Ambassadeur italien, Jaouhar Ben Mbarek… Les 5 infos du week-end    Enseignement supérieur : la fédération appelle à participer au projet d'amendement    Elections de la FTF : rejet de l'appel de Wassef Jlaiel, réexamen des listes de Ben Tekaya et Tlemçani    Netanyahu et son gouvernement embêtés par la menace de mandats d'arrêt délivrés par la CPI    Pénalisation de l'homosexualité et de la transsexualité en Irak... Les américains se disent inquiets !    Tunisie – METEO : Quelques passages nuageux et brouillard en fin de nuit    Dégradation de l'état de santé de Jaouhar Ben Mbarek    G a z a: Le bilan s'alourdit à 34.454 martyrs et 77.575 blessés    Semaine boursière : le Tunindex poursuit son trend haussier    L'hommage d'un professeur à une élève ayant décidé de porter le hijab suscite la controverse    Entre 2010 et 2023, la dette publique par habitant a augmenté de 330%    UST: Défendre son leadership    Ligue1—Play-off-5ème journée — ST-USM (0-0): Il ne manquait que les buts...    CA: Chasser le signe indien    Tensions à Sciences Po : Quand la politique s'immisce dans l'expression étudiante    Anne Guéguen, Ambassadrice de France à Tunis en visite chez la CONECT    Coupures programmée d'électricité dans les régions de Monastir et Sidi Bouzid    Faire entendre sa voix dans le monde    Tunisie-Canada: Un don de 185 ouvrages à la Bibliothèque nationale Tunisienne    La Kasbah—Activités du Chef du gouvernement durant la quatrième semaine d'avril 2024: Une batterie de mesures pour faciliter le retour des Tunisiens à l'étranger    11e session de la commission mixte Tuniso-camerounaise à Yaoundé: Consolider la coopération dans divers domaines    DECES ET FARK: Kamel SAMMARI    Trois questions à Samir Meddeb, président de l'association Racines et Développement Durable: "Nos pratiques de consommation ne sont pas durables"    Affaire présumée de trafic de psychotropes: Médecins et pharmaciens sous le joug de la caducité de la loi    Chroniques de la Byrsa: Circulez (sur le bitume), il n'y a plus rien à voir !    Mesures contre la triche au bac: Tirer profit des expériences antérieures    Violences faites aux femmes en Tunisie : Que disent les chiffres ?    ECHOS De la FILT: Le ministre italien de la Culture au pavillon de l'Italie    La ligne d'or: Parler avec passion et amour : l'art de captiver son auditoire    Coopération bilatérale: Signature d'une convention de jumelage tuniso-italienne dans le secteur du patrimoine    Que nous révèlent les prix des matières premières sur l'économie mondiale ?    Imed Khemiri : ce système est celui de l'échec !    Volley – Play-offs Nationale A (SF) : CSS 3-0 EST, résultats de la J3 (vidéos)    Salon du livre : l'ambassadeur italien « dégagé » par des militants de l'Action pour la Palestine    Ons Jabeur en huitième de finale du tournoi de Madrid    Miss Buenos Aires 2024 : Une femme de 60 ans brise les barrières de l'âge    En vidéo : Sihem Ben Abdessamad présente le Challenge Startupper de l'Année par TotalEnergies    Après sa qualification, 7 millions de dinars pour l'EST    Endettement public : La Tunisie déterminée à honorer ses engagements en comptant sur ses propres ressources    Gianni Infantino félicite l'EST pour sa qualification à la coupe du monde des clubs 2025    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Philippe Abastado: Histoire de Masques
Publié dans Leaders le 12 - 05 - 2020

Par Philippe Abastado - Février, est la période des masques à Venise. La pratique du carnaval se perd dans la nuit des temps. Elle est attestée dès le premier doge au XIème siècle. Les origines du masque semblent aussi précoces. Lié au religieux, ses fonctions initiales furent rituelles. Mais l'association carnaval et masques, fête et dissimulation, fut tout au long de l'histoire à la fois un concept de transgression et de cohésion sociale.
A Venise, existait un autre type de masque : celui du Medico della Peste, médecin de la peste. Il s'agissait d'une véritable tenue professionnelle qui permettait au professionnel de visiter les pestiférés. Aujourd'hui, nous coiffons une charlotte, mettons un masque qui couvre le visage du nez au menton et enfilons sur nos vêtements une casaque que nous appelions encore il y a quelques années une américaine. Le médecin de la peste porte chapeau, un masque à long bec qui le fait comparer à un lugubre vautour, sous le masque des lunettes, et il enfile une tunique de lin ou de toile cirée. Enfin, il est représenté d'une longue baguette qui lui permettait de soulever les vêtements des malades. Curieusement, si la peste à Venise fut sujet de tableaux, ce personnage n'y est pas visible (Antonio Zanchi ou Pietro Negri pour la peste de 1630 ; Le Tintoret pour celle de 1347)
Hier comme aujourd'hui, est expliqué aux médecins qu'ils sont protégés par cette tenue barrière de la maladie. Mais ces derniers savent l'efficacité relative de ces précautions, qu'intuber ou extuber un patient signifie plonger dans un bain viral et que des collègues tombent…
A Venise, la politique changeait avec l'arrivée d'un nouveau Doge, le qualitatif de Sérénissime est le superlatif de Serein. En France, le discours officiel ne peut être qualifié de serein et avec le masque se joue une farce. En trois mois, il fut réservé à quelques-uns, donc interdit à la plupart, puis recommandé mais avec une diffusion contrôlée par des milices (sic !) et maintenant obligatoire dans de nombreuses circonstances avec toujours une surveillance par des milices.
