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«Les prêts européens aggravent la situation économique et sociale de la Tunisie»
ENTETIEN AVEC :Marie-Christine Vergiat, députée européenne du Front de Gauche
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 04 - 2015

Nous l'avons retrouvée, deux ans après notre première rencontre, lors de l'édition précédente du FSM, en 2013, toujours avec le même entrain, la même conviction et la même détermination : elle plaide, toujours, avec la même rigueur pour l'altermondialisation et contre Davos. Sa relation avec la Tunisie n'est pas conjoncturelle, c'est-à-dire qu'elle ne se limite pas à cette manifestation mondiale, elle va bien au-delà. Ses liens avec notre pays remontent loin dans le temps ; elle lui voue une admiration particulière et prête attention à tout ce qui s'y passe, surtout, depuis le 14 Janvier. Et son article « Prêt toxique à la Tunisie : le bal des Tartuffes », où elle impute la responsabilité dans les difficultés économiques, sociales et budgétaires de la Tunisie à ses créanciers européens, notamment la Banque européenne d'investissement (BEI) et la France, en est la parfaite illustration. C'est autour de ce thème crucial pour la Tunisie, en cette conjoncture extrêmement difficile, et de tant d'autres, dont la politique migratoire de l'Europe et les circonstances qui ont entouré le Forum social 2015, que s'organise notre entretien.
Quelle est, pour vous, l'édition la mieux organisée du FSM, celle de 2013 ou bien celle de 2015 ?
Je crois que c'est difficile de faire des comparaisons entre les deux forums, parce que le contexte est très différent. Je dirais qu'en 2013 on était un peu dans l'euphorie post-Révolution, alors qu'aujourd'hui on est dans un contexte qui est d'autant plus particulier qu'il a lieu quelques jours après ce terrible attentat au Bardo. Pour moi, notamment en tant que parlementaire, ce Forum était bien organisé, puisque nous avons pu tenir le Forum parlementaire mondial à l'intérieur du FSM, ce qui n'était pas le cas la dernière fois. Dans ce genre de manifestations, il peut toujours y avoir des couacs, des petits problèmes d'organisation, car le FSM repose beaucoup sur des bénévoles et des ONG. Je crois qu'il ne faut pas faire de procès d'intention aux organisateurs, moi, je les félicite pour la façon dont ce Forum s'est passé.
Qu'est-ce que vous pensez de la participation des parties accusées de financer et d'armer les terroristes à la « Marche de la République » ?
J'ai envie, tout d'abord, de montrer toute ma solidarité avec le peuple tunisien ; on a vécu cela en France, et je comprends l'émotion que suscitent ces attentats dramatiques. L'attentat du Bardo ainsi que celui de Charlie Hebdo prouvent que les attentats terroristes peuvent avoir lieu aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis, puisque la vague de terrorisme a commencé avec ceux de New York. Donc, ces actes terroristes frappent partout dans le monde et toutes les populations en sont, aujourd'hui, victimes. Pour revenir à votre question, je tiens à rappeler qu'on a connu le même scénario à Paris, lors de la grande manifestation récupérée par les politiques avec des chefs d'Etat européens ou du monde entier, qui sont les ennemis jurés des droits de l'Homme. C'est pareil quand on voit de telles solidarités se manifester à Tunis, alors qu'elles sont en partie responsables de ce qui s'est passé. Je dirais qu'il y a des gens qui ont joué avec le feu, parce qu'on sait très bien qu'à l'origine de ces mouvements terroristes il y a eu beaucoup de financements par les pays du Golfe qui affichent des attitudes pour le moins ambiguës en la matière. En fait, ils jouent aux pompiers pyromanes. Donc, je pense qu'il faut que les progressistes aient une réaction intelligente par rapport à tout ça, en dénonçant toutes les formes de terrorisme, tous les actes terroristes qui frappent partout dans le monde et surtout ne pas opposer les populations du Sud et celles du Nord, parce qu'en France, où on cherche à opposer les Musulmans de France au reste des citoyens français, on est, malheureusement, atteint par une vague d'islamophobie, en ce moment, et le nombre d'actes islamophobes depuis le début de l'année est équivalent à celui de ceux accomplis pendant toute l'année 2014, ce qui veut dire qu'il y a un sérieux problème. Je crois que cette solidarité internationale est très importante et qu'il faut, effectivement, dénoncer tous ceux que j'ai cités plus haut ainsi que le jeu des grandes puissances qui font des interventions militaires un peu partout à travers le monde où elles ont mis des pays, comme l'Iraq, la Syrie et le Libye, à feu et à sang.
