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A la Tunisienne 2
Publié dans Leaders le 17 - 06 - 2009

Vous avez aimé la première partie! Vous en savourerez celle-ci.
Dans un sens plus politique, le « à la tunisienne » peut vouloir dire : procéder par étapes, en contournant les obstacles si possible. Naturellement, il y a beaucoup d'enseignements philosophiques ou politiques qui inclinent à cette même sage conclusion, dont celui d'un célèbre philosophe chinois, mais nous, Tunisiens, jurons que procéder par étapes serait l'apanage du seul héritage bourguibien. Pourquoi pas après tout ? Mais, puisque nous sommes sur le terrain des idées et de la politique, restons-y un moment.
Tout Tunisien a dû un jour ou l'autre prononcer ou entendre prononcer ces phrases fatidiques sur un responsable quelconque : « celui-là, je le connais, il est bien ». Le quidam en question est donc « bien » parce que, moi, je le connais, ou peut être mon cousin au troisième degré, ou peut être ma voisine celle qui louche, ou Am Salah celui-là même qui acheta jadis notre âne tacheté. Nulle trace d'objectivité ne peut être décelée dans les jugements à l'emporte-pièce que nous prononçons à profusion, les uns sur les autres, et pas davantage une once de fraternité ou d'honnêteté intellectuelle.
En Tunisie, tout est susurré, murmuré, suggéré dans la plus abjecte subjectivité possible, celle précisément qui est la plus intéressée ou la plus perfide. Ce « positionnement», fondamentalement destructeur des rapports sociaux, ne constitue en fait que la conséquence inéluctable de l'absence de ces débats d'idées « structurants » comme disent les sociologues, seul moyen en fait de se situer « sainement » les uns par rapport aux autres.
A défaut, les tunisiens continuent de se juger, à se jauger à vrai dire, sur la base de critères aussi éloignés que possible du simple bon sens ou cette part d'humanité que chacun doit garder jalousement au fond de l'âme. Le plus triste dans cette affaire est que nous continuons à nous accommoder joyeusement (ou aveuglément) d'un tel gâchis.
« A la tunisienne » peut vouloir dire aussi, pourquoi le cacher: absence de toute franchise dans les rapports humains. On pourrait rétorquer qu'un tel diagnostic sonne faux et qu'il s'agit même d'une ignominie sans nom et que de toute manière les peuples dits civilisés pratiquent très largement la « dissimulation relationnelle» sans avoir à être taxés d'hypocrites.
Oui, la frontière entre politesse et hypocrisie est peut être mince, trop mince, mais elle ne l'est finalement que dans l'esprit de ceux qui n'ont jamais pratiqué la courtoisie. En tout état de cause, le déficit de politesse dans notre société est aussi monstrueusement énorme que celui du budget américain. Quant à la franchise, comment peut-elle exister dans une société où la normalité est à la dissimulation, à l'incorrection et à l'égocentrisme. Dans ce contexte particulier donc, le « à la tunisienne » ne signifie rien d'autre que l'acceptation par la majorité d'une inversion radicale des normes. C'est pourquoi marche-t-on sur la tête depuis longtemps, sans même se rendre compte.
« A la tunisienne » peut vouloir dire enfin la consécration comme « religion » cultuelle ou culturelle de la débrouillardise « intégrale », en dépit des lois, des autres, des règles de vie en société ; de passer sans vergogne au feu rouge, de brûler les stops, de se garer en double file en prenant soin de bloquer le maximum d'automobilistes, de sauter ses semblables dans une file d'attente, d'incendier les préposés de la Poste ou tout agent public à sa portée, de se montrer mielleux et sirupeux devant plus fort que soi mais vindicatif et hargneux devant les plus faibles, de crever les pneus de la voiture du voisin trop encombrant ou du professeur trop « dur », d'ameuter tout le quartier parce que son rejeton a réussi enfin à décrocher son bac, de passer des CD au maximum des décibels à des heures tardives, rien que pour que l'on sache à quelques kilomètres à la ronde qu'on est «à la page».
Bref, « à la tunisienne » signifie, qu'à l'instar du fameux agent 007, tout quidam se croit détenteur d'un permis de « flinguer » à loisir et à satiété tous ceux et toutes celles dont la tête ne lui revient pas, sans aucune raison apparente, juste pour se défouler ou pour le «fun» comme on dit dans les beaux quartiers.
