Faut-il espérer pour 2013 que la Révolution qui entame sa troisième année ait l'âge de raison ! Certainement, surtout après une année 2012 très chahutée par la violence... les violences de toutes sortes, aussi bien verbales que matérielles, sanctionnées par quelques morts et des blessés, aux abords de l'Ambassade américaine, à Tataouine, Siliana, Douar Hicher etc... La mobilité sociale a failli échapper au contrôle et les exigences se sont inscrites et exprimées à la hausse, ce qui a lourdement handicapé l'activité économique et celle du gouvernement. Est-ce la fin d'un cycle naturel propre à l'état de fermentation révolutionnaire, et va-t-on vers plus de sérénité ? Ou allons-nous, plutôt vers une plus grande surchauffe surtout en période de mobilisation électorale. Tout dépendra de certains facteurs déterminants. Le premier qui peut aider à la stabilisation relative en 2013, c'est d'abord un facteur psychologique, la lassitude générale d'un peuple qui aspire profondément à la paix sociale et à la vie. Nous avons vu et observé le même phénomène en Egypte, où le peuple excède par l'effervescence politique et le manque de solutions à ses problèmes pratiques n'est pas allé voter au Référendum constitutionnel et où plus de 65% des citoyens ont préféré s'abstenir et rester chez eux. Le projet de Constitution de M. Morsi a été adopté par 63% des 31% des votants... Faites votre calcul et vous comprendrez que cela représente à peine la population d'Alexandrie, alors que l'Egypte compte 88 millions d'habitants. Mais, tous les experts sérieux ont expliqué et déchiffré le phénomène par ce désir profond de stabilité et de paix sociale des Egyptiens, qui ne demandent que la relance de l'économie et du tourisme. Encore une fois la sagesse d'un Alexis de Tocqueville. Entre la liberté, la justice et la sécurité, les peuples donnent la préférence à la dernière. J'en arrive, justement, au 2ème argument et la Tunisie, semble bien partie aux premières lueurs de 2013 pour une meilleure sûreté. Tout s'est bien passé au Réveillon, le déploiement sécuritaire, a été certes, imposant mais à la hauteur, de quoi féliciter tous les corps de la police nationale, la garde nationale et l'armée pour leur vigilance et leur professionnalisme. Mais, le plus important, à notre sens, c'est la remise à niveau des structures de transmission et de participation pour canaliser et la demande sociale et les réponses du gouvernement. C'est ce que la science politique américaine désigne par les portails de surveillance et d'immunisation de la vie sociale (the gate keepers). Le gouvernement doit essayer de mettre à profit le dialogue social et politique à travers les structures d'encadrement, tels que les syndicats, les partis, les représentants de la Société civile, pour, justement, canaliser les exigences et faire en sorte qu'elles ne débouchent pas sur un embouteillage ou un gonflement de la crise. En démocratie, l'opposition comme les syndicats indépendants sont parties intégrantes du système politique et surtout de son immunité à condition bien sûr de ne pas recourir à la violence dans l'expression des revendications ou de l'alternance politique. En fait, il faut apprendre à distinguer le gouvernement et même l'Etat, qui font l'objet de luttes pour le pouvoir du système politique. Ce dernier est beaucoup plus large et englobe la sphère de décision du pouvoir, l'Etat et le gouvernement, ainsi que les structures d'encadrement politique et social. C'est ce que le politiste Samuel Huntington appelle : l'Institutionnalisation, qui est le critère par excellence de la démocratie. Finalement, les partis et les syndicats même de l'opposition ne doivent pas être perçus comme des « ennemis » mais comme des agents de régulation de la mobilité sociale, des revendications et des exigences politiques. Sans elles, c'est l'anarchie de la rue ou la dictature du pouvoir. Etre raisonnable pour le citoyen tunisien de 2013, c'est comprendre que nous sommes au début d'un processus assez long mais majeur qui peut être déterminant pour nous mettre en pôle position pour accéder à un système évolué des temps modernes. Le défi consiste à réussir cette phase historique de l'institutionnalisation qui pourrait nous projeter au rang des nations démocratiques de ce monde avec un modèle consensuel et pragmatique. Toutes les références à l'excessif qu'il soit religieux ou idéologique « révolutionnaire » ne peuvent que banaliser la voie à de nouvelles formes d'absolutisme, de droite ou de gauche. Encore une fois... le juste milieu... Aristote, le père du rationalisme, et notre religion l'Islam, le prescrivent... Alors, qu'attendons-nous !