Mais certaines parties voient dans l'intervention militaire en Libye une solution ?
La situation, sévissant dans ce pays et qui fait subir à la Tunisie des dégâts collatéraux, est un bel exemple de ces interventions militaires qui ont échoué. Et je suis très inquiète quand j'entends un certain nombre de gens qui en demandent encore, notamment en Libye, parce que je pense que les solutions militaires ne sont jamais de vraies solutions et qu'il faut, toujours, privilégier le dialogue politique, la discussion entre les uns et les autres. L'Union européenne a une responsabilité toute particulière en la matière, qui est justement de favoriser ce dialogue, au lieu de monter les antagonistes, les uns contre les autres.
Etes-vous favorable aux lois antiterroristes ?
En tant que militante des droits de l'Homme, qui bataille dans ce domaine, depuis plus que trente ans, je peux vous dire qu'en Europe nous avons vécu des régressions en termes de libertés publiques au nom de la lutte contre le terrorisme. Certes, il faut lutter contre ce fléau, mais en choisissant des outils plus adéquats et plus efficaces pour mener à bien cette lutte. Donc, j'ai envie de dire à mes amis tunisiens : attention ! Vous êtes encore une démocratie fragile, la meilleure réplique au terrorisme c'est d'y répondre par plus de démocratie, et ne laissez pas vos gouvernants faire des lois liberticides au nom de la lutte contre le terrorisme, car très souvent ces lois servent de prétexte pour réduire les libertés publiques. De ce point de vue, je suis un peu inquiète sur ce qui peut se passer en Tunisie.
N'y a-t-il pas d'autres moyens plus efficaces d'aider la Tunisie contre le terrorisme autres que les marches de solidarité?
Vous avez parfaitement raison, la meilleure aide que l'on peut apporter à votre pays, pour éviter la reproduction de ce type d'actes, c'est de l'aider à sortir du marasme économique et social. Les responsabilités de l'Union européenne, du FMI et tout particulièrement de la France en la matière sont énormes, en raison du fait qu'ils sont les principaux créanciers de la Tunisie. Et à chaque fois qu'il y a des prêts à lui accorder, c'est toujours les mêmes conditions qui sont mises en avant : toujours plus de libéralisme économique, toujours plus de demande d'austérité, toujours plus de restriction du rôle de l'Etat. Dans les grands sujets qu'on place en tête dans la discussion entre l'Union européenne et la Tunisie, il y a la libéralisation de l'agriculture, l'une des choses qui me met le plus en rage, en raison de ses effets ravageurs sur l'agriculture locale. Pour s'en rendre compte, on n'a qu'à regarder ce qui s'est passé avec le Maroc, ce qu'a donné cette libéralisation de l'agriculture : on y a sacrifié, d'une certaine façon, l'agriculture locale, nationale, traditionnelle au bénéfice des intérêts de l'industrie agroalimentaire européenne. Donc, je ne veux pas qu'il se passe la même chose en Tunisie, et je crois que c'est l'un des enjeux de l'accord avec l'Union européenne. On prétend, par exemple, qu'on va régler le problème du tourisme tunisien, en libéralisant le transport aérien, alors qu'on sait très bien que ce ne sont pas les prix des billets d'avion qui posent un problème à ce secteur en Tunisie, mais plutôt la situation globale que j'ai évoquée précédemment.
Puisque vous venez de citer cet accord, on voudrait bien que vous nous renseigniez sur la dette tunisienne envers l'UE.
J'ai fait plusieurs débats, dans le cadre du Forum, sur cette question, et je me suis permis de faire des parallèles entre la dette tunisienne et la dette grecque, parce que lorsqu'on regarde les conditions qui sont mises au prêt à la Grèce et celles qui sont mises au prêt à la Tunisie, on constate qu'elles sont exactement les mêmes. Les accords entre les uns et les autres contiennent les mêmes dispositions, toujours plus de libéralisme économique, toujours moins d'Etat et toujours des pressions sur les salaires, les retraites, etc. Par ce biais, au lieu d'aider la Tunisie, on va aggraver sa situation économique et sociale.
