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La mécanique terroriste ou la barbarie en action
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 03 - 2015

Ces actes méthodiques et réfléchis entendent atteindre des buts évidents : frapper les esprits, déstabiliser l'Etat et forcer les sociétés à abdiquer. Contrairement à beaucoup de « isme », le terrorisme n'est pas une idéologie, mais une palette de modes opératoires criminels dont la vocation principale est de « tuer ». Et les terroristes ne sont pas les damnés de la terre mais des fins stratèges qui ont compris que, lorsque des combattants sont confrontés à un « ennemi » matériellement supérieur, toute confrontation directe est vouée à l'échec. D'où la nécessité de frapper par surprise, en concentrant des moyens sur des cibles vulnérables. Jamais une entité non étatique n'a réussi à infliger, en si peu de temps, des pertes aussi élevées à l'armée et aux forces de sécurité tunisiennes.
Avec l'opération terroriste survenue dans la région de Boulaâba à Kasserine, un nouveau palier a été franchi dans l'horreur. Il n'y a plus d'hésitation : c'est bien une guerre qui oppose aujourd'hui notre pays à une nébuleuse terroriste qui comprend désormais les jihadistes de « Daech » et la branche tuniso-libyenne « d'Ansar Echaria ». Une guerre certes d'un genre nouveau, mais une guerre dont la vocation principale est de tuer dans l'œuf la liberté d'un peuple fraîchement et durement acquise.
Après avoir tenté de conjurer le retour des pulsions primitives par des mots d'ordre « plus jamais ça », nous nous étonnons des degrés toujours plus grands franchis dans l'horreur terroriste. Toutefois, repérer les nouvelles formes de la violence n'empêche pas de savoir que la barbarie n'a pas de limites et qu'elle a depuis toujours été au cœur de l'idéologie jihadiste. Dès lors une question s'impose par elle-même comme une évidence : pourquoi les gouvernements précédents et surtout ceux de la troïka ont-ils fermé les yeux sur un tel phénomène? Sympathie ou complicité ?
De la barbarie pour terroriser
Les attaques meurtrières contre notre armée et nos forces de l'ordre au mont Chaâmbi ou ailleurs constituent, sans aucun doute, un pas supplémentaire de cette descente dans ce trou noir de l'horreur qu'El Maâri désigne par le « cœur des ténèbres ». Et contrairement à ce que nous annoncent à longueur des journées nos experts en sécurité, les terroristes ne comptent pas leur victoire seulement en nombre de morts et de blessés. Ils mesurent leur victoire en réduisant les espaces de vie et les libertés des citoyens. Cette volonté d'emprisonnement explique le choix de la cible qu'ils entendent briser. Les experts médiatiques leur servent immédiatement de chambre d'écho, aussitôt amplifié par les réseaux sociaux. L'image symbolique des corps inertes (des soldats tués) devient celle d'un pays et de ses valeurs que ces irréductibles ennemis de la démocratie veulent abolir.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le terrorisme ne se déploie pas uniquement dans le champ de la réalité, mais dans celui de la potentialité. Il se trouve moins bien défini par les actes qu'il met en œuvre que par ceux dont il annonce la future réalisation. Comme tous les chantages, il n'existe que projeté hors de lui-même, dans les menaces qu'il profère. Tout son passé et son présent ne servent que de support et d'attestation pour son avenir, ils cautionnent les menaces promulguées et assoient leur crédibilité. Ce qui fait que le terrorisme n'est jamais résumé dans l'action accomplie, mais enfermé, à la façon d'un ressort comprimé, dans une dynamique tendue vers la série des actions à venir. Un attentat n'est ainsi jamais une fin en soi, mais la promesse de tous les attentats et les actes barbares qui succéderont certainement à celui-là. L'essence du terrorisme réside, justement, dans la menace constante qu'il véhicule.
Sur le plan psychologique, la « machine » terroriste agit sur deux leviers essentiels : les émotions et l'imaginaire, par le moyen très simple de la manipulation et du franchissement des seuils de tolérance de la sensibilité ordinaire. Chez les individus soumis à la menace du terrorisme, en effet, la situation est relativement simple : l'émotion principale, c'est la peur. Elle agit puissamment sur la vie psychique tout entière, et sur les facultés de représentations sociales et mentales en particulier.
Sur le plan imaginaire, d'un point de vue symbolique, sa force et sa portée sont considérables. Appuyée sur des images difficilement supportables (l'égorgement de nos jeunes militaires), chaque action terroriste est jouée comme un « acte » d'une pièce de théâtre. Le terrorisme participe à une dramaturgie qu'il veut allégorique. Car son but est de frapper les esprits pour les manipuler. C'est pourquoi il combine la menace, la souffrance et la mort en utilisant des images et des blessures où le sang et l'horreur sont toujours au premier rang. Relayées, voire amplifiées par les médias, ces images ne peuvent que provoquer l'émotion, mais aussi l'inhibition des facultés défensives et la désadaptation comportementale, dont la détresse acquise représente le modèle accompli.