Evidemment, je ne pourrais pas passer sous silence l'incidence, consciente ou non, d'une fameuse sortie en public contre un personnage digne de respect, en fait l'exemple même de l'honnêteté et du patriotisme, qui fût traité d'« âme pieuse » ( nafs moumna ) comme s'il s'agissait d'une insulte. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, « nafs moumna » est devenue une invective dans la bouche de beaucoup. C'est d'autant plus navrant finalement que dans n'importe quelle société qui se respecte, la malheureuse et violente sortie aurait profondément choqué, mais dans la notre elle initia, et pour longtemps, cette curieuse « révolution culturelle » qui assimile la bonté à la bêtise, la malhonnêteté à l'intelligence.
Arrivé jusqu'ici, il nous faut poser, sans fard, la question qui « tue »: mais quel est en définitive le contenu exact de notre « tunisianité » ? Est-ce notre appartenance simultanée, et je dirais juxtaposée (en strates successives), au monde méditerranéen, arabe, musulman, africain ? Sommes–nous, en fin de compte, un peuple de la mer ou un peuple des terres ? Notre particularisme est-ce le fait que nous puisions tout à la fois et plutôt maladroitement dans une culture française et occidentale en mouvement, référence absolue pour une grande partie de l'élite, ou aveuglément dans une culture arabo-musulmane quasi immuable et cependant toujours marquante et « actuelle » pour l'immense majorité des Tunisiens?
Bref, sommes-nous d'abord tunisiens et arabo-musulmans ensuite, ou l'inverse ? En somme s'agit-il simplement de géographie et d'histoire ou d'une influence plus indéchiffrable et plus complexe encore comme la culture par exemple? Je ne me risquerais pas à répondre quant à moi à de telles interrogations gravissimes par une pirouette ou par une phraséologie creuse, encore moins à répondre pour tous et au nom de tous. Chacun est appelé à remplir les cases vides, à trouver son propre point d'équilibre, son centre de gravité en quelque sorte. Mais nous devrions tous prendre conscience que ce sont nos différences qui font de nous un peuple intéressant, tolérant et agréable, non l'inverse.
C'est d'autant plus vrai que «régler une affaire à la tunisienne » n'a pas le même sens passant du Sud au Nord, du Centre au Sahel, d'un coin à un autre de notre si beau pays. Dans certaines régions, on use plus volontiers du dialogue ou de la roublardise, dans d'autres du pugilat physique ou verbal, dans d'autres encore du silence méprisant ou accommodant, dans d'autres enfin de la violente mais néanmoins légale procédure judiciaire. Ces différences de comportement et de sensibilité marquent le grand décalage des mentalités qui perdure en Tunisie.
C'est si vrai que dans certaines localités, la «normalité» est à s'agglutiner devant les bureaux des Délégués pour quémander aide et assistance, alors dans d'autres cette même attitude est bannie par la « normalité » sociale en vigueur, au point d'ailleurs où des quiproquos ravageurs se sont installés durablement entre les uns et les autres (dans ces localités on s'adresse plus volontiers aux « pays » pour régler les problèmes ou recevoir des subsides). En fait, rien n'exprime mieux nos « différences » que cette attitude, citoyenne et applaudie ici, vilipendée et rejetée la-bas.
On se méprendrait gravement sur mes propos si l'on vient à considérer que tout regard rétrospectif ou critique sur nos tares doit être perçu comme destructeur ou nihiliste, à tout hasard, et aussi sombre que soit le tableau que je dresse de certaines dérives qui nous pourrissent la vie au quotidien, je n'aimerais pas vivre ou mourir ailleurs que sur cette terre, entouré par cette autre partie de moi-même que sont mes compatriotes. En stigmatisant la lecture que certains font d'une forme dégénérée de «tunisianité», je ne fais que redonner à ma terre une infime partie de ce que cette généreuse nourricière m'a donné. Après tout, tout citoyen, vivant sur ce tout petit point de l'univers qu'est la Tunisie, a droit, tout comme moi, à l'édification de son propre musée des horreurs, à condition que l'on soit constamment habité aussi par l'idée que l'on est dépositaire, de facto, d'une parcelle de «tunisianité », authentique celle-la, parcelle qu'on doit choyer, nourrir et protéger contre toutes les pollutions et autres exégèses surannées.
Un flot de critiques s'abattra immanquablement sur moi. Peu importe si l'on prenne enfin conscience que la « tunisianité » à laquelle nous devrions tous aspirer est à l'opposé de celle dans laquelle nous avons pris l'habitude de se mouvoir depuis quelques temps comme des zombis, des zombis tristes et hargneux qui plus est. Peut être que la vraie « tunisianité » est celle que nos anciens nous ont léguée et que nous n'avons pas pu ou voulu transmettre intacte à des générations déboussolées, en quête pourtant d'un solide arrimage et d'un enivrant projet de société.
Habib Touhami


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