Est-ce que l'on peut dire pareil du dernier crédit de 500 millions d'euros accordé par l'UE à la Tunisie?
Au moment de la Révolution tunisienne, il y avait eu le Sommet de Deauville et on a entendu de grands discours de tous les dirigeants de la planète, donnant l'impression qu'il allait y avoir des millions et des millions d'aides qui allaient venir pour aider la transition démocratique en Tunisie. Mais, en réalité, il n'y a pas eu d'aides réelles, c'est-à-dire de dons, tout ce qu'il y a eu, majoritairement, c'était des prêts, de nouveaux prêts qui n'ont fait qu'aggraver la situation de la dette tunisienne qui est passée de 2010 à aujourd'hui de 40% à plus de 50% de son PIB. Donc, toutes les mesures qui ont été prises par les grands créanciers de la Tunisie allaient dans ce sens. Elles font empirer la situation d'autant plus que les conditions de prêt sont des conditions de libéralisme économique qui ne règlent en rien la situation sociale dramatique de la Tunisie, très tendue et qui est la principale question qui se pose, aujourd'hui. D'ailleurs, tous les responsables politiques que nous avons rencontrés, lors de toutes les missions de l'UE pour les élections en Tunisie auxquelles j'ai participé, nous ont dit la même chose : « La situation clé c'est la situation sociale ». Donc, on ne peut pas régler celle-ci en développant du libre-échange. Les créanciers de la Tunisie ont une lourde responsabilité au niveau des conditions qu'ils mettent aux aides qu'ils lui accordent. Personnellement, j'ai bataillé au Parlement européen pour que ce soit des dons et non pas des crédits, car cela me paraît important que l'on puisse, véritablement, aider la Tunisie à diminuer le poids de sa dette et à mener des politiques sociales réalistes qui correspondent réellement aux besoins de sa population.
Et qu'en est-il de la dette dite odieuse ?
C'est l'un des sujets que nous avons abordés aussi à l'occasion de ce Forum social, notamment, parce que nous avons eu plusieurs débats avec Eric Toussaint, qui est porte-parole du réseau international du Comité pour l'annulation de la dette du tiers monde (Cadtm) et qui vient d'être mandaté par le parlement grec pour l'audit de la dette grecque. La dette odieuse c'est particulièrement important en Tunisie, car, sous la dictature de Ben Ali, il y avait une corruption généralisée au bénéfice de ce qu'on appelait le clan Trabelsi, et donc une partie de l'économie tunisienne a été accaparée par ces dirigeants. S'il y avait un audit de la dette tunisienne, cela permettrait de faire ressortir cette dette odieuse, c'est-à-dire une dette qui n'a pas été contractée au bénéfice de la population. Je suis d'accord avec ceux qui disent qu'il faudrait un moratoire sur la dette tunisienne, c'est-à-dire que, pendant quelques mois ou quelques années, la Tunisie peut suspendre le paiement de sa dette, afin d'aider à la reprise économique et sociale, et cela permettrait, justement, de faire un audit sur la dette pour savoir quelle est la part odieuse, illégitime ou insoutenable pour l'économie tunisienne.
A qui profite l'accord de mobilité entre la Tunisie et l'UE?
Dans cet accord, il y a une part obligatoire, qui est l'accord de réadmission qui oblige la Tunisie à faire revenir sur son territoire les migrants qui sont partis vers le territoire européen de façon irrégulière. Alors qu'il est complètement conditionnel, évasif, très restrictif, et pour l'essentiel ne concerne que des secteurs très particuliers dans l'intérêt des pays européens et non pas dans celui de la Tunisie.
Comment peut-on réparer le préjudice en matière migratoire, selon vous ?
