Par Abdelhamid GMATI Le chef du gouvernement actuel, Mehdi Jomâa, participe à Davos, au 45e Forum économique mondial. 300 chefs d'Etat et de gouvernement, des responsables politiques, des journalistes et autres personnalités publiques ainsi que 1.500 décideurs économiques venus de 140 pays seront présents à cette réunion annuelle. Les débats porteront traditionnellement sur les tendances de l'économie et de la politique mondiales. Le Forum n'est pas ouvert à tout le monde et on n'y participe que sur invitation. Il n'a aucun pouvoir de décision formel mais peut influer considérablement sur les priorités internationales. A cette session a été invitée la directrice générale de Oxfam International qui coprésidera l'événement. Elle y lancera un appel pressant, entre autres, pour une action d'envergure pour enrayer la montée des inégalités. D'après son dernier rapport (19 janvier), Oxfam établit que «la part du patrimoine mondial détenu par les 1 % les plus riches était passée de 44 % en 2009 à 48 % en 2014, et dépasserait les 50 % en 2016» et que «au final, 80 % de la population mondiale doit se contenter de seulement 5,5 % des richesses». Déjà, depuis l'an dernier, des responsables de plusieurs pays et des dirigeants de plusieurs organisations économiques et financières prennent très au sérieux ce problème des inégalités économiques qui «constituent une menace sérieuse pour la stabilité dans le monde». «Les inégalités extrêmes corrompent la politique, freinent la croissance économique et entravent la mobilité sociale. Elles alimentent le crime et même des conflits violents. Elles dilapident les talents, anéantissent le potentiel et minent les bases de nos sociétés», note le rapport d'Oxfam. La Tunisie n'échappe pas à ce phénomène. On sait que les inégalités économiques, notamment au niveau des régions, ont été le déclencheur déterminant de la Révolution. Mais après 4 ans, rien, ou presque, n'a changé. Certes, on a acquis une plus grande liberté d'expression et une meilleure liberté d'association et de presse, bien que les menaces persistent. Mais sur le plan socioéconomique, la situation s'est même détériorée, de l'aveu même des responsables politiques, économiques et syndicaux. Le chef du gouvernement Mehdi Jomâa ne cesse de le répéter. La présidente de l'Utica vient de déclarer cette semaine que «la situation économique en Tunisie est très alarmante et le gouvernement doit informer le peuple sur les ressources réelles du pays et l'étendue de son endettement». Les nombreuses grèves et les troubles sociaux qui ne cessent de se multiplier dans le pays et qui touchent plusieurs secteurs, y compris l'enseignement et l'administration, sont révélateurs de ces inégalités qui persistent et s'aggravent. Ces arrêts de travail coûtent une fortune. Le blocage actuel de la production de phosphate dans le bassin minier de Gafsa et qui dure depuis 4 ans, ainsi que celui du Groupe chimique à Gabès, occasionnent une perte équivalant, selon la centrale patronale, «à la valeur totale des dettes du pays». Les experts en économie estiment, entre autres, que le pouvoir d'achat du citoyen a régressé de plus de 20% durant ces dernières années. A tout cela s'ajoutent les inégalités dans le développement régional et la disparité dans les salaires. D'aucuns trouvent indécent que lorsque le Smig n'atteint pas les 350 dinars, le salaire du président de la République est de 30.000 dinars, sans compter les autres avantages tout aussi importants. Selon une enquête réalisée en 2014, «77% des Tunisiens questionnés ont déclaré que les inégalités entre les pauvres et les riches constituent un problème d'une priorité absolue, ainsi qu'un défi majeur à relever dans la conduite des politiques publiques». Des solutions sont préconisées. On propose de «verser aux travailleurs un salaire décent et combler le fossé inhérent aux primes vertigineuses des dirigeants, rendre les services publics gratuits et universels d'ici 2020, mettre en place un socle de protection sociale universelle, cibler le financement du développement, renforcer les relations entre les citoyens et leur gouvernement, faire travailler les Etats en faveur des citoyens et lutter contre les inégalités extrêmes et partager équitablement la charge fiscale pour uniformiser les règles du jeu». L'Ugtt a soumis au prochain chef de gouvernement, Habib Essid, ses attentes qui vont dans le même sens. Il est à espérer que les nouveaux responsables se montreront plus responsables que leurs prédécesseurs.