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La Tunisie ou comment les Nations renaîssent
Publié dans Leaders le 15 - 03 - 2016

S'il est vrai que l'attaque de Daech sur Ben Guerdane, Daech n'est pas encore vaincu et il constitue toujours un danger sérieux. Non seulement il peut mener des attaques à partir de ses bases en Libye, visiblement tolérées par les autorités de Fajr Libya, mais il peut surtout compter sur des cellules dormantes en Tunisie pour mener des attaques sanglantes contre des militaires et des civils. Il faut surtout s'attendre à ce que Daech change de stratégie après ce « ballon d'essai » qui a révélé que le peuple tunisien, son armée et ses forces de sécurité sont soudés. En effet, Daech pourrait recourir, à l'avenir, non pas à une attaque frontale menée par un grand nombre de terroristes comme celle de Ben Guerdane mais à plusieurs attaques simultanées menées dans différents endroits à l'intérieur de la Tunisie. Le gouvernement, l'armée et les forces de sécurité doivent s'attendre au pire et rester extrêmement vigilants.
Avant de tirer quelques conclusions de la bataille de Ben Guerdane, il y a lieu de rappeler certains éléments, apparemment ignorés par les terroristes et leurs commanditaires, qui font que le contexte tunisien est très particulier au regard de la montée du terrorisme un peu partout dans le monde arabe.
Le premier élément est que les Tunisiens sont un peuple très homogène : on n'a pas de fracture ethnique (comme c'est le cas en Irak et en Syrie où il y a des Kurdes et des arabes), ou religieuse (l'écrasante majorité des Tunisies sont musulmans) ou même confessionnelle (traditionnellement la majorité des Tunisiens sont musulmans de rite malékite).
Deuxième élément très important, c'est que la Tunisie a connu la forme étatique depuis très longtemps (des Aghlabides au 9e siècle ap. J-C jusqu'à l'Etat indépendant en passant par les Fatimides, les Zirides, les Hafsides et les Husseinites) avec une armée, une administration et des institutions, notamment dans les grandes villes. A l'aube de l'indépendance, Bourguiba a œuvré à la consolidation de la structure étatique et à l'éradication progressive des vestiges du tribalisme. Cet élément distingue par exemple la Tunisie de la Libye voisine ou de certaines régions de Syrie, d'Irak ou du Yémen. Impossible donc de jouer sur la fibre ethnique, religieuse ou tribale. Il y a lieu aussi de rappeler d'autres facteurs historiques ou qui se rattachent au contexte social et économique de la Tunisie : le fait que la Tunisie a été, à travers son histoire, un pays ouvert à plusieurs influences et en a gardé un esprit ouvert et tolérant avec un taux d'alphabétisation en Tunisie (parmi les plus élevés dans le monde arabe et musulman) et l'existence d'une importante classe moyenne (quoique érodée progressivement à partir des années 2000).
Ces éléments, déjà en place, ont immunisé, relativement, la Tunisie contre la menace terroriste. Relativement, parce qu'on a constaté que l'islam radical a gagné du terrain dans tous les pays arabes à partir des années 1980 à cause de la volonté de certains Etats qui adoptent une lecture obscurantiste et moyenâgeuse de l'islam d'exporter ce modèle en mobilisant à cette fin d'énormes moyens financiers provenant de la rente pétrolière. Les conséquences désastreuses de cette politique, que les Etats occidentaux (Etats-Unis en tête) ont soit ignoré purement et simplement, soit encouragé (pour contrecarrer la vague communiste dans un premier temps ou la menace iranienne plus récemment) se font sentir un peu partout dans le monde aujourd'hui.
Après la révolution, la Tunisie a été particulièrement vulnérable au fléau de la pensée takfiriste et à l'implantation de réseaux terroristes à cause d'une politique moins qu'on puisse dire, négligente de la troïka au pouvoir, et à sa tête le parti Ennahdha, entre 2012 et 2014. Une négligence (d'aucuns diront une complicité, mais nous n'en ferons pas notre débat ici) qui a permis à la gangrène du terrorisme de se développer rapidement dans le pays.
Même si la situation est grave et le danger réel, certains éléments nous permettent d'affirmer que la Tunisie pourra venir à bout du fléau terroriste à condition qu'ils soient mobilisés de la meilleure façon.
Il y a d'abord ce sentiment qui a éclos chez les Tunisiens au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011 et qui s'est maintenu après malgré les faux pas, les coups d'arrêt et même certains retours en arrière : à savoir, le sentiment que la Nation tunisienne est différente des nations voisines : c'est le premier peuple à avoir déclenché une révolution pacifique et réussi à chasser un régime dictatorial sans sombrer dans la guerre civile. C'est ensuite le peuple qui a réussi, malgré toutes les embûches, à s'engager dans un processus de transition démocratique en élaborant démocratiquement une constitution, en organisant des élections libres et honnêtes et surtout en opérant une première alternance pacifique au pouvoir dans le monde arabe. Une sorte d'exception tunisienne est née.
Il y a aussi cet élément qui n'a fait que se renforcer depuis 2011 et qui est le soutien indéfectible des Tunisiens à leurs institutions. D'abord, l'administration (qui a continué à fonctionner même dans les jours suivant la chute du régime), l'armée et les forces de l'ordre mais aussi les institutions politiques qui incarnent la légitimité démocratique. C'est un élément fondamental dans la lutte contre le terrorisme car plus les institutions sont solides moins il a de chances de s'implanter dans un pays donné. Les exemples de la Libye, de la Syrie, de l'Irak et du Yémen montrent que les Etats faillis (failed states) sont le terrain de prédilection pour les mouvements terroristes.