Personnellement, je serais pour ce qu'on appelle la migration circulaire, c'est-à-dire avec des possibilités de va-et-vient. Toutes les études et statistiques universitaires démontrent que quand on libéralise les visas, cela facilite la circulation des personnes et permet des mouvements de populations dans l'intérêt des uns et des autres. L'Union européenne est dans un mouvement exactement inverse, elle ferme ses frontières et ne prend que ce qui l'intéresse, ce qui est tout à fait insupportable. Cette politique migratoire européenne est à l'origine des drames que l'on connaît en Mer Méditerranée où le nombre des morts continue d'augmenter, malgré les beaux discours que font certains. Elle alimente, surtout, les fantasmes, étant donné qu'on nous fait croire qu'on va être envahis par l'immigration du Sud, ce qui est, absolument, faux, les chiffres sont là pour nous le montrer. On utilise des statistiques à très mauvais escient, on ne parle jamais de migrants Européens, mais d'expatriés, car quand ce sont ces derniers qui migrent, c'est noble, alors que lorsque les migrants viennent du Sud, c'est une catastrophe. Donc, il faudrait plutôt qu'on ait une vision globale de la question. On est beaucoup attaché, dans l'Union européenne, paraît-il, à la liberté de circulation des capitaux, des marchandises et des services et beaucoup moins à celle des personnes. C'est, d'ailleurs, l'un des grands thèmes qui était abordé, lors du Forum, et sur lequel nous allons continuer à travailler, parce que c'est un sujet qui est très important. L'immigration c'est quelque chose de naturel, le monde est bâti sur ce mouvement, on est tous originaires d'Afrique, il faudrait, de temps en temps, s'en rappeler. Pendant cinq siècles, les Européens ont migré partout à travers le monde, et depuis un peu plus d'un siècle, les migrations ont évolué et se sont généralisées et globalisées. Personnellement, je considère que ces mouvements de populations constituent une richesse, j'ai longtemps vécu en Seine-Saint-Denis, qui est le département de France dans lequel il y a la plus grande diversité de populations avec cent vingt nationalités, et j'ai pu réaliser combien on s'enrichit, quand on travaille ensemble et quand on discute ensemble, on peut échanger et cela favorise le dialogue. Et je crois qu'aujourd'hui plus que jamais, dans cette ambiance extrêmement tendue à cause entre autres de la montée du terrorisme et de l'islamophobie, on a intérêt à installer un dialogue interculturel, comme on dit très souvent.
Partagez-vous l'opinion selon laquelle l'externalisation des frontières fait des pays du Sud des gendarmes qui gardent les frontières des pays du Nord ?
Absolument ! On a construit une Europe forteresse. Mais on ne peut pas empêcher les mouvements migratoires qui restent, à peu près, stables. Les migrants en Europe représentent, environ, 3% de la population mondiale, ce qui est loin d'être dramatique, c'est-à-dire qu'on peut faire avec. Elle a, très peu, évolué au cours des dernières années, contrairement à ce que l'on raconte. Quand on voit les drames de la Méditerranée et les nationalités des gens qui y meurent, on voit très bien que ces mouvements migratoires sont en très grande partie la résultante des conflits qui ont lieu tant en Afrique du Nord qu'en Afrique subsaharienne qu'au Moyen-Orient, notamment la zone Irak/Syrie où la guerre a des conséquences dramatiques. Et effectivement, l'Union européenne délègue de plus en plus ce rôle de gendarme, comme vous le dites à juste titre, d'abord aux pays frontaliers, dont la Tunisie et le Maroc, qui sont en première ligne, c'est-à-dire des pays de transit, et de plus en plus aux pays lointains. L'UE dirige, maintenant, ses politiques vers les pays d'accueil, c'est ce qu'on appelle le processus de Khartoum, c'est-à-dire que les discussions n'ont plus lieu avec les pays limitrophes, mais avec ceux de la Corne de l'Afrique, dirigés tous par des dictateurs qui sont en mal de reconnaissance internationale, et je ne vois pas bien ce que l'UE peut aller négocier avec ces despotes pour empêcher les migrants de partir de ces pays et de fuir la répression politique. Ce sont des demandeurs d'asile. L'UE a signé plusieurs conventions internationales, notamment celle qui reconnaît le droit d'asile, mais elle le bafoue ainsi que les Etats membres, spécialement, ceux qui sont les plus concernés par ces questions-là, parce qu'il faut savoir que plus de 70% des migrants sur le sol de l'UE se trouvent dans cinq pays de ses membres, qui sont, dans l'ordre, l'Allemagne, le Royaume Uni, l'Espagne, la France et l'Italie. Ce sont les pays les plus peuplés de l'UE, mais ce sont aussi les pays qui ont une histoire coloniale, ce qui veut dire que ce n'est pas un hasard quand les migrants cherchent à aller vers les pays avec qui ils ont une histoire commune.


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