Lancement de la 1ère édition du Festival « Chantier libre » Tunis en coopération avec l'Institut français de Tunis mercredi dernier à la salle du Quatrième Art : Imen Smaoui (danse) et Violaine Lochu (voix, accordéon), Alia Sallemi et Médéric Collignon, Mounir Troudi , Erwan Keravec et Wassim Hallal au spectacle d'ouverture. Rehaussé par la présence du penseur tunisien Youssef Seddik Mercredi dernier, sur la scène du Quatrième Art, Bakhta Ben Tara et Blaise Merlin donnaient le coup d'envoi de la 1ère édition du «Chantier» Festival « La voix Libre » « Echanti » à Tunis. Un événement culturel qui, d'après Blaise Merlïn, est une voie libre pour le « libre-échange », dans un esprit de partage grâce à des projets communs de Paris à Beyrouth, en passant par Tunis. C'est «un combat quotidien contre l'uniformisation et l'obscurantisme. Un combat quotidien pour l'appétence à la curiosité, à l'imprévu, à la liberté de créer et au soutien des croisements artistiques. D'où le but derrière la création des festivals « La voix est libre » (Paris), « Irtijal » (Beyrouth), «Chantier libre » (Tunis)» Autour de cette rencontre exceptionnelle, «Un chantier» est ouvert cohabitant dans un même espace scénique avec différents arts dans une thématique à la découverte de l'autre et de l'ailleurs. Dans ce même esprit de lutte contre l'uniformisation, l'obscurantisme et le fanatisme religieux, le festival a accueilli sur scène le philosophe et anthropologue spécialiste de la Grèce antique et du Coran, Youssef Seddik. Lors d'un bref entretien sous forme d'un talk-show animé par Blaise Merlin, Youssef Seddik a expliqué que la religion est basée sur la relation verticale entre Dieu et l'Homme, une relation spirituelle individuelle, non fondée sur des rapports horizontaux entre les personnes et le système de gestion des vies humaines. Par conséquent, il n'est plus possible de mêler religion et vie terre-à-terre des individus. Il a évoqué les erreurs commises par les fanatiques religieux qui n'ont jamais compris le véritable sens de la foi, se contentant de «réciter» les versets coraniques ou même bibliques sans vraiment en saisir la profondeur tout en citant un ensemble de drames ayant eu lieu au nom des religions et des idéologies. « Dodécadanse » ou la liberté de bouger... Sur cette note de réflexion sur la spiritualité et la liberté de pensée, le programme de la soirée continue avec le spectacle de danse improvisé «Dodécadanse» par Imen Smaoui (danse)et Violaine Lochu (voix, accordéon). D'après la danseuse tunisienne Imen Samoui, l'improvisation s'envisage non seulement comme une rencontre entre les arts, mais avant tout entre les personnes. Quant à la vocaliste et accordéoniste Violaine Lochu, cultivant ses racines pour mieux les ouvrir aux autres, elle a appris les chants italien, roumain, arabe, inuit (des Esquimaux), ashkénaze ou mongol pour créer un langage universel, ouvert à toutes les libertés humaines et musicales. De cette rencontre est né «Dodécadanse», un spectacle de danse à l'écriture spontanée et à l'esthétique épurée. Les mouvements s'enchaînent dans leurs gestuelles et leurs rythmes avec des bras tendus ou ouverts, des mains qui se relâchent, des poignets qui se cassent, des corps qui ondulent et des mouvements ou des pauses au gré du rythme et de la voix, parfois même au gré de l'inspiration du moment où le mouvement est prêt à naître. Tension, douceur, intimité, c'est un spectre de gestes qui nourrit le spectacle. Le maître-mot étant la liberté du corps et de l'esprit qui empruntent différents chemins. Murmures et inspirations libres du moment présent... Toujours à l'écoute des murmures émanant des êtres et des objets, l'artiste tunisienne Alia Sallami est toujours attentive au « bruit et aux divers sons de la ville pour pouvoir les transformer ensuite en différentes voix». Lors du spectacle de mercredi dernier, elle s'est associée à Médéric Collignon «le Fer de lance du jazz créatif européen, l'acrobate du souffle et le clown-performer, capable d'embrasser tous les styles musicaux possibles et imaginables en quelques coups de human-beatbox et de cornet à pistons» pour plonger le spectateur dans un voyage sonore inédit et inhabituel. En insufflant bouteilles de tous genres, manipulant sachets en plastique et tubes en caoutchouc, voix et diverses percussions, les deux artistes ont donné libre cours à leur imagination offrant une performance divertissante. Les musiques des peuples se rencontrent A la fin de la soirée, c'est une grande scène du monde avec ses différents carrefours artistiques qui s'offre au spectateur, des influences venant d'horizons différents se rencontrent, et des alliances artistiques s'accordent. Issue des aventures du festival « La Voix est Libre » entre le Liban, la Tunisie et la France, la création qu'on a pu découvrir réunit trois musiciens qui, au travers de leur art, tentent de «transcender l'âme de leurs peuples par un dialogue infini entre le chant, le rythme et la poésie.» Le chanteur tunisien multidisciplinaire Mounir Troudi, le joueur de cornemuse breton Erwan Keravec et le percussionniste franco-libanais Wassim Hallal, ont choisi de faire de leur travail commun, de leurs inspirations individuelles et de leurs aspirations collectives une fenêtre ouverte à l'autre et à l'ailleurs et un message puissant et libre célébrant l'art et l'humanité. Un «Chantier» des arts ou' l'exercice de style est de taille. Basé sur l'improvisation, les spectacles ne tentent bien évidemment pas de plaire ou de convaincre. Dépouillé à l'extrême, le dispositif offre libre cours à une critique constructive et une vision éclairée par rapport à ce qu'on vit à l'heure actuelle. Finalement, n'est-ce pas là l'essence et le but de tout Art? Quelquefois, des non-sens, ou des non-formes, tant que les débats demeureront libres et fructueux, la parole des artistes comptera. A suivre !