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Ennahdha entre au gouvernement. Les politiques ont trahi le peuple
Publié dans Leaders le 07 - 02 - 2015

Les Tunisiens avaient élu Beji Caïd Essebsi, du parti Nidaa Tounes, parce qu'ils ne voulaient plus des islamistes d'Ennahdha. Voilà pourtant que ces derniers viennent d'entrer au gouvernement. Dans une précédente tribune publiée sur le Plus (ndlr: et reprise par Leaders), Hélé Béji expliquait qu'il fallait faire un compromis avec eux. Hamadi Redissi, politologue tunisien, a tenu à lui répondre.
Il y a moins d'un siècle, Julien Benda fulminait dans "La trahison des clercs" (1927) contre les intellectuels de droite. Il avait assigné par la même une mission au clerc : défendre "les vues abstraites", s'élever aux dessus des contingences et être intransigeant.
Suivre le sens du vent
On devra reprendre à notre compte ce titre et dénoncer les politiques – ceux-là mêmes qui viennent de tourner le dos à leur engagement électoral de chasser Ennahdha du pouvoir ! On peut s'en moquer : qu'est-ce qu'un politique – mais il s'agirait du politicien – sinon un opportuniste né (sur le modèle du criminel né), une girouette "immobile" disait Edgard Faure ne faisant que suivre le sens du vent !

Je parle du politique tel que Platon le conçoit, un pilote qui guide le navire, un tisserand qui marie et croise les corps de métiers et les humeurs, un berger qui fait paître les hommes, cet homme animé selon Weber de "l'éthique de responsabilité", qui lui enjoint d'en assumer d'abord la sienne devant ses électeurs.

Dans "Tunisie : oui à un gouvernement avec Ennahda. Notre pays a besoin d'esprit de compromis", publié sur le Plus, Hélé Beji tranche pour une autre vision du politique, toute de faite de compromis inévitables, d'accommodements nécessaires et de conciliabules opportuns, une sorte de gentleman agreement qui rabaisse la dignité du politique au rang d'un art mineur, celui de mener à bien des négociations.
La schizophrénie de Nidaa Tounes
Rappelons les faits : Nidaa Tounes et son chef, aujourd'hui président de la République, ont mené une campagne épique sous le mot d'ordre : "non au déclin de la Tunisie !" Lequel déclin a été imputé à Ennahdha, l'épine dorsale de la troïka, qui aura tout fait pour mener le pays à la ruine.

Pendant des mois, le chef de Nidaa martelait que Nidaa et Ennahdha étaient "deux droites parallèles", l'un impatient de "faire rentrer la Tunisie dans le XXIe siècle", l'autre rebroussant chemin "vers le VIIIe siècle" (l'islam premier).

Jamais, disent les dirigeants de Nidaa, nous nous gouvernerons avec Ennahdha ! C'est fait. Ils couchent ensemble dans un même lit. Et peut-être font-ils le même rêve ! En tous cas, un cauchemar pour le plus d'un million de voix féminines (sur 1,7 million) qui ont apporté massivement leurs suffrages à Béji Caïd Essebsi.
Elles ont probablement toutes succombé à "la peur des bien-pensants". Le premier ministre Habib Essid ne voulait pas d'une majorité disponible (près de 120 sièges sur 217). Il cherchait un plébiscite. Il l'a eu. Réduite à la portion congrue, à peine 30 députés sur 217, l'opposition fera les couloirs du Palais. D'un coup, la démocratie "consensuelle" étouffe la démocratie tout court avant même qu'elle ne naisse.
Ne pas s'enfermer dans un islam basique
Hélé Béji plaide pour le compromesso storico. Mais c'est sous-estimer un esprit aussi aiguisé et une intelligence supérieure que de penser qu'elle le fait uniquement par réalisme. C'est également au nom d'une certaine idée de la démocratie et aussi d'un pari gagnant sur l'islam politique.

Elle voit la démocratie occidentale naître contre l'Eglise, tout le contraire d'une société islamique ployant sous le poids d'une religiosité foncière. C'est incomplet : une Amérique sans Eglise a inventé une démocratie exceptionnellement religieuse mais au fond tolérante ; l'Allemagne a longtemps allié une réforme protestante à un "Etat de police" ("Machtstaat") avant que les Alliés ne lui imposent la démocratie parlementaire.

