteint mais son potentiel ne s'est pas effondré.
L'économie au sens large du terme, c'est tout ce qui concourt à l'accumulation des richesses nationales dans tous les secteurs d'activité.
Cela ne vient pas tout seul, mais nous l'avons compris, nos dirigeants l'ont intégré dans leurs anticipations, basées sur notre situation actuelle et sur nos potentialités qu'il nous faudra développer et enrichir.
L'économie, c'est la confiance retrouvée, c'est les investissements locaux et étrangers, qu'il faudra attirer non pas par de belles paroles, mais par des plans de réformes tous azimuts.
C'est aussi des idées claires exprimées sur la cartographie de nos investissements, sur l'amélioration de nos infrastructures, et de notre modèle de développement, incluant en priorité la complémentarité entre les régions.
C'est de plus notre capacité à mettre tous nos secteurs aux normes internationales, et à prévoir la mise à niveau du secteur financier (où en est Bâle III, où en est Bâle II ?).
A faire en sorte que les banques — publiques ou privées — s'assument désormais, en s'inscrivant comme un partenaire bienveillant mais d'une implacable rigueur.
Et que soit révisé le régime des subventions, principalement énergétiques, qui sont exorbitantes et bénéficient à des catégories de la population qui n'ont en pas un besoin vital.
Il serait souhaitable, plutôt de les orienter vers des investissements incontournables tels que ceux relatifs aux infrastructures, grandes consommatrices d'emplois, nécessaires au développement régional, et à l'implantation des entreprises industrielles et des services administratifs.
Il est attendu que le secteur public joue un rôle de «sauveur», en se risquant là où l'effort privé n'est pas en mesure de le faire.
Par ailleurs, c'est une formation professionnelle tous azimuts, qu'il nous faudra mettre en œuvre pour rehausser la contribution humaine locale, et y faciliter l'intégration des entreprises à forte valeur ajoutée.
Bien évidemment tout cela ne se concrétisera pas dans les jours à venir.
Nos partenaires étrangers ne s'attendent pas à la réalisation immédiate de tous ces prérequis, c'est une évidence.
Ils attendent un signal puissant, que nous sommes en mesure de nous engouffrer dans cet espace d'effort et de valorisation de notre «offre pays».
S'ils constatent qu'il existe une réelle volonté de réhabilitation et de redressement, ils viendront vers nous, par des investissements et des aides conséquentes, dont ils pourront anticiper un retour positif.
A défaut, ils iront ailleurs, car les sympathies et les sentiments à ce niveau existent mais sont conditionnés par le sérieux observé dans les engagements.
Les nouvelles technologies au cœur de l'éducation
L'éducation est le fer de lance de la Tunisie pour les prochaines décennies, depuis la maternelle jusqu'à l'entrée dans la vie active.
Dans la cartographie de nos investissements, et de leur affectation par régions, nous devons sauter une étape, celle de l'enseignement totalement dédié à l'approche traditionnelle, c'est-à-dire de l'enseignant, son tableau, sa règle d'un usage multiple et son tableau noir, devenu plutôt blanc de nos jours, en même temps que sa craie disparaissait.
Les pays éclairés font, de plus en plus, pour les enfants une éducation mixte : la traditionnelle pour maintenir l'enseignement collégial qui favorise la culture de groupe, et l'enseignement à distance, celui de l'Internet qui est entré dans la vie des universités et des grandes écoles et qui est appelé à prendre bientôt la plus grande part dans l'enseignement global.
D'ailleurs, dans la grande conférence organisée par Times Magazine en 2013 sur la connaissance, les grands spécialistes de l'éducation ont affirmé, à l'unisson, qu'il y a plus de proximité, plus de personnalisation, plus de réactivité, dans les cours dispensés en ligne où l'étudiant sent une forme de liberté et de facilité d'interpeller et de questionner le professeur, que dans un amphithéâtre de plusieurs centaines de personnes où rarement se font ce genre d'échanges, si utiles à une bonne compréhension et assimilation de ce qui est enseigné.
Cet exemple montre qu'en matière de développement régional, d'enseignement, des soins de santé, nous devons profiter de cette parenthèse de quatre années, de la confiance regagnée auprès de nos contributeurs, pour leur présenter un modèle de développement éducatif, infrastructurel et économique, qui tienne compte du nouvel espace technologique appelé à nous faire sauter de plusieurs générations en peu de temps.
Conclusion
Que d'événements n'ont pas été cités dans cette tribune, tels par exemple le rôle exemplaire de la société civile et de la femme en particulier, le nombre important d'associations créées qui ont pour la plupart répondu présent chaque fois que l'intérêt national les sollicitait, ainsi que l'émergence d'une jeunesse constructive et citoyenne, couronnée par des prix internationaux prestigieux.
Et comment ne pas être fiers de ce que, durant cette période tumultueuse, toutes les institutions de l'Etat ont continué de fonctionner, certes, pour quelques-unes cahin caha, mais très normalement pour la plupart.
La révolution tunisienne nous a fait vivre une période exaltante, loin des mornes saisons, durant lesquelles les nations et leurs citoyens ronronnent.
Nous avons des atouts pour consolider durablement l'ordre des choses, en faisant vibrer la démocratie, le sens aigu de la citoyenneté, la fraternité entre les différentes composantes de notre société, le vivre-ensemble avec nos voisins des deux rives de la Méditerranée.
Et en faisant de notre diplomatie, économique surtout, un aiguillon fort pour renforcer notre influence, la confiance de nos partenaires, et l'ampleur de nos échanges culturels, commerciaux et financiers.
Si nous changeons nos mentalités, si nous œuvrons plus au destin des futures générations, comme l'ont fait des petits pays (ceux de l'Europe du Nord, la Corée du Sud, le Luxembourg, etc.) nous garderons nos espérances et laisserons un bel héritage à ceux qui nous succéderont.
Nous pourrions devenir un rempart et non un passage, dans ce qui apparaît de plus en plus, si le monde n'y prend pas la vraie mesure du phénomène, comme la réalisation concrète de la prophétie de Huntington.
Il faudrait pour cela libérer nos énergies collectives et réduire à néant nos appétits individuels, qui sont la face lugubre du destin des hommes. Et «avancer sur notre route car elle n'existe que par notre marche» (Saint Augustin)


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