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De la conquête à la construction de la démocratie
Opinions : Les enjeux des élections du 23 octobre 2011
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 09 - 2011


Par Mohamed AZIZA
Au moment où se préparent des élections qui détermineront, en grande partie, l'avenir de la Tunisie, chaque citoyen a le devoir d'apporter sa contribution à la réussite de cette échéance cruciale pour faire aboutir les promesses de la révolution du 14 janvier 2011 et réussir le délicat passage de la conquête de la démocratie à sa construction.
Pour ma part, je le fais ici en toute simplicité et gravité, en commençant par me souvenir des engagements de ma jeunesse auxquels je suis resté constamment fidèle.
Sans jamais faire de la politique une profession, ni m'engager dans aucun parti, j'ai été, en tant que citoyen indépendant de toute affiliation partisane, opposé au système du parti unique et à la confusion d'un parti unique ou hégémonique et de l'Etat.
Je n'ai jamais caché cette opposition qui m'a amené, à plus d'une reprise, à refuser des postes de responsabilité et à n'être même pas intégré dans la Fonction publique tunisienne.
Je n'ai jamais renoncé à proclamer publiquement mon attachement à la libre expression des croyances et des opinions dans le cadre d'un multipartisme revendiqué, même à des moments où une telle profession de foi pouvait être considérée par des pouvoirs totalitaires comme un blasphème ou une atteinte à la sûreté de l'Etat !
Malgré mon adhésion aux aspects réformistes de la politique de Bourguiba, notamment en ce qui concerne le statut des femmes, la généralisation de l'instruction, le renforcement de la classe moyenne, le refus des extrémismes et la méthode graduelle du changement par étapes, ma réfutation du parti unique et de sa confusion avec l'Etat m'a fait considérer, par beaucoup de serviteurs du pouvoir en place, comme un potentiel adversaire à neutraliser, à défaut de combattre ou d'embastiller.
Une certaine réputation sur le plan international, conquise par mes seuls efforts et sans aucun soutien de l'Etat dont je suis ressortissant, m'a sans doute évité de connaître d'autres rigueurs que les vilenies d'un acharnement à saboter le développement naturel d'une carrière internationale pourtant prometteuse .
Avec les démocrates de ce pays, nous crûmes, dans les années 70, à une embellie. Mais le «Printemps de Tunis» fut fugace. Malgré les efforts méritoires de ses promoteurs, cette éclaircie intervenue après le sombre épisode du socialisme forcé et dénaturé, ne réussit pas à réduire les fractures ni à guérir les blessures infligées à la société tunisienne par l'autoritarisme débridé d'un leader chloroformé par les flagorneries de ses courtisans et, bientôt, englouti dans le naufrage du grand âge.
Une deuxième et cruelle déconvenue attendait les démocrates tunisiens, à la fin des années 80. Nous avions cru que le remplacement du leader fatigué par un jeune qui semblait montrer, au début de sa prise de pouvoir, une velléité de changement par une série d'initiatives prometteuses (comme, par exemple, la nomination du grand réformateur de l'enseignement national, le regretté Mohamed Charfi) allait changer la donne politique dans notre pays.
Hélas, bien vite, cette illusion se dissipa. Et, sous les oripeaux du président, apparut le gourdin du policier. Le simulacre de multipartisme, concédé du bout des lèvres, abattit son masque. Il fit très rapidement place à la grotesque pantalonnade des 99% de voix recueillies à chaque élection présidentielle, à la domination sans partage du mal nommé Rassemblement Constitutionnel Démocratique redevenu quasiment parti unique, au renforcement du contrôle policier sur la population et au sinistre recours à la torture.
À l'inculture et aux aspects psycho-pathologiques d'un président dépourvu de l'aura et de la légitimité de son prédécesseur, il a fallu ajouter les nuisances de la présence, aux côtés du général, d'un entourage de très douteuse moralité qui compléta ce tableau de grande désolation par une marque infâmante de délinquance maffieuse proliférant à la tête de l'Etat.
L'élan démocratique a connu, dans notre pays, trop de cuisantes déconvenues pour qu'il soit envisageable de rater l'occasion qui nous sera offerte, le 23 octobre 2011, d'en terminer, une fois pour toutes, avec la malédiction liberticide et de marquer d'une pierre blanche l'An I de la Révolution, conformément à la volonté de ceux qui se sont sacrifiés pour permettre à tous d'utiliser, librement et sans crainte, le bulletin de vote pour exprimer leurs choix de la Tunisie qu'ils souhaitent pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
La cendre et le jasmin
A tout prix, nous devons éviter que trébuche l'élan libérateur et qu'avorte la splendide promesse initiée par l'immolation de Mohamed Bouazizi que j'ai célébrée dans un poème dédié à sa mémoire intitulé : «La cendre et le jasmin»(1). Les versions italienne et arabe de cette œuvre furent présentées au public, en première mondiale, le 14 mai 2011 à Palerme, à l'occasion de la cérémonie de remise du Prix international Al Idrissi à un autre héros de la Révolution pacifique : l'ancien président de la République de Pologne et du syndicat Solidarnosc, Lech Walesa .