Au début de l'épidémie, l'argument est simple. Deux certitudes, le port du masque sert à éviter la contamination de l'entourage d'un sujet infecté et le Covid 19 est une infection respiratoire transmise par des gouttelettes. Une incertitude, l'utilité d'un port généralisé du masque n'est pas démontrée (20/03/20 Lancet) ce qui n'enlève en rien une valeur de protection individuelle, également non démontrée. Enfin un principe de précaution est constitutionnel depuis 2005(1). Devant autant d'inconnus, l'état devait ajouter à « restez chez-vous » l'injonction « restez couvert ».
A cette date, l'Etat doit gérer «le risque de pénurie»(2). Le masque était officiellement réservé aux professionnels de santé fortement exposés au virus. Ceux certifiés FFP2 étaient rares et destinées aux réanimations. Des soignants, très exposés aux virus, présentaient des formes graves de la maladie, voire mourraient, démonstration ultime de l'importance d'une protection individuelle. Dans cette situation tendue, l'Etat contrôle.
L'Etat se substitue aux médecins et bloque la prescription de médicaments, il contrôle la diffusion des masques avec une surveillance policière des pharmacies. Alors la farce commence. L'administration entend d'abord s'arroger le monopole de l'importation. Les professionnels du marché chinois sont écartés au profit de fonctionnaires. Les grandes enseignes de distribution si réactives et surtout influentes par leur volume d'affaires sont d'abord interdites de prospection. Le monde entier se rue sur les fournisseurs et les stocks, les pots de vin permettent de modifier les destinataires, la France a l'habitude de payer ses fournisseurs à 90 jours. Alors que les hôpitaux et cliniques poussent leurs murs, que le monde soignant se dépasse, l'administration garde ses habitudes. Les masques non certifiés aux normes françaises sont bloqués aux frontières de notre territoire, pour être rapidement utilisés chez nos voisins. Curieusement, le discours lavage des mains est en retrait. Pas de polémique mais je serais curieux de savoir le nombre de fois que cet exercice est réalisé.
Lors de la dernière épidémie, la contagion était sexuelle. Les mesures barrières étaient le préservatif à la place du masque, l'abstinence au lieu du lavage des mains. Je ne sais pourquoi, le confinement n'était pas de mise. Dans ces années sida, heureusement l'administration était moins regardante sur les normes, la capote d'hier fut moins surveillée que le masque d'aujourd'hui. Elle ne fut ni réservée à des professions exposées ni devenue obligatoire dans les transports amoureux. Ainsi les restrictions du masque en période d'épidémie respiratoire sont à penser comme celles de préservatifs en période d'épidémie par contamination sexuelle.
Quant au second geste barrière, seule l'église s'en était officiellement inquiétée. Les Papes Jean Paul II(3) comme Benoît XVI(4) ont tenté de vanter la fidélité et l'abstinence. Aujourd'hui, en ces temps où le monde politique recommande le lavage des mains, le Pape François, en cette période pascale, doit penser à Ponce Pilate qui au moment de la crucifixion de Jésus devait craindre un trouble à l'ordre publique : « Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit: Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde.»(5)
Avec le déconfinement annoncé, le masque va prendre son indépendance. On le voit bariolé, de forme variable. Je ne serai pas surpris qu'à Calais, nous n'en verrons pas quelques-uns en dentelle. Cet été, un masque à la mode sera sur les plages. Quelques grincheux s'en serviront pour faire peur aux enfants en évoquant les futures épidémies, d'autres – comme à Carnaval- en joueront…
Philippe Abastado
CRPMS- Université de Paris
(1) Dominique Lecourt, La Santé face au principe de précaution. PUF, 2015
(2) Edouard Philippe Assemblée Nationale ; 28/04/2020
(3) Jean Paul II, Discours aux jeunes au stade de Kampala, DC, n° 2068, 21 mars 1993, p. 260-262.
(4) Benoît XVI, Déclaration de la Conférence épiscopale du Cameroun relative au message du Saint-Père sur la lutte contre le VIH/SIDA lors de sa visite apostolique au Cameroun », Mars 2009 ; commentaires intéressant Douglas Kamerow, « The papal position on condoms and HIV », British Medical Journal, 25 mars 2009


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.