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Est-ce une mission militaire ? Dans quelles conditions ?
La sécurisation des grandes villes
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 03 - 2015


Par Mohamed MEDEB*
Dans les conditions actuelles, temps de paix, l'armée n'a ni la qualité légale, ni le savoir-faire et peut-être pas suffisamment de ressources, pour prendre en charge « la sécurisation des grandes villes». Cependant, elle peut y contribuer par des unités d'intervention, la protection de quelques points sensibles et des patrouilles dans certaines zones urbaines, dans tous les cas des interventions limitées en volume, dans le temps et l'espace.
Au lendemain de l'attentat terroriste du Bardo, le président de la République a présidé une réunion exceptionnelle groupant le Conseil supérieur des armées et le Conseil de la sûreté nationale. Suite à quoi, une série de 9 mesures ont été annoncées, certaines viennent renforcer et réactualiser celles déjà en vigueur, par contre deux sont annoncées pour la première fois, « la sécurisation des grandes villes par l'armée nationale » et «impliquer les citoyens dans le système de sécurité ». Ces deux nouvelles mesures peuvent s'avérer d'un grand impact sur le déroulement et l'issue de la guerre contre le terrorisme. Cependant, leur mise en œuvre suscite certains questionnements importants qui doivent être portés à l'attention des hauts dirigeants en charge du dossier sécuritaire et également à la connaissance du citoyen qui, s'agissant de sa propre sécurité, sa contribution attendue à cette guerre reste, à mon sens, absolument décisive.
1. D'abord, il faut rappeler que cette mission « sécuriser les villes » en temps de paix relève institutionnellement plutôt des compétences des Forces de sécurité intérieure (FSI), ( voir article 19 de la Constitution), lesquelles forces sont formées, équipées et jouissent de la qualité et de l'habilitation légales requises, celles «d'officiers et d'agents de police judiciaire», nécessaires pour l'accomplissement des missions de police. L'armée a des missions spécifiques, les militaires n'ont ni la qualité légale, ni le savoir-faire, ni la culture nécessaires pour se substituer aux FSI et accomplir leurs missions. Certes, l'armée et les FSI ont quelques points communs, mais elles restent deux institutions avec des caractéristiques, des cultures, des équipements, des habilitations légales et des missions institutionnelles absolument différentes. Et c'est une grande erreur de faire jouer aux militaires le rôle de la police. Evidemment, il y a bien nécessité et aussi des possibilités de coopération et de complémentarité entre les deux corps, mais leurs missions et leurs compétences respectives ne sont en aucun cas si facilement interchangeables.
2. Ayant les remarques précédentes à l'esprit, et en cas de nécessité, l'armée peut bien contribuer avec les FSI à la sécurisation des villes et ce, en deuxième ligne, sans avoir affaire avec les personnes, toujours dans des missions limitées dans le temps et dans l'espace. Cela peut prendre les formes suivantes :
- garder des formations militaires d'intervention, judicieusement déployées sur le terrain, en réserve pour intervenir le cas échéant en renfort aux FSI chargées de la sécurisation d'une zone urbaine, ou le contrôle d'un point tel qu'un nœud routier ou l'entrée d'une ville par exemple ;
- relever les FSI dans la mission de défense de quelques points sensibles jugés de haute importance, ce qui a été d'ailleurs fait par le passé à plusieurs reprises;
- prendre part à des patrouilles mixtes, militaires en renfort aux agents de sécurité intérieure, pour sécuriser une zone urbaine ou un événement important.
Le recours à ces dispositions, le renforcement des FSI par des unités militaires dans une zone urbaine donnée, dans des missions toujours limitées dans le temps et l'espace, reste nettement différent de charger l'armée seule de l'entière mission de «sécurisation des villes» comme annoncé.
3. Au vu des lourdes et nombreuses tâches qu'elle continue à assurer depuis déjà des années et des moyens limités surtout en ressources humaines, il n'est pas superflu de se demander si l'armée est bien en mesure d'assurer encore d'autres nouvelles missions, très exigeantes en personnel, dans plusieurs grandes villes du pays et pour une période indéterminée mais vraisemblablement appelées à se poursuivre pour de nombreuses années à venir.
4. Saupoudrer de petites formations militaires statiques dans les environs de nombreuses villes est très coûteux en volume de forces et à la longue contre-productif, car ces unités finiront par devenir des cibles de choix aux terroristes. Il est plutôt indiqué d'opter pour des déploiements ciblés, décidés sur la base de renseignements et chercher à garantir à ces unités déployées un haut niveau de mobilité et de réactivité, d'où le besoin de les doter de moyens de transport adéquats, de moyens de communications et de coordination protégés et fiables, instaurer un échange de renseignements transversal...
5. Combattre le terrorisme est une entreprise de longue haleine, et toutes les mesures envisagées, dont la sécurisation projetée des villes, doivent pouvoir s'inscrire dans la durée. L'économie des forces est un principe qui s'impose dans de telles missions de sécurisation de nombreuses villes. Imaginer le volume de forces nécessaires pour sécuriser le grand Tunis, Sfax, ou Le Kef par exemple! Encore une fois, l'effort doit viser un déploiement conçu sur la base du renseignement disponible, de formations d'intervention légères mais très mobiles.
