La récente visite du chef du gouvernement à Tataouine et à Médenine est censée faire renaître chez les habitants de ces régions l'espoir de rattraper le temps perdu. Car être très proche de la réalité toute crue peut être une manière d'agir dans le bon sens et d'exprimer sa volonté de mettre le doigt sur la plaie. C'est que les mesures prises dans l'immédiat lors des CMR tenus, pour la première fois, sur les lieux, loin de la capitale, ne devraient pas rester lettre morte. Sinon, les soulèvements et les mouvements épisodiques de colère et de protestation seront de retour, avec le risque d'être encore plus violents. Un tel scénario, que nul ne souhaite, ne pourrait que recréer le chaos et remettre tout en cause. Pour le gouvernement Essid, le fait de composer, d'emblée, avec l'action sur le terrain, d'être à l'écoute des citoyens, constitue un véritable gage de confiance mutuelle. Reste que la panoplie de décisions prises dernièrement en faveur du développement dans les régions de Tataouine et Médenine nécessite d'être soutenue par d'autres mécanismes d'exécution en mesure de satisfaire les demandes et venir à bout des problèmes posés. Il s'agit de ne pas reproduire les mensonges politiques de l'ère Ben Ali, deux décennies durant, qui n'ont fait qu'appauvrir les plus pauvres et confiner plusieurs régions dans l'oubli. A cette époque, le modèle de développement était discriminatoire, creusant davantage les disparités sociales. Depuis, et même bien avant, à l'époque de Bourguiba, ces habitants du Sud n'ont cessé de demander emplois et justice sociale. Aujourd'hui, ils en redemandent encore, avec beaucoup plus d'insistance et d'acharnement. Ils veulent être traités en Tunisiens à part entière, sans exclusion ni marginalisation, voire telle bénéficier, pourquoi pas, de la discrimination positive, telle qu'énoncée par la constitution de la IIe République. Et M. Habib Essid de soutenir cette revendication en affirmant : «La discrimination positive tire sa juste signification des projets et budgets à consacrer aux régions qui en ont le plus besoin...», explique-t-il. Ce que demandent les habitants Au bout d'un face-à-face, qualifié de productif, avec les habitants, en présence de représentants de la société civile, le chef du gouvernement a saisi l'occasion pour annoncer une série de mesures au profit des deux régions visitées. Celles-ci sont issues des Conseils ministériels restreints (CMR), réunis sur les lieux. A Tataouine, comme le revendiquent les habitants, il a été décidé d'accélérer l'enquête d'investigation sur la mort de Saber Meliane, atteint par des tirs de la police lors des incidents de Dhehiba. De même, l'aménagement du poste frontalier de cette localité, avec des investissements de l'ordre de 8 millions de dinars. Les gardes-frontières seront dotés d'un poste et de nouveaux équipements matériels et logistiques. Dans le cadre du rapprochement de l'administration des citoyens, Dhehiba, cette zone sentinelle, bénéficiera d'un centre de prestations sociales. Et ce n'est pas tout. Son plan d'aménagement a été approuvé et la situation des logements sociaux, dont la propriété remonte à 1985, sera bientôt régularisée. Un accord de principe a été par ailleurs avalisé donnant autorisation de créer une unité de cimenterie au profit du gouvernorat, relevant du projet «Ciment du sud», ainsi qu'une zone industrielle où seront implantées des unités de plâtre sur une superficie de 25 hectares dans la localité de «Kloub Homr». Autres décisions non de moindre importance, la protection de la ville de Tataouine contre les eaux pluviales et les résidus issus des monts «Essad» et «Tamzout» et l'intégration de ce projet dans le budget complémentaire de cette année, ainsi que l'ouverture de l'aéroport militaire de Remada aux avions civils. Volet santé, le staff médical sera renforcé par le recrutement de médecins spécialistes, sinon le recours à des conventions avec des médecins militaires. Le ministère de tutelle sera chargé de réviser la carte sanitaire propre à Tataouine, à même d'améliorer la qualité des services et de les rapprocher des citoyens. Outre l'aménagement de certaines routes locales et régionales, l'accent sera mis sur la création de nouvelles communes (Tataouine et Smar...), l'assainissement des terres coopératives et leur mise en valeur dans la région, ainsi que l'incitation des sociétés pétrolières basées dans la région à contribuer à l'aménagement des routes menant à leurs sites de production. Médenine aura son lot La visite à Médenine a débouché, elle aussi, sur une batterie de mesures à plusieurs volets. Il s'agit, de prime abord, de la suppression de la taxe de sortie d'une valeur de 30 dinars imposée aux passagers libyens, décision qui sera bientôt soumise à l'ARP pour adoption. Etant un carrefour de transit du trafic de biens et de personnes, le point de passage frontalier de Ras Jedir fera l'objet d'un chantier de réaménagement, de maintenance et d'équipement par des systèmes de surveillance pour plus d'efficacité et de vigilance. A Ben Guerdane, il y aura une zone logistique et une autoroute à voie rapide reliant Médenine à Ras Jedir. Il est également prévu de changer la vocation des terres privées situées dans la zone industrielle de Ben Guerdane, totalisant 15 hectares. Autres mesures : la construction, à partir de juillet prochain, d'une station de distillation des eaux, avec une capacité de 9 mille m3 par jour, dans l'objectif d'améliorer la qualité de l'eau potable dans la région; des ouvrages hydrauliques auxquels s'ajoutera, prochainement, un projet de développement pastoral, financé par le Fonds international de développement agricole. Le secteur de la santé sera aussi renforcé par des équipements hospitaliers. En profitera, au cours de cette année, l'hôpital local de Ben Guerdane et celui de Médenine. Le port de Zarzis aura, lui aussi, son lot de décisions et son ouverture au trafic passager. Par ailleurs, des locaux administratifs seront ouverts dans les zones de Beni Khedèche et Sidi Makhlouf qui deviendra, ultérieurement, une commune. D'autres régions auront, ainsi, à accéder au statut municipal. La question environnementale à Médenine est à résoudre, en toute urgence, de même qu'à Djerba, où un projet de valorisation des déchets est à l'étude. Il s'agit, en outre, de l'étude du projet de construction d'un pont reliant El Jorf et Djerba, surtout que 5 parmi les 8 bacs existants ne sont plus opérationnels. L'archipel et la ville de Médenine seront raccordés au réseau de gaz naturel d'ici le mois prochain, alors que toute la zone franche de Zarzis en profitera ultérieurement. Autres mesures issues du CMR de dimanche dernier : parachever la création des zones industrielles déjà programmées dans le gouvernorat et prévoir d'autres zones limitrophes de l'autoroute au niveau de Naffatia, le but étant de polariser les grands projets à forte employabilité. De telles mesures portant sur plusieurs domaines sont de nature à transformer le visage des deux gouvernorats en question, en leur conférant une nouvelle dynamique socioéconomique. Leur concrétisation ne devrait pas tarder.