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Mohamed Salah Ben Ammar: «Jek Eddor Ya Doktour»
Publié dans Leaders le 11 - 05 - 2023

Le 19 mai, le président syrien Bachar Al Assad pourra participer au sommet annuel des chefs d'Etat qui doit se tenir à Djedda, en Arabie Saoudite. Les pays arabes - sous l'égide des Saoudiens et des Emiratis - ont décidé de tourner la page du conflit syrien, après douze ans d'une guerre civile qui a fait des centaines de milliers de morts et de disparus et des millions de réfugiés. «Le retour du président syrien au sein de la Ligue arabe symbolise la déchéance morale et stratégique des dirigeants de la région» écrit l'éditorialiste du journal l'Orient-le jour.
En fait, ce n'est pas la Syrie qui est de retour. La Syrie n'a jamais quitté le monde arabe et d'ailleurs qui et quoi pourrait réussir à faire renier au peuple syrien son identité arabe ? Non, c'est le régime en place qui a été mis au ban des nations.
Au nom de je ne sais quels sordides calculs, les dirigeants de la région absolvent aujourd'hui un «chef de clan qui a détruit des villes entières, a poussé la moitié de sa population à l'exode, a bombardé pendant des années des marchés, des écoles et des hôpitaux, a gazé, à plusieurs reprises, hommes, femmes et enfants.» ajoute l'Orient-le jour.
Quel esprit sain a pu penser ne serait ce qu'un instant que la Syrie ne faisait plus partie du monde arabe ? La confusion entre les pouvoirs en place et la nation est un classique de la démagogie nationaliste sur lequel surfent les dictateurs. "Vous me critiquez donc vous vous en prenez au pays!" Il s'agit donc bel et bien du retour de Bachar auprès de ses pairs dans une instance qui n'a jamais craint le ridicule, la Ligue Arabe.
Personnellement, j'aime la Syrie, Damas, la mosquée des Omeyyades avec ses mosaïques, le tombeau de Saint Jean Baptiste, j'aime la douceur des dîners sur les toits de la vieille ville, j'aime me perdre dans ses souks, manger une glace aux pistaches chez Bakdash, me promener à Bab Tuma, m'asseoir et boire un café et voir passer les prêtres ou les familles chrétiennes qu'on dirait sorties d'une époque ancienne. En Syrie la beauté et le raffinement vous envoûtent. Certes ce n'est pas le luxe ostentatoire des pays du Golfe mais c'est bien plus que cela. Palmyre, Lattaquié, Homs et surtout manger à Alep…Dieu que la Syrie était attachante. L'histoire des cultures méditerranéennes, des religions, de l'art, de la musique, de Sabeh Fakhri, de l'art culinaire y sont omniprésentes. Malheureusement, les portraits géants du chef «adulé» et des agents des moukhabarats sont aussi partout, avec en prime la peur, de ne serait-ce que de penser, que…
Dès que les choses se sont un peu calmées, j'y suis retourné, en 2019 exactement, mais ce n'était plus la même chose. Le hall de mon hôtel grouillait de gradés russes et iraniens. Tout se décide chez eux, la moindre décision nécessite leur accord m'a-t-on expliqué, un véritable protectorat.
Les horreurs de la realpolitik dans toute leur splendeur
La lecture géopolitique, tendancieuse et partisane de la situation arrange bien les nationalistes arabes, ils balayent d'un revers de la main les droits humains. Oubliées les catastrophes en Irak, Syrie, Egypte, Yémen, Soudan, Libye provoquées par une fausse lecture de l'histoire, elles ont été à l'origine de drames dans ces pays où des militaires putschistes ont essayé d'imposer des idéologies saugrenues.
La guerre civile en Syrie serait le fait des grandes puissances? Le même raisonnement a été tenu à propos du régime de Saddam et même de Nasser dans les années 60. Les théories complotistes invérifiables sont leurs vérités! La guerre civile? Elle aurait été provoquée parce que Al Assad se serait opposé au passage de pipelines et autres gazoducs destinés à l'occident! Une version totalement fausse mais qui justifierait tout. Un aveuglement pathétique face à la dictature et aux atteintes aux droits humains les plus élémentaires. Pour les baathistes (pro syriens), le clan Al Assad serait le défenseur des minorités religieuses, du socialisme arabe, de l'arabité tout simplement face à un occident conquérant, face à Israël et maintenant il se présente comme le dernier rempart contre les islamistes. Ironie de l'histoire, c'est avec l'appui de l'Iran comme nous le verrons plus loin.
Une opinion probablement partagée par de larges franges de nos concitoyens: «Le retour de la Syrie dans le giron arabe est l'aboutissement d'un processus qui a dévoilé un plan diabolique ourdi par les Etats-Unis et ses sbires, pour faire du Maghreb arabe et du Moyen-Orient un brasier dirigé par la nébuleuse islamiste qui a été de tous temps l'arme secrète de prédilection de l'Oncle Sam…» dixit un article récent. Soit prenons alors le temps d'essayer comprendre comment une des plus anciennes civilisations connues au monde, qui a inventé l'écriture à l'âge de bronze à Ougarit, le pays de Slaheddine El Ayoubi qui a repris Al Qods aux croisés, la plus vieille ville au monde encore debout Damas, a pu sombrer dans une violence insupportable, indigne de son statut dans la civilisation mondiale.