Pour mieux comprendre comment agit le terrorisme, il convient alors de faire la distinction entre deux types de victimes : les victimes directes, c'est-à-dire les hommes et les femmes qui tombent sous les coups, et les victimes indirectes, c'est-à-dire le grand public, voire l'opinion nationale ou internationale, qui sont les vraies cibles du terrorisme. Car l'attentat commis vise l'ébranlement du public et, secondairement, l'élimination d'un certain nombre de personnes. L'essentiel de l'action terroriste est de bouleverser l'opinion publique pour prendre, pour ainsi dire, les autorités en otage. C'est bien ce qui s'est passé à Madrid où les bombes dans les trains ont fait changer l'issue des élections législatives dans le pays. Le véritable champ de bataille du terrorisme se situe dans les colonnes des journaux et sur les écrans de télévision. Il ne peut vivre en dehors des échos qu'il éveille dans le public par l'intermédiaire des médias. C'est la raison pour laquelle il s'efforce d'apparaître sous un certain jour et distribue les rôles de manière à ce que le drame « joué » soit le plus efficace possible dans les répercussions qu'il est susceptible d'avoir sur l'esprit du public. Stamatios Tzitzis parle ainsi, à ce propos, d'«esthétique de la violence». La mise en scène est donc le premier souci des terroristes, et on peut affirmer que celle-ci préside au choix des objectifs de l'action, à ses modalités, un peu comme si le compte rendu de presse à venir conditionnait l'acte dont il doit faire état. Les cibles choisies le sont au titre des symboles qu'elles représentent : la vidéo montrant l'agonie du pilote jordanien brûlé vif dans une cage, le tout filmé en direct et répercuté en quelques minutes dans le monde entier, représente le modèle du genre.
De la détermination pour tuer
Mais la férocité de l'acte ne saurait se réduire à sa barbarie. Elle a une autre face, plus politique. On est passé de la horde, qui tenait sous la houlette unitaire du père, (Ben Laden) au groupe des conjurés. L'Etat dit islamique est désormais un des moteurs principaux de ces machines totalitaires à fabriquer la terreur. Dans le délire paranoïaque de cet Etat voyou, le terroriste se sent investi d'une mission de sauveur suprême du monde, il n'y a ni idéal politique à proprement parler, ni espace de négociation, ni stratégie nationale : rien qui fasse tiers. Il a pour mission d'entraîner avec lui dans la mort le plus de gens possible. Ils sont fabriqués pour tuer. Il serait réducteur et même dangereux de voir dans ce phénomène une simple exploitation de la misère humaine. Ces « barbares » semblent plutôt le produit de pressions religieuses et culturelles contradictoires. Ils ont le sentiment d'avoir l'approbation divine pour mener une guerre juste. Ce délire leur confère une absence totale de culpabilité, et même une certaine euphorie au combat, avec le sentiment, qu'ils sont en train de participer à la confection d'un « miracle » civilisationnel.
Mais la part refoulée de l'histoire, qui ne va pas manquer de faire son retour, c'est le laxisme d'Ennahda ou sa complicité. Il a politiquement installé ce phénomène dans notre pays. Ce n'est plus un secret pour personne : ces jeunes jihadistes ont été enrôlés pour infliger aux opposants (modernistes) une défaite au moindre coût, et pour préserver des intérêts politiques, notamment un projet d'islamisation de la société.
Or, dès le début, l'erreur politique est perçue : le pays est devenu une pépinière de terroristes, un berceau de l'extrémisme politique et religieux, et le théâtre d'une véritable guerre. Objet d'une terrible manipulation, des jeunes gens, pour précipiter un engrenage déjà diabolique, sont transformés en « une machine à semer la mort » ou selon une autre création lexicale, plus étrange, « machine à tuer ». Cela ouvre des avenues à toutes les formes de terrorisme. Chacun, consciemment et inconsciemment, agit contre son peuple.
