Abada Kéfi (Nida Tounès), Noureddine Bhiri (Ennahdha) et Mongi Rahoui (Front populaire) dénoncent unanimement ce qu'ils appellent de «vaines tentatives de destabilisation du pays» A peine quelques minutes après l'audition du ministre de la Justice hier devant la commission de législation générale, plusieurs coups de feu ont retenti du côté sud du bâtiment, plus exactement du côté du musée du Bardo. Il était à peu près midi, les agents de sécurité ordonnent l'évacuation de l'ensemble des salles et recommandent aux journalistes comme aux parlementaires de s'éloigner des fenêtres. A ce moment précis, tout le monde ignorait de quoi il s'agissait. Mais peu à peu, l'information prend forme: deux individus armés de kalachnikovs, sont entrés dans l'enceinte du Parlement et ont tiré aléatoirement sur les cinq bus de touristes qui venaient d'arriver au musée. La panique saisit alors les élus, les journalistes et les employés du parlement qui craignent que les terroristes réussissent à pénétrer à l'intérieur de l'hémicycle. Le président de l'Assemblée est évacué, s'ensuit alors un balet d'agents d'unités spéciales qui ratissent l'ensemble de la zone. Une délégation de touristes italiens et nippons est exfiltrée à l'intérieur de l'ARP. Visiblement sous le choc, une touriste italienne s'en prend à un cameraman qui voulait la filmer et tente de lui briser sa caméra. Les députés, choqués à la fois par l'attaque terroriste et par la défaillance de la présidence du Parlement, annoncent unilatéralement la tenue, avant même la fin des opérations, d'une séance plénière extraordinaire. Ils sont finalement raisonnés par le député Abada El Kéfi, qui leur propose d'entonner l'hymne national dans le hall. Abada Kéfi (Nida Tounès), Noureddine Bhiri (Ennahdha) et Mongi Rahoui (Front populaire) dénoncent à l'unanimité, ce qu'ils appellent de «vaines tentatives de destabiliser le pays». Les larmes d'un Colombien Peu avant 15h, l'opération prend fin et les personnes bloquées à l'intérieur de l'Assemblée peuvent enfin sortir. Les journalistes et les élus qui ont préféré rester découvrent l'affreuse scène du crime. Devant la porte d'entrée du musée, deux corps gisent dans une mare de sang : une femme et un jeune garçon, à leurs côtés, un homme à genoux pleure en silence. Il s'git d'un Colombien prosterné devant le corps inanimé de son fils et de son épouse. «J'ai vu un individu portant un bonnet et une barbiche tirer sur les touristes, j'ai vu deux touristes grièvement blessés», témoigne un employé du musée. Le bilan bien sûr est pire. Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, il y aurait à ce moment-là 17 touristes tués et le bilan risque de s'alourdir. «Aujourd'hui est une journée particulière et une importante délégation de touristes était attendue, précise l'employé du musée, témoin de la scène. Je pense que les assaillants avaient eu connaissance de l'arrivée d'une telle délégation». «La porte des Lions» n'était pas gardée L'information selon laquelle les assaillants avaient pu passer inaperçus grâce à leurs tenues militaires, est démentie quelque temps après la fin des opérations. Selon toute vraisemblance, les terroristes sont entrés normalement et sans contrôle particulier, à partir de la porte sud, appelée communément «la porte des Lions». D'où la grande question sur toutes les bouches, y compris des députés: «Qui est responsable de cette défaillance sécuritaire?». Un député s'étonne de voir que la sécurité n'a jamais été renforcée même après l'épisode de l'usurpation de l'identité du député Mabrouk Hrizi le jour de la séance inaugurale de l'ARP. Les touristes restés bloqués peuvent enfin quitter les lieux, sous les applaudissements des citoyens venus nombreux pour soutenir moralement les forces de sécurité. Sur les bus et les murs du musée, on peut voir les impacts de balles, qui témoignent de la violence de l'attaque. A la demande des élus, une séance extraordinaire au Parlement est convoquée dans la soirée. On condamnera le terrorisme, encore une fois on dira que le terrorisme ne passera pas. Sauf que le terrorisme vient de passer et de frapper fort au cœur du Bardo, à quelques mètres d'une institution qui incarne la légitimité populaire.