Peut-être qu'un demi-siècle de dictature et d'échecs sur tous les plans pourraient à eux seuls expliquer ce qui s'est passé? La pauvreté, le chômage, la faillite économique, une gouvernance chaotique, l'injustice, l'autoritarisme des forces de sécurité et…la corruption endémique peuvent-ils expliquer la colère populaire?
Un rapide survol de l'emprise d'une famille sur un pays n'explique pas forcément la guerre civile, mais il éclaire. 1970, un jeune officier d'une intelligence rare, alaouite, détail important, Hafez al-Assad renverse le président Noureddine al-Atassi. Trente ans plus tard, son fils Bachar, qui n'était pas destiné à assurer la succession mais le décès brutal de son frère Bassel, a fait de lui le successeur dynastique désigné. La constitution a été changée à la va-vite pour lui permettre de prendre le pouvoir en juin 2000, à l'âge de 34 ans. Maher, le jeune frère se tient en embuscade pour éventuellement la succession, il assume actuellement de hautes fonctions au sein de l'armée, Bachar comparé à lui serait un tendre. En Juin 2014 en pleine guerre civile, Bachar est réélu avec 88.7 % des suffrages exprimés.
Que s'est-il passé un soir de février 2011?
Des enfants, des adolescents, les premiers protestataires de Deraa au sud du pays avaient écrit sur les murs "Jek Eddor Ya Doktour". Intolérable pour les régimes arabes encore en place. Les maillons faibles des dictatures arabes avaient cédé, Ben Ali, Moubarek et bientôt Kadhafi. L'appareil répressif syrien a pris peur, il devait en faire des exemples. Il fait subir à des écoliers des supplices innommables…ils sont fouettés jusqu'au sang avec des câbles électriques et on leur arrache les ongles.
Quelques jours plus tard, des étudiants, 200 manifestent. Ils dénoncent les meurtres policiers et une corruption institutionnelle. Eux aussi sont sévèrement punis. Plus loin à Rastane, une caserne se rebelle à deux cents kilomètres de Damas des soldats et des officiers déserteurs trouvent refuge. La mutinerie est écrasée dans le sang. Les forces loyalistes bombardent la ville sans distinguer les mutins des civils. On compte plusieurs dizaines de morts. Le pays s'embrase. L'opposition citoyenne et démocratique se fédère en une instance qu'elle nomme le Conseil National Syrien (CNS).
L'équation à laquelle voulait aboutir le régime était simple, c'était soit Bachar soit l'Etat islamique et il y est arrivé mais à quel prix ?
«Vous n'êtes que des sujets»
Le 30 août 2013, le président Obama choisit de ne pas ordonner les frappes préparées contre le régime syrien à la suite des attaques à l'arme chimique dans la banlieue de Damas. La suite ? Les parrains iranien et russe du régime se sont engouffrés dans la brèche. Ils veulent d'un pays avec Bachar, probablement parce qu'ils souhaitent garder la Syrie sous leur tutelle. Peu importe que Bachar Al-Assad n'ait jamais eu à répondre de ses crimes contre l'humanité, des massacres organisés, des viols systématiques, de disparitions forcées, un cynisme glaçant.
Après Moscou et Téhéran, c'est Le Caire qui a œuvré la semaine dernière à réhabiliter le régime syrien. Réunis dans la capitale égyptienne, les Ministres des Affaires Etrangères arabes ont acté le grand retour de Damas à la Ligue arabe. A l'image des régimes arabes, cette instance n'a jamais aimé le « Printemps ». La réintégration de la Syrie se justifierait par la nécessité de trouver une issue à cette guerre civile dont les répercussions sécuritaires, humanitaires et politiques affectent les pays voisins. Nullement gênés de délivrer un certificat d'impunité à un régime sans équivalent actuellement en matière d'horreurs, les pays arabes dont plusieurs ont financé des milices et même des armées passent l'éponge. Demain le Yémen suivra le même chemin et dans quelques années, après une quelques milliers de morts le tour du Soudan viendra, en ce qui concerne la Libye la situation est encore confuse.
Décidément «Something is rotten in the state of…» aurait dit l'autre!
La signature le 10 mars, sous l'égide de Pékin, d'un accord de détente entre l'Arabie Saoudite et L'Iran signera le retour du régime syrien dans le marigot arabe, car la Syrie est le cœur battant du monde arabe. Au moins pour la forme cette décision, aurait dû être accompagnée d'un rappel des résolutions prises et qui prévoient la rédaction d'une nouvelle Constitution, l'organisation d'élections sous égide onusienne, la libération des prisonniers et le règlement du sort des disparus. Ces mesures ne feront pas partir Bachar, car il sera réélu, mais sauveront au moins la face de cette organisation.
Délivrée ainsi, la décision assimile le régime à un peuple qui le subit et surtout il s'agit d'un brevet d'impunité en bonne et due forme à toutes les dictatures arabes actuelles et futures.
A travers la réintégration du régime syrien, les régimes arabes ont envoyé un message fort à leurs peuples «Vous n'êtes que des sujets».


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