«Mrajel», mise en scène de Brice Tripard, avec Haythem Hadhiri et Mohamed Dahech à l'ouverture de la 9e édition du Festival du rire au Théâtre de la Ville de Tunis: une audacieuse et réjouissante comédie qui expose au grand jour le sujet de l'homosexualité Le coup d'envoi de la 9e édition du festival du rire a eu lieu avec la première d'une pièce théâtrale tunisienne divertissante qui fait osciller les spectateurs une heure trente durant entre réserve et rire, plaisir et étonnement. D'abord parce que le script alterne dialogues extrêmement drôles, subtils, amusants, touchants, intégrés à une variation sur le couple homme-homme et homme-femme, tout en s'immergeant dans l'univers de l'homosexualité. Et parce qu'ensuite, on hésite entre réalisme et burlesque, cherchant continuellement le ton adéquat, rendant l'ouvrage comique et intrigant à la fois. Toute la pièce repose sur cette dualité homme-femme, masculin-féminin contenue en chacun de nous, la théorie du genre ou «Mrajel». Au lever du rideau de la Bonbonnière, donc, sous nos yeux "ébahis", l'intérieur chic d'un appartement à Hammamet... Haythem Hadhiri (Béchir, alias Bibi), cette fois-ci, loin de son style habituel et son statut de meilleure voix opératique tunisienne, s'essaie au théâtre et plus exactement à la comédie, qui lui va d'ailleurs comme un gant. Il nous surprend en robe de chambre satinée, avec son air de bourgeois efféminé. Il règle ses comptes concernant le showbiz, non sans se chamailler allégrement avec son partenaire Mohamed Dahech (Fifi, ou la vedette Zaza Napoli). Tous deux danseurs célèbres d'un club de revue de travestis à Paris. Bibi fait tout son possible pour amadouer les caprices de la diva hyper-sensible et ses sautes d'humeur qui rythment leur longue vie commune. C'est là que la jeune Aïcha, la fille unique de Béchir, issue d'un mariage hétéro «qui n'a duré qu'une seule nuit», fait son entrée. Elle annonce à son père qu'elle va épouser le fils d'un riche député conservateur et lui demande, désormais, de faire bonne figure devant la famille du futur gendre et se comporter en homme hétéro. Elle lui demande, également, de trouver un moyen pour se débarrasser de Fifi, on compagnon. A ce moment-là, Béchir ne voit qu'une solution devant lui, faire de Fifi un homme «en trois jours !». Dès lors, vannes, humour et sarcasme coulent à flots à travers les gestes ou dans les propos des personnages qui suscitent le rire du public à plusieurs reprises. Echouant à se reconvertir en homme ordinaire, Fifi décide de continuer à remplir son rôle de mère pour Aïcha, et à impressionner la famille du fiancé qui ne tarde pas à découvrir l'homosexualité de Bibi et Fifi. Perruques, étoles, boas en plumes, costumes et paillettes, le couple parvient à entraîner le fiancé et son père dans leur univers excitant et peu ordinaire. Au final, tout le monde s'est travesti en femme, offrant joie et bonne humeur au public présent. Un joli travail, une mise en scène aboutie de Brice Tripard et un jeu d'acteurs attachant, bien conduit par Aïcha Attia , Mohamed Kouka, Azer Zaouali, Oumayma Mehrzi, Chadia Azzouz, Mohamed Samali et Bruno Chomienne... Mention spéciale à Mohamed Dahech et Haythem Hadhiri qui ont excellé dans leurs rôles respectifs, que ce soit au niveau du jeu, du dialogue, du ton ou dans leur manière d'occuper la scène. Le rythme y était, les rapports et les confrontations entre les personnages tiennent le spectateur en haleine du début à la fin. Bref, les composantes d'une création originale, gaie et épicée qui a retenu l'attention, plu et convaincu.