Notre système de santé arrive à ses limites, et se trouve confronté à plusieurs défis : sédentarisation, transition épidémiologique, déséquilibre démographique, déséquilibre régional et social dont les victimes sont les pauvres L'égalité face à l'accès aux soins devient un combat contre les inégalités. Celle-ci n'est possible et réalisable que dans le cadre d'une assurance maladie universelle qui doit ne laisser aucun Tunisien sur la marge du système de soins. Le déficit galopant des caisses indissociable du mode de gouvernance de la santé dans notre pays fait du financement de la santé un problème majeur pour les années à venir. Un système de santé symptomatique de ces inégalités devient une urgence de réforme, qui dans le cas de la Tunisie démocratique doit être synonyme d'un engagement sociétal pour une vraie politique de santé. Cette politique doit penser santé en dehors des cases traditionnelles pour faire reculer toutes les inégalités (scolarité, précarité, exclusion sociale, couverture sociale) et doit s'impliquer par l'évaluation de toutes les politiques publiques sous l'angle de leur impact sur la santé. (éducation, transport, logement, environnement, genre) La réforme de la santé doit rendre possible * Une couverture médicale universelle CMU sur la base de la solidarité * Une nouvelle gouvernance innovante, efficace, décentralisée, participative * Une nouvelle approche du partenariat public-privé pour un financement pérenne * Une place décisive pour les usagers. * Un développement inclusif avec et par la santé Des propositions de réformes sont présentées ci-dessous par droit citoyen et devoir de partage, ces recommandations n'ont aucune prétention d'apporter toutes les solutions, mais peuvent néanmoins aider pour faire avancer le débat sur les questions de santé. 1/ La réforme doit être une action sociétale et mobiliser tous les Tunisiens Pour s'inscrire en réponse cohérente au constat de la crise de notre système de santé elle doit être structurelle et innovante et rompre avec les solutions partielles mais aussi avec les processus complexes et compliqués difficiles à interpréter et donc à appliquer, 2/ La réforme doit répondre aux deux critiques fondamentales : la qualité des soins rendus et les ressources consommées, elle doit s'attaquer à l'inadéquation entre une orientation excessive en faveur du secteur des soins au détriment des actions de santé publique, 3/La réforme doit proposer une gestion innovante du système de santé par une nouvelle définition de la place de l'usager/payeur dans ce système, tout en affirmant la compétence des pouvoirs public à intervenir au nom de la santé dans l'ensemble de l'économie, 4/ La réforme doit mettre en œuvre la notion de régulation de la santé par une série de mécanismes : information, e-santé, contrôle, sanctions et incitations financières, optimisation de l'utilisation des ressources et partenariat public-privé, 5/ La réforme doit faire la synthèse entre la contrainte de maitrise des dépenses et l'obligation de qualité des services rendus, et la nécessité de rapprocher la médecine de ville à la médecine hospitalière et développer le secteur médicosocial, 6/ La réforme doit faire la synthèse entre une régulation administrée et une gestion décentralisée, c'est-à-dire entre une orientation politique soumise au suffrage et une obligation d'efficacité économique soumise à l'exigence de durabilité, 7/ La réforme doit définir que l'équité du système de santé passe aussi par une régulation concurrentielle et éthique au profit de l'usager, ce qui aura pour conséquence la décongestion du service public et le développement d'un secteur privé et collectif de santé (mutuelles de service, assurance complémentaire), 8/ La réforme doit encourager la création de sociétés mutuelles de service de santé(SMSS, comme les SMSA) sous contrat pour rapprocher les services des usagers dans le cadre de l'économie de proximité et pour offrir un travail à des milliers de jeunes professionnels de la santé, 9/ La réforme doit définir l'utilisation correcte des ressources en terme de coordination entre payeurs et usagers pour éviter le gaspillage, et par l'exigence de justifications contrôlables des allocutions aux diverses parties du système de santé, pour permettre un ajustement solidaire viable du financement, 10/ La réforme doit annoncer un acte solennel et historique :changer la protection santé actuelle et passer à une couverture santé universelle CMU sur le socle de la Trilogie : Solidarité,' Equité, Pérennité, et par la complémentarité entre financement public privé et collectif (mutualiste) de la couverture santé, 11/La réforme doit définir une gouvernance basée sur la recherche sur les systèmes de santé nécessaire pour produire les données indispensables pour la prise de décision(EBM), 12/ La réforme doit affirmer, à coté du rôle de l'état, une gouvernance régionale de la santé, par une forme innovante d'équilibre des pouvoirs: une chambre régionale de santé rassemblant élus, partenaires sociaux, professionnels et représentants d'usagers Les représentants des trois démocraties (représentative, sociale, participative) auront un rôle de proposition, de prospection et d'évaluation. Rafik Boujdaria