Le chef du gouvernement désigné poursuit ses consultations sans demander de nouveaux noms à ses interlocuteurs ni promettre de postes ministériels. Ennahdha s'accroche à un gouvernement d'union nationale, Afek Tounès exige de connaître à l'avance qui va participer. Une frange des nidaistes opposée à Ennahdha estime que la majorité est acquise même si le Front populaire ne change pas de position Hier, mardi 27 janvier, deuxième jour du deuxième round des négociations conduit par Habib Essid en vue de revoir son équipe ministérielle annoncée vendredi dernier et qui a suscité un tollé général de contestations et poussé les partis politiques consultés à annoncer ouvertement qu'ils ne lui accorderont pas leur confiance quand ils ont découvert, comme tout le monde, la composition du gouvernement. Et il semble d'après les indiscrétions glanées par La Presse auprès des partis consultés lundi et mardi que Habib Essid n'a pas changé de démarche «puisqu'il continue toujours à écouter ses interlocuteurs, ne leur demande pas de lui fournir les noms des ministres susceptibles de représenter leurs partis, ne les informe pas sur les partis qui vont participer au gouvernement. En un mot, le chef du gouvernement désigné poursuit la démarche utilisée lors du premier tour des consultations et promet à ses invités une prochaine rencontre sans en déterminer la date», comme le confie à La Presse une source informée dont la parti a participé à une rencontre avec Essid. En attendant, personne ne sait encore combien vont durer ces nouvelles consultations. On ne sait pas également si Habib Essid sera dans les délais que lui impose la Constitution (article 89) qui l'oblige à solliciter la confiance des députés le 4 février prochai, soit un mois jour pour jour après sa désignation, le 5 janvier dernier, pour former le gouvernement. Tout de même, une petite lueur dans la grisaille générale : les députés ont reçu, hier, un SMS de la part du bureau de l'Assemblée les informant qu'une séance plénière se tiendra le lundi 2 février prochain en vue de l'adoption du règlement intérieur de l'Assemblée, sachant que quatre articles sont à examiner, et à adopter encore et les chefs des groupes parlementaires ont déjà, lors de leur dernière réunion, tout réglé. Donc, si on fait les comptes, on découvre que les concertations bis de Habib Essid vont se poursuivre au moins jusqu'à la fin de la semaine en cours. Le programme commun tombe à l'eau Du côté d'Ennahdha, dont une délégation a été reçue lundi 26 janvier par Habib Essid, les choses sont claires. «Nous avons renouvelé, précise Ajmi Lourimi, député et membre du bureau exécutif du parti, notre vision de la nature du gouvernement qui doit être un gouvernement d'union nationale et nous avons exprimé notre disposition à y participer sans toutefois exiger des postes ministériels précis. Et Habib Essid ne nous a promis aucun ministère. Il n'a pas fait également part de conditions quant à notre participation. Une précision importante : nous avons fait savoir au chef du gouvernement que nous rejetons l'appellation «gouvernement de compétences avec des personnalités politiques» dont il qualifie son équipe ministérielle. Cette qualification ne correspond pas à nos attentes du futur gouvernement qui sera contraint à prendre des mesures courageuses et douloureuses. Pour nous, il est incontestable que le prochain gouvernement devra être d'union nationale». A la question de savoir si les négociateurs d'Ennahdha avaient le sentiment de traiter avec Habib Essid ou avec Nida Tounès, Ajmi Lourimi précise: «Nous savons qu'il dépend de Nida Tounès dans ses choix. Toutefois, nous traitons avec lui en tant que chef de gouvernement devant avoir un programme à la mesure des priorités de l'étape. Nous avons déjà contribué à l'élaboration de ce programme que l'on pourrait considérer comme un programme commun représentant la synthèse des programmes des partis ayant participé au premier round des négociations (UPL, Al Massar, Al Moubadara, Afek, Ennahdha et Nida Tounès). Le programme commun était prêt. Malheureusement, quand il a annoncé, vendredi dernier, la composition de son gouvernement, il a indiqué qu'il va appliquer le programme de Nida Tounès. Slim Chaker et Mahmoud Ben Romdhane, membres de la commission du programme commun, ont été promus ministres, alors que nos experts et ceux des autres partis ont disparu de la liste sans aucune explication». Afek veut un gouvernement d'entente nationale Du côté de Nida Tounès, la division est toujours d'actualité. Les opposants à l'association d'Ennahdha tiennent toujours à ce que le parti respecte ses engagements vis-à-vis de ses électeurs et considèrent que les nahdhaouis ne doivent, à aucun prix, figurer dans la prochaine équipe d'Essid. «Ceux qui parlent d'une majorité large ou du tiers bloquant d'Ennahdha n'ont pas lu la Constitution comme il convient de le faire et oublient ou ne veulent pas admettre que les comptes peuvent offrir à Nida Tounès la majorité qu'il faut, même si les gens du Front national camperont dans leur refus de faire partie du gouvernement (Ndlr : voir l'article de Samira Dami)», précise à La Presse un député nidaiste appartenant à la fraction opposée à la participation d'Ennahdha. Il est convaincu que Habib Essid peut compter «sur les députés de Nida Tounès (86 députés+4 indépendants déjà acquis), ceux de l'UPL, au nombre de 16, les députés d'Afek Tounès, au nombre de huit, et les députés d'Al Moubadara, soit 117 députés, ce qui lui permettra de disposer d'une majorité reposante et d'éviter la participation d'Ennahdha». Le même député souligne : «Au sein de Nida Tounès, les choses vont changer. Le groupe parlementaire est déterminé à imposer ses vues et à faire entendre sa voix auprès de la direction. Il est actuellement question que des représentants du groupe parlementaire accèdent à la direction exécutive du parti». Quant à Afek Tounès, on apprend que ses dirigeants exigent que Habib Essid révise la démarche qu'il suit dans ses nouvelles consultations. Des sources proches du parti révèlent : «Nous voulons qu'il dévoile à ses interlocuteurs les noms des partis qui feront partie du gouvernement. Le flou a assez duré et nous ne voulons plus de nouvelles surprises. Plus encore, nous exigeons un gouvernement d'entente nationale».