L'appel à la création de nouvelles municipalités (on parle de la nécessité d'installer 50 mairies de plus), le retour de plus en plus perceptible du développement de la région dans l'action gouvernementale, la décision de Habib-Essid, chef du gouvernement, de tenir des conseils ministériels dans les régions avec la participation des composantes de la société civile de ces mêmes régions, la mobilisation de certaines associations en vue d'accélérer l'organisation des élections municipales (certaines ont déjà élaboré un code électoral municipal), ainsi que le sentiment général selon lequel les régions ne doivent plus attendre les initiatives du centre mais proposer leurs propres plans de développement, constituent autant d'indicateurs qui montrent que la jeune expérience démocratique tunisienne est en train de prendre, certes timidement mais sérieusement, son véritable envol. Certes, la consécration du pouvoir local auquel la Constitution du 27 janvier 2014 consacre l'ensemble du chapitre VII allant de l'article 128 à l'article 139 impose un travail législatif considérable. Et les constitutionnalistes et autres spécialistes de la décentralisation, fondement sur lequel s'articule l'exercice du pouvoir local, de se lancer dans une série de débats sur la meilleure stratégie à entreprendre afin que les citoyens soient éclairés sur la manière avec laquelle les collectivités locales (municipalités, régions et districts) vont exercer les attributions que leur confère la Constitution (chapitre VII). L'entreprise est certes difficile mais motivante et aussi galvanisante à plusieurs égards, puisqu'avec l'entrée en application des différents articles relatifs à l'exercice du pouvoir local, les citoyens saisiront que la gestion des affaires de leurs villes est désormais leur affaire. Une nouvelle culture aura à s'installer dans les esprits, celle de comprendre que si développement il y a et que si construction il y a, ils seront l'émanation de la région et de la localité elles-mêmes, loin de toute tutelle, interférence ou mainmise des autorités centrales. D'ailleurs, plusieurs catégories d'activistes de la société civile ont bien compris que la mentalité d'assisté et le recours excessif aux interventions des autorités centrales ne doivent plus être de mise et c'est pourquoi on a changé de discours et de revendications dans plusieurs régions du pays. Le gouvernement Essid a semble-t-il compris la nouvelle donne et s'oriente vers la concrétisation, lentement mais sûrement, du droit de la ville, de la région et du district de disposer de leur propre sort. Sa décision de créer, dans les semaines à venir, 18 nouvelles municipalités s'inscrit bel et bien dans sa volonté de faire en sorte que la région vole de ses propres ailes et que ses cadres et compétences, toutes appartenances et sensibilités confondues, se prennent en charge, sortent de leur léthargie de fonctionnaires attendant les directives d'en haut, prennent l'initiative et osent, même s'il y a des erreurs au départ. A l'époque de Ben Ali, on faisait du discours responsabilisant la région une vitrine de propagande fallacieuse, aujourd'hui, personne ne se taira plus sur les dépassements ou les décisions prises par certaines familles ou clans organisés. La Constitution, la loi fondamentale, est le garde-fou de toute propension à imposer les desiderata de quiconque. Et les élections des conseils municipaux régionaux et des conseils des districts (article 130) permettront d'ajouter un jalon de taille à la jeune expérience démocratique tunisienne ayant pris, malgré tous les couacs, le bon chemin un certain 26 octobre 2014.