Au coeur de la mémoire invisible des villes, le photographe espagnol José Manuel Navia retrouve les traces de Miguel de Cervantès et rend hommage aux parcours de l'écrivain en sublimant les lieux qu'il a traversés. Une démarche fondamentalement contemporaine pour un hommage à un grand Méditerranéen... La galerie des Arts du Belvédère accueille depuis le 10 novembre et jusqu'au 2 décembre une exposition de photographies dédiées au grand écrivain espagnol Miguel de Cervantès. Cette exposition de photographies retrace les parcours et itinéraires de Cervantès, permettant ainsi de retrouver les lieux de sa vie et les traces qu'il a pu laisser. Oeuvre du photographe José Manuel Navia, cette exposition n'a pas la sécheresse documentaire d'une démarche qui consisterait à cataloguer les routes empruntées par la vie de l'auteur de Don Quichotte. En effet, il s'agit d'une démarche beaucoup plus contemporaine, d'un regard d'artiste qui entremêle sa propre subjectivité avec les chemins de vie de Cervantès. José Manuel Navia capture ainsi en 45 photos l'essence d'un parcours et parvient à suggérer la présence de Cervantès à travers des clichés à l'esthétique sobre et dont la vocation est de rendre la beauté plastique des villes et des lieux par lesquels a cheminé Cervantès. Subtils filigranes, immanence et transcendance Ce faisant, Navia nous projette dans la vie de l'écrivain qui, comme en filigrane, restructure chaque photographie, s'empare de chaque lieu. Cette méthode inductive dédouble en quelque sorte les photographies, les rend simultanément expressives d'une réalité palpable et d'une autre virtuelle. A travers ces photos, nous voyons ces villes visitées dans leur vérité et aussi dans celle, impalpable, subreptice et reconstruite de Miguel de Cervantès. Le photographe confirme sa vison et l'élargit grâce à un ensemble de citations littéraires et de textes choisis qui offrent un autre contrepoint, élargissant davantage encore la réception des images et établissant un réseau de sens qui se déploie sur trois niveaux: celui de la photographie proprement dite, celui de la présence suggérée et diffuse de Cervantès et celui des textes d'accompagnement qui ouvrent un autre réel, une nouvelle perception. José Manuel Navia a entrepris ce projet d'art contemporain à l'occasion du quatrième centenaire de Cervantès et rend ainsi un bel hommage à l'écrivain emblématique de la littérature espagnole. En effet, dans cette exposition, Cervantès est partout sans être nulle part et cela fonde l'exploit de l'artiste qui nous signifie qu'un écrivain, un artiste ou une oeuvre sont à la fois une immanence et une transcendance qui se jouent du temps et de l'espace. Le Cervantès de Navia est invisible mais paradoxalement, il n'a pas besoin d'être vu pour imprégner le monde. Les territoires successifs de Cervantès Avec cette exposition, Navia réussit à transformer ce qui aurait pu être une simple collection d'images en une série photographique qui témoigne d'une vie, ses méandres et ses territoires successifs. Le photographe nous emmène sur les traces de Cervantès, le retrouve à Naples ou en Sicile, à Tunis ou Alger, à Madrid ou en Andalousie. Ces traces de vie demeurent toutefois invisibles car seuls les lieux sont figurés, le reste devenant une affaire de dispositif et de convention tacite entre le photographe et celui qui regarde l'oeuvre, entre le lieu figuré dans la photographie et la présence assumée de l'écrivain à la quête duquel Navia entreprend son périple symbolique. Belle démarche - assurément contemporaine - d'un photographe qui connait aussi la Tunisie pour l'avoir photographiée dans le cadre du projet Kairouan, la résidence d'artistes organisée il y a trois ans par l'Union européenne. Brillant retour en Tunisie pour José Manuel Navia qui nous invite à découvrir ses oeuvres et sa démarche à la Maison des Arts pour une exposition organisée en amont par l'Institut Cervantès, Accion Cultural Espanola et la coopération culturelle espagnole en Tunisie.