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Pourquoi donc rien ne change ?
Publié dans Leaders le 12 - 10 - 2014

Les gouvernements se suivent et ne se ressemblent pas, et pourtant rien ne change. Il n'est donc pas question de les mettre tous dans le même sac. Mais il faut reconnaître que les espoirs de changement restent vains.
Une situation que tous les Tunisiens vivent avec un pessimisme de plus en plus prononcé. Pourquoi un pays dont tout le monde s'accorde à dire qu'il a des potentialités importantes, en dépit de ses faibles ressources naturelles, réalise-t-il des performances si médiocres depuis tant d'années ?
Pourquoi le décollage économique qui aurait pu s'enclencher depuis la fin des années 90 n'a-t-il jamais eu lieu ? Le système politique et la corruption qui l'a accompagné ne peuvent à eux seuls expliquer la spirale négative qui a aspiré l'économie tunisienne vers le bas. La réalité est que la Tunisie s'est positionnée très tôt comme une économie à bas coûts et basse qualité. A l'image du tourisme, un beau pays où les Européens peuvent séjourner pour moins cher que le total d'un ticket de caisse de supermarché. Ce positionnement, la Tunisie l'a voulu, mais si on ne pouvait faire mieux au début, l'erreur a été de ne pas savoir en sortir jusqu'à aujourd'hui, quarante ans plus tard.
Mais plus encore, ce positionnement a touché l'ensemble des activités et structures du pays, car pour maintenir ce positionnement «low-cost», il a fallu rogner de plus en plus sur la qualité, maintenir les salaires au plus bas, et renoncer à tout espoir de montée en gamme. Un tel positionnement ne peut être durable, tant ses effets sociaux sont désastreux à long terme. Le positionnement doit changer et la Tunisie doit avoir des objectifs qualitativement élevés, arrêter de regarder derrière et multiplier les efforts pour aller de l'avant. Ce virage que la Tunisie n'a pas su prendre a provoqué des dégâts importants du point de vue économique. On pourrait, pour se donner bonne conscience, mettre cela sur le dos de la dictature d'un voyou-président, totalement ignorant des questions économiques, mais cela serait une erreur supplémentaire dont la Tunisie n'a pas besoin aujourd'hui.
La réalité est bien plus prosaïque, elle tient à un système que les Tunisiens ont construit de leurs propres mains et dont ils peinent à sortir par manque de courage et aversion du risque. C'est au moment des grands choix que la Tunisie a toujours failli, au niveau de l'Etat mais aussi au niveau du tissu économique tout entier. Le pays ne s'est jamais donné les moyens de son ambition. L'économie tunisienne est restée enclavée, dirigiste et centralisée, et cela convenait bien à de nombreux entrepreneurs au profil de rentiers.
Cette situation a fini par convenir à tous, une sorte de connivence entre le secteur public et le secteur privé, où les lois et réglementations d'une part, les subventions de l'autre assuraient la rente à l'investisseur et le pouvoir sur la rente à l'administration. Cela est d'autant plus dramatique que ce système alimentait en permanence le modèle « low-cost », en conduisant à des coûts des services de base très élevés, du fait d'une baisse importante de la productivité et des coûts cachés subis par l'économie, ce qui évidemment réduisait encore notre compétitivité et nous condamnait plus encore à la paupérisation.
La question de la montée en gamme de l'économie tunisienne a donc été mise à l'ordre du jour au cours de la dernière décennie, preuve que certains avaient compris la problématique et cerné le diagnostic. Mais voilà, le diagnostic seul ne suffit pas, et il est difficile d'envisager de confier le malade aux charlatans, médecins-marabouts, responsables de sa maladie, et d'en espérer une guérison. Le récent rapport de la Banque mondiale, intitulé «La révolution inachevée», est un concentré d'analyses économiques et sectorielles comme il n'y en a jamais eu auparavant en Tunisie.
Et même si on peut et doit en contester certaines conclusions, il devrait devenir un document de référence, le livre de chevet de tous les politiques, les économistes, voire, pourquoi pas, faire l'objet d'analyses et critiques approfondies dans les travées de l'université tunisienne. Mais j'ai bien peur qu'encore une fois, on rejette ce document sous le seul prétexte de son origine.
