Ce n'est point appartenir à une ère nouvelle que de rompre vraiment avec les mauvais réflexes, les mauvaises habitudes. Faut-il s'habituer aujourd'hui à répéter les mêmes constats et les mêmes causes qui font l'histoire d'une équipe de Tunisie qui suscite l'espoir un jour, et qui s'écroule le lendemain? Le match et la prestation livrés contre le Cap-Vert ressemblent bien aux précédents. Défense hésitante. Bataille perdue au milieu du terrain. Silence en attaque. Le problème de la sélection est bien là: les cadres n'assument pas leur rôle. Ou du moins, ils n'ont point l'aptitude de patrons absolus. Certains, tels qu'ils ont entamé la CAN, donnent l'impression d'avoir trop à faire avec leurs propres défaillances pour s'occuper de celles des autres!...Ceux-là mêmes qui ont souvent conscience du privilège, et ne pas vraiment le mériter. Une chose est sûre: on ne se débarrassera pas comme ça de tant d'accumulations et de tant de défaillances...Ce n'est pas un blâme, mais c'est un fait historique: la sélection n'est pas encore prête à finir avec cette fragilité et cette incohérence. Quelque part, elle est condamnée «éternellement» à remettre tous ses progrès en question. Dans les grandes compétitions, les équipes qui gagnent, ce sont celles qui attaquent, qui créent, qui vont chercher l'adversaire dans son camp et qui ont une maîtrise positive et efficace du ballon. Quiconque refuse cette nature à la fois collective et offensive du jeu ne peut prétendre discuter football. Au fait, chaque formule d'attaque ne relève pas de simples sentiments, c'est une notion exigeante et combative. Quel constat peut-on dresser aujourd'hui après le premier match de la sélection à la CAN? Quel regard peut-on porter sur la qualité du jeu offert et sur le niveau technique des joueurs? Plus encore: quelles sont les pistes à creuser pour faire oublier le faux pas contre le Cap-Vert? Comment se dessine le paysage à la veille d'autres matches qui compteront certainement plus au niveau du résultat que pour autre chose? Entre, visiblement, pas de vision du tout et une vision trop étroite, Leekens n'a plus le choix. Il devrait défricher plus loin et tendre vers une gestion d'effectif plus efficiente pour sortir le bon joueur et la bonne formule au bon moment et au bon endroit. Pour réhabiliter son équipe, il devrait faire le pari de jouer et faire le jeu. La plus grande exigence nécessite à ne plus vivre sur le même statut, à revendiquer une vraie identité de jeu, mais ne pas, non plus, jouer pour jouer. Plutôt, jouer pour gagner. Gardons-nous de le penser en termes de situation et d'histoire toujours susceptibles aux renversements: les joueurs de la sélection sont capables de s'imposer et de vaincre, mais en même temps, ils sont aussi menacés par la révélation d'un possible démon intérieur, qui peut être le doute, la nervosité, l'anxiété, l'inconstance, les états d'âme. C'est pourquoi nous pensons qu'avoir de bons joueurs est une chose, avoir une bonne équipe en est une autre. La capacité de réussir... On a besoin «de guerriers». Pour une fois, on n'a pas peur d'écrire ce mot terrible. C'est un beau nom pour définir le caractère de joueurs allant au fond d'eux-mêmes. Le portrait d'hommes, avec la plus extrême détermination, défendant sans répit leurs couleurs et formatés pour la gagne. Dans ce monde qui rend l'échec inacceptable, seule la victoire est belle. La défaite est tellement stigmatisée que le risque d'être perçu comme un perdant peut devenir insupportable. Cela défie, certainement, de nombreuses logiques. Mais pas celle du football de haut niveau, sensible à l'opportunisme, au courage, à la solidité et à la détermination. Nous ne sommes pas tous d'accord sur la qualité du travail accompli par l'équipe, et pas plus sur le rendement des joueurs. On s'indigne d'un jeu qui privilégie la défense et la rigueur à l'excès. Les spécialistes de l'équilibre peuvent se demander ce que deviendrait justement la sélection si elle continue à favoriser les mêmes principes. Mais les observateurs avertis peuvent aussi se dire qu'elle pourrait disposer d'une ligne de conduite et d'une compétence certaine. On peut toujours dire, et on le dit donc, qu'elle nous laisse souvent sur notre faim, qu'elle apprivoise insuffisamment ses adversaires et qu'elle ne rend pas toujours gai. Mais elle reste toujours capable de tout. Les joueurs auraient ainsi besoin de comprendre que le match en lui-même n'est que la conséquence de toute une série d'attitudes et d'adoption de valeurs. C'est dire si le football est aussi capable des fois d'inspirer les idées les plus surprenantes...