Certes, le prochain exercice de votation n'est pas sans risque. Le citoyen tunisien a été habitué aux magouilles, tripatouillages et manipulations multiformes qui ont, à ce jour, dénaturé les consultations électorales. Voter librement, sans subir de pressions ni craindre des rétorsions, constituera sans doute une expérience inédite dans le vécu de l'électeur tunisien.
D'un autre côté, le choix entre les candidats proposés par la centaine de partis reconnus prenant part à la consultation électorale, pourrait s'avérer d'une grande difficulté et constituer un réel handicap. Le nombre exponentiel des partis et la duplication des programmes et des projets risquent d'instaurer une confusion dont pourraient bénéficier les partis les plus organisés, les plus financés et les mieux préparés au détriment d'une représentation véridique de la diversité des choix citoyens.
Une inquiétude légitime mais…
La multiplicité des partis et des offres politiques au lendemain du desserrement de l'étau de l'unanimisme de commande, a inquiété certains analystes et commentateurs.
On peut partager cette inquiétude en la tempérant cependant par le rappel d'une constatation scientifique. Les lois de la physique enseignent que toute forte compression d'un liquide ou d'un gaz est forcément suivie d'une expansion proportionnelle.
La compression dictatoriale des opinions et des expressions pendant 50 ans a amené, dans notre pays, selon cette loi de la science physique applicable au mécanisme du corps social, une explosion de propositions qui a généré un très grand nombre de partis et d'offres politiques.
Mais les lois de la physique nous rappellent qu'après l'expansion corrective de la compression, revient l'équilibre des masses et des forces. Ainsi, il conviendrait de se demander de quelle manière on pourrait aider, sur le plan de l'organisation des cadres de l'exercice politique, à la réalisation de cet équilibre d'après-expansion.
Malgré les tensions qui s'y manifestent et les surenchères de certains, je fais, pour ma part, confiance à la Haute Instance présidée par le Pr Yadh Ben Achour, pour mettre au point les modalités pouvant simplifier les procédures et clarifier les enjeux de la consultation électorale en choisissant les solutions techniques susceptibles d'assurer la conformité des résultats avec la réalité des choix.
Mais pour apporter une contribution personnelle à cette recherche, je souhaite évoquer un échange que j'avais eu avec l'ancien président de la République du Sénégal et grand écrivain africain, Léopold Sédar Senghor, au moment où nous préparions la rédaction commune d'un livre-entretien intitulé : «La Poésie de l'Action» paru, en 1980, à Paris, aux éditions Stock.
Certes, cet échange à propos du multipartisme que Senghor avait été le premier leader à expérimenter en Afrique, reflète, en premier lieu, des analyses propres à Senghor qui ne paraissent pas transposables, telles quelles, dans d'autres aires géographiques. Il n'empêche que je pense que son approche pourrait apporter des éclairages utiles à ceux qui cherchent à assurer la libre et efficace expression de la diversité politique dans leurs pays et la réussite de la transition démocratique.
Conserver, réformer ou déconstruire
Auteur d'une série d'essais d'analyse politique parus aux éditions du Seuil sous le titre de «Liberté», Senghor pensait, comme d'autres théoriciens qui l'ont précédé, que la vie politique des sociétés oscillait entre trois attitudes principales : conserver, réformer ou briser et recomposer.
D'où la proposition senghorienne d'établir, pour entreprendre une pédagogie de l'exercice démocratique, un «multipartisme organisé» regroupant les diverses expressions politiques autour de trois grands axes :
— Un front conservateur pouvant rassembler des partis prônant la nécessité de conserver en l'état les valeurs et les comportements hérités en privilégiant la continuité et le respect des traditions.
— Un front réformiste regroupant, quant à lui, les partis appellant à rechercher, par le biais d'une approche évolutive et d'une action progressive, un changement graduel des conditions de vie des citoyens et une amélioration des situations héritées pour une plus grande adaptation aux exigences de la modernité.
— Un front révolutionnaire englobant, enfin, des partis et des mouvements prônant la «tabula rasa» par un bouleversement radical des conditions existantes et l'édification de nouvelles normes en rupture avec celles héritées du passé ou prévalant au présent.