Ce rapport montre qu'au-delà de leur quatrième année d'existence, les entreprises tunisiennes ne créent plus d'emplois et même en détruisent. Tout cela dans un environnement protégé et subventionné. Quatre ans, c'est extrêmement court dans la vie d'une entreprise, ce qui laisse penser que dans l'environnement tunisien, l'entreprise vit un cycle entier, création-croissance-maturité, en quatre années, un cycle court en somme. Cela témoigne d'un manque d'ambition de l'entreprise tunisienne qui, très rapidement, atteint un palier qu'elle peine durablement à franchir.
Là où l'analyse est pertinente, c'est que nous avons effectivement besoin de faire sauter les verrous multiples qui freinent notre économie. Il y a des verrous liés aux accumulations de lois et règlements, autorisations et procédures diverses, mais il y a aussi des verrous issus d'une forme de conservatisme de la société tunisienne. De la politique des étapes de l'époque bourguibienne au consensus aujourd'hui en vogue, tout cela témoigne d'une certaine volonté de ronronnement du système. Le Tunisien n'aime pas être bousculé. Pourtant ce même Tunisien plongé, à l'étranger, dans un cadre ouvert et favorable est souvent plus créatif et même performant. Preuve que l'environnement tunisien structurellement sclérosé est le premier responsable des entraves au développement économique.
La question n'est pas tant de légiférer que d'abroger. Le cadre législatif est déjà extrêmement lourd en Tunisie, et nous avons besoin de l'assouplir. Réduire les autorisations préalables, supprimer les entraves à l'entreprise, et libérer les énergies. En échange, il faut renforcer les contrôles a posteriori et sanctionner la fraude. Pourtant, nous continuons à vouloir mettre en place des lois et règlements et verrouiller encore plus le système. En fait de système, il s'agit d'un équilibre atteint en fonction d'un certain nombre d'intérêts contradictoires dans un contexte de rapport de force donné. Combattre le système revient à s'opposer à l'ensemble des forces en présence pour lesquelles le système est devenu une protection efficace et durable. Un parapluie, même par beau temps.
Plus d'autorisations préalables, moins de financements, plus de numerus-clausus, tout cela entretient le statu quo, évite d'ouvrir le marché à la vraie concurrence et permet à l'Etat, en contrepartie, de fixer les règles du jeu et les prix. Globalement, depuis trente ans, ce que l'Etat libéralise de la main droite, la main gauche le socialise. En contrepartie, c'est moins de création de valeur, d'emplois et donc moins de ressources pour les entreprises et l'Etat.
Il se crée, finalement, une forme de torpeur généralisée qui gagne les politiques, soutenus en cela par une majorité de l'opinion publique, pour maintenir un système inefficace mais qui sauvegarde les apparences, plutôt que de prendre des risques pour en changer. Pourtant, ce n'est qu'en sortant de cette zone de confort, qui ne fait plus illusion, que nous pourrons sortir la Tunisie de son sommeil. En réalité, la Tunisie a toujours cherché à éviter de prendre une position claire par rapport à la mondialisation, alors que face à ce genre de questions, ne pas prendre position, c'est se condamner. Certes, pour éviter la thérapie de choc, du passage d'une économie protégée à une économie ouverte, la Tunisie a cherché à mettre en place des mesures d'accompagnement, mais elles ont trop duré et ont fini par se transformer en privilèges, pire en perfusion continue. Mais surtout, cela a exclu une bonne partie de la population des opportunités offertes, restée spectateur de la prime à la rente.
Et que l'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas d'un plaidoyer pour une économie libérale, loin s'en faut. Mais il s'agit de renoncer clairement à l'économie dirigiste, favoriser l'investissement dans des conditions équitables et transparentes, tout en conservant à l'Etat un rôle fort de régulateur avec une vraie capacité d'amortissement des inégalités. Un Etat performant et efficace, voilà tout. Plutôt que de cliver et opposer le secteur public au secteur privé, il faut asseoir les rôles de chacun. Au secteur privé de prendre des risques pour aller plus loin et au secteur public d'assurer les conditions de la performance. Aujourd'hui, nous n'avons ni l'un, ni l'autre.
Il ne sera pas facile de passer de la culture de la médiocrité à celle de l'excellence. Pourtant, la Tunisie n'a pas d'autre alternative. Il faudra du courage et des sacrifices pour combattre le système de l'intérieur, et le gouvernement qui voudra le faire, quel qu'il soit, devra d'abord compter ses soutiens. Ils ne seront pas légion. Réorganiser, restructurer et responsabiliser doivent devenir les maîtres mots des politiques publiques. Mais quand? La question reste ouverte.


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