Décédé à Berlin mardi 17 février au soir, le poète algérien Malek Alloula a été inhumé à Oran, ville où il a grandi. Il était l'auteur d'une dizaine de volumes de poésies et de romans publiés en France et au Maghreb Poète, critique, essayiste de langue française, l'Algérien Malek Alloula, 77 ans, s'est éteint mardi soir à Berlin où il était en résidence d'écriture. Il était le frère du dramaturge et comédien Abdelkader Alloula, assassiné en 1994 par les islamistes. Malek Alloula fut aussi autrefois l'époux de la romancière et l'académicienne franco-algérienne Assia Djebar qui, elle, a tiré sa révérence le 6 février dernier. Originaire d'Oran, Malek Alloula avait fait des études de lettres modernes à la faculté d'Alger, ensuite à la Sorbonne à Paris où il a fait sa thèse sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il vivait et travaillait à Paris où il s'était installé définitivement en 1967. Il est l'auteur de plusieurs recueils de poèmes (Villes et autres lieux, Rêveurs/Sépultures, L'Exercice des sens, Mesures du Vent, L'accès au corps et Les Festins de l'exil). «Il est une figure discrète et essentielle de la littérature algérienne», peut-on lire sur la page consacrée au poète, sur le site de son éditeur algérien Barzakh, qui a réédité l'intégralité de l'œuvre de ce poète oranais. La poésie d'Alloula, publiée à Paris, mais aussi au Maghreb, se signale par son écriture élégante, riche en métaphores et en symboles. Elle a pour thèmes la ville, la beauté des paysages, les corps de femmes. «D'un rire qui se suspend/ En ces sentiers où vous halent/ D'équivoques compagnes/ Voici que s'inverse la fête/ Sur vos profils à contre-jour/ Naissant et mourant ici à vos corps de femmes», proclame le poète dans son plus beau recueil Rêveurs/Sépultures (1982). «Petit cireur, mon frère» Né en 1923, dans l'Algérie profonde, «en pleine paysannerie», aimait ajouter le défunt, Malek Alloula est essentiellement un poète de la ruralité, qui a vu la fibre paysanne forger sa sensibilité. Ce n'est que lors de son adolescence qu'il est venu s'établir à Oran avec toute sa famille. L'homme puisait aussi son inspiration dans les heurs et malheurs des petites gens dont le destin ne l'indifférait guère. Son premier poème «Petit cireur, mon frère» lui fut inspiré par la proclamation par le président Ben Bella interdisant sur l'ensemble du territoire algérien l'exercice du métier de cireur. Il faut aussi lire les essais de cet auteur talentueux, notamment son Harem colonial, images d'un sous-érotisme, illustré de photographies des cartes postales d'Algérie sous la colonisation. Paru pour la première fois en 1981, plus proche du pamphlet-polémique que de brochure touristique, cet essai déconstruit la pensée ethnographique dont les cartes se réclament, révélant ses fondements à la fois idéologiques et fantasmatiques. Les commentaires perspicaces et critiques que l'auteur propose dans ces pages ne sont pas sans rappeler le travail d'Edouard Saïd sur la représentation de l'Orient dans la littérature occidentale du XIXe siècle et sa contribution à la production d'un imaginaire «orientalisant». Le dernier livre publié de Malek Alloula est un roman-photo intitulé Paysage d'un retour que le défunt avait fait paraître en 2010, en collaboration avec le photographe Pierre Clauss.