Dans ce schéma, la composition de chacun des trois fronts devait regrouper les partis selon les finalités qu'ils assignent à leurs actions et non pas selon les idéologies qu'ils défendent ou les méthodes qu'ils préconisent. Ainsi, dans le groupe réformateur, libéraux et socio-démocrates devaient pouvoir coexister, puisque le but ultime assigné à leurs actions : réformer en douceur la société, peut converger au-delà des différences de leurs options idéologiques et méthodologiques. Il en va, de même, du bloc révolutionnaire qui pourrait, au-delà des particularités idéologiques et méthodologiques, regrouper des organisations d'inspiration marxiste-léniniste, des trotskystes et des anarchistes appellant uniformément à un bouleversement radical de l'organisation sociale présente.
Tout en appréciant l'effort de simplification réalisé par cette proposition, je faisais remarquer à mon illustre interlocuteur qu'il était permis de douter que l'on puisse faire coexister, dans une même catégorie : celle des réformateurs, libéraux et socialistes et dans une autre : celle des révolutionnaires, marxistes orthodoxes, trotskystes et anarchistes. Je m'enhardissais même à lui proposer d'élargir ses trois catégories à un nombre plus élevé de regroupements en subdivisant, par exemple, le front réformiste en trois sous-catégories : réformistes-libéraux, réformistes-socialistes et réformistes-centristes. Et ainsi de suite, pour les deux autres catégories.
Je fus heureux de constater qu'au moment où il promulgua la loi instituant le multipartisme au Sénégal, il sembla s'être souvenu de notre conversation et, tout en maintenant un caractère organisé, voire limité à cette nouvelle expérience multipartiste, il ne la réduisit pas à trois seules catégories.
Quoiqu'il en soit, pour ce qui nous concerne aujourd'hui, nous pouvons, je crois, retenir de cet échange la nécessité de procéder à des regroupements au sein de la profusion de propositions politiques offertes à nos concitoyens pour faciliter leur choix et éviter la confusion pouvant découler de la multiplication, voire de la duplication d'offres semblables ou même parfois identiques.
Clarifier les enjeux de la compétition
Au-delà des techniques qui seront choisies pour simplifier les modalités du vote et garantir la pertinence et la conformité des choix citoyens, il semble impératif de rendre lisible l'objet même de la consultation et de clarifier les enjeux de la compétition. Car celle-ci constitue à la fois un aboutissement et un commencement. Comme une aube indécise pendant laquelle la nuit ne se résout pas encore à rendre gorge au jour qui pointe.
Les élections d'octobre 2011 sont un aboutissement du réveil initié par la révolution populaire. Elles sont, en même temps, le commencement de la construction d'un nouvel art du vivre-ensemble, germant dans les graines semées par ceux qui, au prix de leurs vies, ont osé briser les chaînes de la servitude.
C'est d'abord par fidélité à leur mémoire qu'il convient de réussir ce passage de la conquête de la démocratie à sa construction. Mais aussi par sens des responsabilités à l'égard des jeunes générations qui ne doivent, en aucun cas, être sevrées des bienfaits que la révolution du 14 janvier 2011 pourrait leur apporter. Aucune défiance envers les «vieux» partis, aucune «fatigue»devant les lenteurs du changement, aucune désillusion devant les hésitations de la transition démocratique, aucun agacement devant la profusion non maîtrisée des offres politiques, aucune impatience devant les difficultés d'un redémarrage de l'économie et la résorption du chômage ne doivent inspirer un renoncement à exercer le droit – et dans ce cas, on pourrait dire, le devoir – d'exprimer son choix pour l'avenir du pays.
Enfin, il paraît probable que la Tunisie est la mieux placée pour réussir la transition démocratique et pour maintenir vivante l'espérance que le réveil arabe a allumé dans la conscience de ses peuples.
Qu'il me soit permis, à présent, de formuler une série de vœux.
Puisse la prochaine consultation électorale enregistrer un taux de participation digne des enjeux qu'elle recèle. Qu'elle soit limpide dans son déroulement, honnête dans ses résultats et qu'aucune instrumentalisation de la démocratie ou de la religion ni aucun populisme hypocrite ne puissent permettre la victoire de ceux qui, implicitement ou explicitement, travaillent à la ruine de l'avenir démocratique dans la justice et la dignité auquel aspirent les citoyens du pays retrouvé.
Si on me demande d'aller plus loin et d'exprimer mes préférences personnelles, je dirais que je continue à être fidèle aux choix de ma jeunesse en faveur de la modernité, du développement solidaire, de la justice redistributive et de la préservation des acquis de l'indépendance.
Et j'ajouterai qu'il me paraît nécessaire que soit élaboré un projet politique, social, économique et culturel susceptible de nous aider à relever les défis d'une mondialisation ambivalente qui, en même temps qu'elle travaille à l'établissement d'une société-monde et d'une conscience planétaire, multiplie les disparités socio-économiques entre pays et à l'intérieur des nations comme autant d'obstacles sur les chemins de l'accomplissement des individus et des sociétés, comme le démontre la crise systémique que le monde a vécu en 2008 et revit de nos jours.


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