6. Aussi, toute intervention de l'armée dans des missions type «sécurité intérieure» doit être précédée par :
- l'établissement de règles d'engagement claires,
- la définition précise des rapports de commandement entre militaires et FSI engagés dans la même opération dans une même zone, en veillant à bien respecter le principe de l'unicité du commandement, absolument nécessaire pour le succès des opérations, et au besoin pour la détermination des responsabilités.
Dans tous les cas, Messieurs les dirigeants doivent bien garder à l'esprit que cette nouvelle mission de «sécurisation des grandes villes» constitue la énième mission attribuée aux forces armées, et qui vient s'ajouter à :
- la défense de l'intégrité territoriale du pays, mission institutionnelle principale, incluant la surveillance des frontières et des vastes espaces sahariens et montagneux ;
- la lutte antiterroriste ;
- la gestion et la sécurisation de l'afflux massif de réfugiés de différentes nationalités de provenance de pays voisins;
- l'Intervention en cas de calamités naturelles, inondations, incendies accidents industriels ou de circulation graves;
- le soutien logistique et l'accompagnement sécuritaire des élections législatives, présidentielle et inchallah communales puis régionales et qui sait de quoi sera fait demain ?
Tout cela, toujours avec pratiquement les mêmes moyens matériels et particulièrement humains !!!
Pour tout chef militaire, dont le devoir demeure dans toute circonstance de mettre en œuvre les choix fixés par le pouvoir politique, une mission est toujours associée à des moyens matériels et personnels. Il est vrai que parmi les mesures annoncées par le gouvernement figurent aussi «le renforcement du soutien logistique aux différentes forces armées » ; «la révision du budget supplémentaire avec l'objectif de fournir plus d'équipements aux forces de sécurité et de l'armée » et «la mise à disposition d'équipements permettant aux forces armées d'être actives la nuit », ce qui devrait, normalement, répondre, ne serait-ce qu'en partie, au volet équipements. Par contre, rien, ni dans les mesures annoncées récemment ni dans les discours officiels même après les dernières élections, ne laisse entrevoir un éventuel renforcement conséquent de l'armée en personnel, de quelque nature que ce soit. Même la neuvième des mesures annoncées parle d'«Inclure les citoyens dans le système de sécurité» sans préciser comment et sans faire la moindre allusion au devoir du service national (militaire) dont l'armée pourrait tirer profit et satisfaire ses besoins en personnel comme le prévoient et la Constitution et la Loi. Faut-il rappeler que le système de conscription se trouve, depuis déjà des années, complètement en panne ! D'ailleurs, comment peut-il en être autrement alors que personne, responsables, élite, médias, citoyens... ne s'en soucie ? C'est aux politiques de se demander si l'armée, qui a été déployée pendant trois longues années dans toutes les villes du pays tout en étant déjà engagée contre le terrorisme depuis bien avant le soulèvement de décembre 2010-janvier 2011, doivent se demander donc si cette armée dispose bien des ressources humaines nécessaires, et c'est bien à eux qu'incombe d'y répondre. D'ailleurs; ceci m'amène à me demander pourquoi dans ces mesures on parle de révision de «la politique sécuritaire» et non pas de «la politique de défense» du pays, et « d'inclure les citoyens dans le système de sécurité » et non pas aussi dans le système de défense du pays ? Est-ce que la guerre contre le terrorisme relève exclusivement du champ sécuritaire sans rapport avec la défense du pays ? Non, ce ne sont pas là de simples questions de précision de terminologie, il s'agit plutôt de questions de fond, hautement importantes qui méritent approfondissement et méditation.
En conclusion, l'énoncé de certaines des mesures annoncées suite à l'attentat du Bardo est peu clair, mérite davantage de précisions, dont notamment la reformulation de la mission de l'armée dans ce cadre pour lire « renforcer les FSI dans leur mission de sécurisation des villes », les techniciens feront le nécessaire. Il est aussi à noter que la problématique de sécurisation des villes aurait été traitée tout à fait autrement si le pays était en état de guerre ou exceptionnel déclaré, car dans ce cas les prérogatives et les responsabilités des deux institutions, l'armée et les forces de sécurité intérieure, seraient alors significativement différentes.
Charger l'armée de telles missions de sécurité intérieure ne relevant pas de ses attributions institutionnelles suppose au préalable répondre aux questions suivantes :
- Y a-t-il un cadre légal dans lequel agiraient les militaires ? L'article 18 de la Constitution stipule que « ...L'Armée apporte son appui aux autorités civiles dans les conditions définies par la Loi ». Quelle loi ?
- Ont-ils la qualification et l'habilitation légales nécessaires ?
- Quels sont les rapports de commandement entre militaires et agents des forces de sécurité intérieure impliqués dans la même mission ? Qui commande et par conséquent à qui incomberaient les responsabilités d'échec et d'éventuelles bavures ?
- Et naturellement, ont-ils les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions décidées?
Voilà à quoi, outre le gouvernement, doit s'atteler, entre autres, la Commission parlementaire « Sécurité et défense » !
Que Dieu garde la Tunisie.
* (Général de brigade
(r) - Armée nationale)


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