Quoi qu'on en dise, les indices économiques demeurent alarmants. La relance est loin d'être acquise. Plus de deux mois après l'investiture du gouvernement Habib Essid, on ne voit guère, ne fût-ce que les prémices du bout du tunnel. Et les protagonistes politiques n'en finissent pas de s'abîmer dans les petits enjeux politicards. On comprend fort bien que les urgences sécuritaires priment. Depuis quelques années, la région entière subit les contrecoups pervers dudit Printemps arabe. Les évolutions en Libye ont institué une malheureuse et implacable mécanique de pourrissement soutenu sur fond de terrorisme endémique. Les Etats occidentaux et l'Otan y ont renversé le régime de Kadhafi et livré le pays, armes et bagages, aux mouvances de la nébuleuse terroriste. Du coup, le cours de la révolution tunisienne en a été profondément affecté. L'escadron de la mort est désormais dans nos murs. Pas moins de quarante-deux opérations terroristes ont eu lieu jusqu'ici sous nos cieux, se soldant par des centaines de victimes. Signe des temps, Habib Essid a déclaré, il y a trois jours, que le gouvernement s'applique à l'élaboration de la loi de finances complémentaire en vue de dégager des ressources supplémentaires au profit de la police et de l'armée. Déjà que la loi de finances en vigueur ne brille guère par son ancrage dans les préoccupations sociales. En effet, le pouvoir d'achat des citoyens s'érode au fil des jours, les prix sont aux étoiles, le coût de la vie atteint des seuils intolérables. Les ménages sont saignés à blanc. En même temps, le déficit commercial faramineux se maintient. Les investissements sont presque au point mort, l'épargne des ménages est flasque, les exportations rétrécissent comme peau de chagrin. Le dinar est au plus bas, la bourse frémit dans des limites végétatives. Et pour corser le tout, la saison touristique ne s'annonce guère exceptionnelle. Or, chez nous, quand le tourisme va tout va. Et vice-versa. Est-ce pour autant une fatalité ? On ne saurait y souscrire. On attend toujours le vaste programme de relance économique escompté. Or, la classe politique aux commandes ne semble guère particulièrement soucieuse de s'y appliquer. Le Parlement officie comme le terreau privilégié des manœuvres dilatoires et des petites querelles de chapelle. L'instance fondatrice du pouvoir se contente de fonctionner à la dérive, tel le radeau de la méduse. Des séances d'audition du chef du gouvernement y ont bien eu lieu. Auditionner pour auditionner, sans plus. La classe politique en panne fait du surplace. Incapable d'imaginer, elle s'affaire à justifier son existence. A l'instar de toutes les bureaucraties. Entre-temps, les perspectives brumeuses s'amoncellent, tels de gros nuages qui obscurcissent l'horizon. Pourtant, l'union sacrée, tant déclamée à l'issue de tout attentat terroriste d'envergure, devrait se traduire par une prise en charge commune des défis économiques et sociaux. Jusqu'ici, le modèle du développement économique n'a guère été débattu. Et encore moins conçu. Mis à part le Front populaire, qui se contente de critiquer les orientations gouvernementales, tous les autres cèdent au chant des sirènes du monétarisme ambiant. Le recours à l'endettement extérieur oblige nos gouvernants à passer sous les fourches caudines du FMI. Ce dernier ne jure que par la pensée unique de Milton Friedman et du traitement de choc monétariste, tel que pratiqué par les Chicago Boys au Chili aux temps de la dictature de Pinochet. On a même vu, à la faveur de la contraction d'un prêt, l'Union européenne nous intimer l'obligation de suivre à la lettre les prescriptions du FMI. Dès lors, les rênes de l'économie ne semblent guère aux mains de ceux qui tiennent le haut du pavé. Ils se contentent de suivre. Et d'appliquer. L'ennui, c'est que les incuries de la partitocratie en place hypothèquent tant la souveraineté nationale que l'efficience économique et sociale. En Grèce, un état-major politique revigoré et aux choix déterminés a décidé de renverser la vapeur. Malgré les injonctions de l'Union européenne et les fortes réticences du FMI. Ici, c'est le suivisme béat sur fond de sclérose manifeste. De sorte que la classe politique en panne n'en finit pas de faire stagner l'économie.