Par les accords de Latran (1927), l'Italie a d'abord séparé l'Etat de l'Eglise. Et le Japon traditionaliste s'est modernisé sous l'ère Meji mais il ne s'est démocratisé qu'après sa cuisante défaite en 1945. L'islam lui-même a connu depuis le XIXe un processus de sécularisation. Et aujourd'hui, des pays comme la Turquie, l'Indonésie et la Malaisie ont adopté une démocratie "procédurale", qui demande sûrement à être consolidée par les valeurs du libéralisme politique.

Autant dire, les trajectoires qui coordonnent démocratie, religion et laïcité sont multiples. Et on ne voit pas pourquoi la Tunisie se priverait de le faire, plutôt que de se complaire dans un constat hyper-positiviste qui enferme le pays dans son islam basique. Que doit faire dans ces conditions un Aufklärer, un homme ou une femme des Lumières ?
Capituler devant la sacro-sainte tradition ou assumer sa vocation d'un lecteur des grands classiques, c'est-à-dire faire sortir le peuple de "l'état de minorité où il gît de sa propre faute", comme l'enjoint Kant ?
Le compromis est impossible
Enfin, l'islam politique, j'y viens. L'islam politique a évolué, j'en conviens. Ses tenants acceptent l'Etat-nation, ils opèrent dans le cadre constitutionnel, ils disent rejeter la violence et ils participent aux élections. Soit. On nous explique maintenant qu'ils sont victimes, exclus et ostracisés, menacés d'une "sentence collective".

Mais bon sang ! De quoi et de qui parle-t-on ? C'est nous les laïcs invétérés, les "Je suis secrètement Charlie" qui sommes les proscrits, les parias et les moins que rien. Ennahdha a imposé l'ordre moral. Il a exercé le pouvoir plus de deux ans et le parti est représenté aujourd'hui au Parlement, à hauteur de 30%.

Compatissante, Hélé en parle comme si on était encore dans une dictature. C'est elle qui veut nous faire peur (ou cherche à exorciser la sienne) en nous disant que si on ne les associait pas au pouvoir, on leur abandonnerait "l'autorité" (l'auctoritas étant supérieure à la potestas). Revigorés dans l'opposition, ils s'appuieront sur "le peuple islamiste" pour "chasser" du pouvoir les modernistes et "effacer leurs œuvres".

C'est du chantage. Doublé d'une contradiction flagrante : ou bien les islamistes se sont convertis "à l'identité de la nation et aux règles de l'Etat civil" (auquel cas, on n'a plus rien à craindre d'eux) ou bien, ils menacent de semer la terreur et de refaire "de la religion une arme totalitaire contre la nation". On ne peut pas faire l'éloge de leur civilité et se méfier de l'Arabe en eux, toujours perfide.
Ennahdha aurait dû faire l'épreuve de l'opposition
Non Hélé, on ne peut transformer une prise de position politique (aussi respectable soit-elle !) en un programme de vérité. Encore moins en faire une métaphysique comparée des mœurs. Moi je dis : le parti Ennahdha a perdu les élections et il eût été bon qu'il fît ses preuves dans l'opposition.

Ce que tu appelles "compromis" est un arrangement indifférent aux valeurs (elles sont incommensurables). Et son esprit est ailleurs : il est dans cette clause compromissoire qui confie l'arbitrage aux leaders des deux partis majoritaires, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghanouchi ; et non aux électeurs, censés être l'arbitre ultime.

Le compromis a même été imposé au bureau politique de Nidaa et à son groupe parlementaire qui se sont publiquement prononcés contre la participation d'Ennahdha la veille et l'avant-veille de la proclamation du gouvernement. Leur chef les a désavoués le lendemain. C'est ce que Tocqueville appelle "la démocratie tutélaire".

Si tu veux appeler ce "coup d'Etat" contre le peuple électeur, la direction du parti majoritaire et ses représentants élus, le génie tunisien qui pourvoie du sens à une démocratie européenne vieillie et qui aménage "des issues dont les Européens (qui) n'ont pas la culture ni le savoir-faire", pourquoi pas !

Par Hamadi Redissi
Politologue


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