Comment alors mettre fin à cette spirale de violence ? Car jamais, depuis un demi-siècle, autant d'actes de barbarie ne s'étaient multipliés en Tunisie. Nous allons combattre le «terrorisme», nous dit le gouvernement. Certes. Mais faire la guerre contre des concepts ne mène à rien. C'est contre les terroristes qu'il faut se battre. Contre ceux qui ont pris en otage nos mosquées, nos écoles, nos crèches et nos universités Contre ceux qui ont encouragé nos jeunes à prendre les armes contre leur propre peuple.... Alors, il faut arrêter de tergiverser. Or dans ce domaine, l'image des solutions dicte souvent le choix du problème. Il est donc tenant de raisonner à l'envers et d'adapter le problème à la solution définie. Ainsi, pour réussir, il faut, dans l'ordre, quatre urgentes actions :
- Si nous voulons préparer sérieusement l'éradication définitive de ce phénomène, il nous faut réfléchir d'abord aux capacités nécessaires pour opérer dans un univers institutionnel radicalement différent et aux moyens de les développer. De ce point de vue, la réussite de cette entreprise (de lutte contre ces criminels) doit passer obligatoirement par un travail d'évaluation sous forme d'audit de la politique de sécurité menée sous les gouvernements de la Troïka. En effet, lors de cette période, les deux ministres de l'Intérieur (M. A. Laârayedh et M. L. Ben Jeddou) ont par des actions, idéologiquement chargées et opérationnellement ambiguës, déstabilisé l'institution et affaibli l'appareil. D'où le sentiment de gâchis et d'impuissance expliquant les accusations graves et répétitives de l'existence d'une police parallèle au service d'officines islamistes proches de ceux que nos forces de sécurité sont en train de combattre sur le terrain. Une telle situation gangrène l'appareil et l'empêche de répondre efficacement à la réalité complexe de son environnement dangereux. Il est alors de la responsabilité (urgente) du Premier ministre d'impulser une telle opération, peu importe la forme qu'elle doit prendre (audit interne ou audit externe...).
- De toutes les autres solutions proposées, celle qui nous semble également importante et porteuse d'enjeux aussi lourds, c'est celle qui consiste à empêcher que nos mosquées soient des espaces où se fabriquent la mort et la haine de l'Autre. Le devoir de l'Etat serait alors de reprendre le contrôle de tous ces lieux de culte afin de mettre un terme à l'exploitation de l'islam par les réseaux jihadistes qui sèment la barbarie et la terreur là où ils passent. Il y a donc une responsabilité politico-théologique, ou plutôt une tâche qui incombe à nos imams ici et maintenant pour faire du jihadisme une contrevérité religieuse aux yeux de tous les pratiquants. Sinon, nous serons tous pris dans le mortel étau du terrorisme, susceptible d'attirer à lui tous les aventuriers, les humiliés et offensés de notre société en crise. Dans le même esprit, nous devons encourager les travaux et les recherches sur l'Islam contemporain pour casser le monopole des religieux sur la religion. L'islam, comme fait religieux civilisationnel, doit être étudié par le prisme de la rationalité des sciences sociales et humaines. Cette quête de sens et de connaissance doit réhabiliter l'Etat et ses universités dans leur rôle de pourvoyeur d'un savoir en islamologie ancré dans la modernité : un antidote certain contre l'intégrisme.
- Le temps de bienveillance et de mansuétude à l'égard de ces jihadistes doit définitivement être clos. Ce passé, pas si lointain où ces radicaux étaient traités avec une nostalgie presque romantique par les leaders du parti islamiste faisant même dire à leur chef que par leur posture, ils lui rappelaient sa jeunesse. Bigre ! D'autres nous faisaient croire qu'ils ne sont point si loin de nous. Ils sont nos frères et nos sœurs, mais juste un peu différents.. Si notre besoin de comprendre est immense, la nécessité d'agir l'est tout autant. Et là, il faut être clair. Ils ne sont pas nos frères, ni nos sœurs, d'ailleurs. Le terrorisme est une guerre. Ces personnes ont volontairement pris les armes contre leur patrie et contre leur propre Etat. Un tel acte est juridiquement qualifié de haute trahison, par les lois de la guerre. Ils sont donc des traîtres. Et des traîtres à leur patrie les Tunisiens n'en veulent pas. C'est à la justice militaire de statuer sur leur cas et de les sanctionner à la hauteur de la gravité de leurs actes. Cela nous amène à s'étonner du peu d'empressement de nos politiques à combler le vide juridique en matière de terrorisme. Il est peut-être temps de doter notre pays d'un corpus législatif moderne et démocratique ayant le souci des libertés et les moyens de l'efficacité.
- Sur le plan opérationnel, il faut dans l'ordre trois conditions : du renseignement humain, de la surveillance aérienne et électronique pour suivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre un groupe suspect et des équipements permettant de le neutraliser en temps réel (notamment des hélicoptères et des avions).
Avons-nous les moyens et la volonté politique pour le faire ?
*(Professeur de droit public, président de l'Observatoire tunisien de la sécurité globale)


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