Un autre élément déterminant dans la guerre contre le terrorisme et qui ressort de l'attaque de Ben Guerdane c'est que les Tunisiens (gouvernement, partis politiques, société civile et citoyens) ont gagné la guerre communicationnelle et symbolique contre les terroristes et ce dès les premières heures du déclenchement de l'attaque.
Il ne fait pas de doute que les terroristes ont parié sur le ralliement d'une partie de la population à leur cause comme cela a été le cas dans d'autres pays. Il n'en a rien été. Les citoyens, l'armée et les forces de sécurité étaient très soudés et affrontaient côte à côte les agresseurs. On a même assisté à des scènes surréalistes où des citoyens non armés faisaient face aux terroristes. Plusieurs symboles nationaux ont été mobilisés à ce stade : le drapeau national, l'hymne national, la loyauté à la patrie et la terre de la Tunisie (Trab Touness). Autant d'éléments à forte charge symbolique et qui ont galvanisé les foules à Ben Guerdane et partout dans le pays et participent, depuis, à créer et enraciner le « mythe » (Quelle société n'en a pas ?) du Tunisien à nul autre pareil, pacifique mais qui verserait volontiers son sang si sa patrie est attaquée et qui ne cèderait jamais la moindre parcelle de sa terre à l'étranger et à l'envahisseur quel qu'il soit et d'où qu'il vienne. L'ambiance dans le pays au lendemain des attaques de Ben Guerdane rappelle celle des années de lutte contre l'occupation française, période à laquelle les symboles de la Nation ont été invoqués pour réclamer l'indépendance. Nous avons assisté, la semaine dernière à Ben Guerdane, à la renaissance de la Nation tunisienne!
La communication sur ce plan a été un franc succès pour les Tunisiens et a constitué une douche froide pour les terroristes qui n'ont communiqué que de manière tardive, très désorientée et qui dénotait une désillusion certaine d'où le ton menaçant contre l'ensemble des Tunisiens et pas seulement les représentants de l'autorité. Les Tunisiens ont réussi à véhiculer l'image (authentique à tous égards) des terroristes comme corps étranger à la société tunisienne. Ces derniers ont donc perdu la bataille de l'opinion publique ainsi que la guerre communicationnelle et symbolique.
A côté de la symbolique nationale, une autre symbolique a été mobilisée avec un grand succès également ; à savoir la symbolique religieuse. En effet, les Tunisiens ont réussi à opposer à la religion des terroristes, religion de violence, de haine, de lâcheté et de trahison, leur religion : une religion de sacrifice, de fraternité, de loyauté, d'ouverture et de paix. Le lexique utilisé par les Tunisiens est riche de références religieuses et culturelles que ce soit en parlant de martyrs, ou au niveau des prières et des slogans scandés par les foules. Ceci a permis d'attaquer les terroristes sur le terrain dont ils se prétendent les dépositaires à savoir celui de la religion et les a privé de la possibilité de faire de la surenchère sur ce plan.
Mélangeant symbolique nationale et symbolique religieuse, les youyous des femmes lors des funérailles des martyrs nous rappellent les youyous des mères ou veuves des combattants tunisiens sous l'occupation française lors des exécutions de ces derniers : tomber en martyr en défendant sa patrie n'est plus source de peine (même si elle est réelle et profonde) mais devient un insigne honneur pour la famille et la communauté!
Chez les citoyens, s'est forgée une conscience nationale devant laquelle s'effacent notre salut individuel et notre intérêt personnel.
Toutefois, le terrorisme n'est pas vaincu, loin de là ! Ses soutiens et promoteurs sont toujours actifs et leur capacité de nuisance très élevée. C'est la raison pour laquelle notre front interne doit rester soudé. Il faut, par ailleurs, combler les brèches par lesquelles s'introduit la pensée rétrograde et moyenâgeuse : la pauvreté, le chômage, la marginalisation et l'ignorance. Il faut relancer l'économie, créer des emplois pour nos jeunes, revaloriser l'enseignement et promouvoir les valeurs démocratiques. L'Etat doit également prêter une plus grande attention aux activités subversives ainsi qu'à la propagande takfiriste provenant de certains pays.
Notre classe politique doit dépasser ses divisions et se rassembler autour du noyau dur de la tunisianité, ces valeurs qui constituent les fondamentaux et constantes de l'identité tunisienne : Indépendance nationale, adoption d'un islam modéré, adhésion aux valeurs de la modernité, aux droits de l'homme et notamment les droits de la femme mais aussi renforcer la démocratie, les droits de la personne et combattre les inégalités sociales et régionales.
Les évènements de Ben Guerdane prouvent que nous assistons, aujourd'hui, à la renaissance de la Nation tunisienne, le peuple est prêt, il est même à l'avant-garde de cette résurrection. Reste à savoir si la classe politique saura profiter de ce moment exceptionnel d'union nationale pour éradiquer le terrorisme et aller de l'avant sur la voie de l'édification de l'Etat de la liberté, de la dignité et de la prospérité!
Nidhal Mekki
Doctorant en droit, Université Laval, Canada


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