Entre écoeurement et agacement, les visages étaient tendus, les humeurs maussades et les nerfs à fleur de peau. Toutes les personnes étaient exaspérées en ce deuxième jour de grève qui accapare les déplacements des habitants d'île de France. Une grève qui coûte cher à l'économie française et à l'environnement en particulier. Il y en a ceux qui ont opté pour un RTT*, ils sont restés chez eux zen et décontractés, ils ont pu échapper au calvaire. D'autres moins chanceux, étaient contraints de sortir de leurs foyers. Sur les trottoirs, les piétons s'activent pour regagner leurs bureaux ou pour atteindre leurs destinations, quant aux rues et avenues, elles regorgent de voitures et de véhicules, et l'impatience des conducteurs se traduit par des klaxons incessants. Un vacarme de bruit étourdissant les tympans des passants accroît leur peine. S'ajoutant à ce décor, les odeurs nocives que les gens aspirent, dégagées par les échappements des moteurs immobilisés dans des embouteillages interminables. Du côté de ceux qui ont choisi de persévérer et de s'armer de patience, l'irritation est à son comble. Ils attendent depuis plus de 20 minutes, ils s'impatientent pour voir un métro à quai, en vain ... Claustrophobes s'abstenir ! Une marée humaine occupe les quais. Et c'est le commencement des altercations verbales, entre ceux qui veulent descendre du métro et ceux qui ont décidé coûte que coûte de le prendre. Pire encore, un message d'information du haut-parleur de la station de métro annonce la suspension du trafic. L'espoir de regagner sa maison, d'arriver à l'heure à son rendez-vous, d'achever ses courses... tombe à l'eau. Et quand on se résigne à rentrer à pieds, encore une fois, la RATP ne facilite pas les choses...les escalators mécaniques sont hors service !! La mission devient alors plus rude : escalader ces escaliers et grimper ces trentaines de marches pour sortir de ce gouffre puisque les lignes du métro à Paris sont un réseau ferroviaire quasi sous terrain. Des fois, après avoir attendu plus de 15 minutes à 30 minutes, les métropolitains sont exhortés à quitter les stations. Un opérateur annonce dans les hauts parleurs ce « maudit » message d'information qui fait briser les leurres et rappeler que seul sur ses pieds on pourra compter ! Pour le deuxième jour consécutif, la Capitale française est handicapée de son transport en grève. L'ensemble du réseau est touché, les 13 lignes du métro, les 4 tramways, et les 5 RER sont perturbés : une rame sur dix fonctionne, les RER n'assurent pas la connexion entre Paris et les banlieues et le temps d'attente peut atteindre une heure ou deux ! Grâce à son automatisation, la ligne 14 fait l'exception. De Saint-Lazare à Olympiade, la ligne qui achemine les passagers à leurs destinations sans avoir besoin de chauffeur ce qui fait que ce tronçon n'a pas été affecté par le mouvement social déclenché par les grévistes. Et c'est à ce moment là qu'on commence à remarquer les slogans inscrits en graffitis sur les murs scandant le calvaire que les cheminots font supporter aux usagers du transport public. « Ras-le bol des grèves ! », « Ils nous cassent les pieds avec leur grève ». Des gens solitaires, désertant les quais en colère et irrités, n'hésitent pas à se faire distinguer en affichant leur mécontentement par des murmures, bruissements et marmonnements. Les plus audacieux affichent même une vindicte envers ceux qui ont voté « Sarkozy » et le message implicite fait surface : voilà un avant goût de ce qui vous attend, vous qui avez voté « UMP » !! Une fois sur les chaussées, on court, on slalome et on jure. Hâler un taxi ou louer un vélib, ce n'est qu'une chimère, il n'y en a pas !
* RTT : Réduction du Temps de Travail. Jour de repos attribué au salarié en compensation d'une durée du travail supérieure à 35 heures hebdomadaires.
L'octroi de jours de RTT est une des modalités possibles de la réduction du temps de travail. Le nombre de jours de RTT varie selon l'horaire hebdomadaire des salariés.
Lobna, architecte : « la grève risque de m'empêcher de régler mes affaires à temps. » « Fraîchement diplômée au mois de Septembre de l'école d'architecture La Villette à Paris, j'ai décidé de profiter de quelques semaines de vacances en Tunisie. Je suis retournée à Paris mardi pour récupérer des papiers de la préfecture de police et quelques papiers de mon école. Depuis mon arrivée, je suis clouée à la maison, je suis écoeurée et irritée. En plus, j'ai cru faire une affaire en voulant profiter d'une promo d'une compagnie aérienne, j'ai donc pris un billet non modifiable, je ne peux pas donc changer les dates de mon départ en Tunisie. Du coup, je dois respecter la date de mon retour même si je n'aurai pas le temps suffisant pour accomplir les tracas administratifs pour lesquels je suis venue. »
Adhra, étudiante : « Ce double mouvement social (transport - étudiants ) nous cause un énorme tracas. » « J'habite en banlieue parisienne et je prends le RER A pour arriver à ma faculté. Je dois être à 8heures assise sur les bancs pour assurer ma présence aux cours. Mais quand j'arrive devant mon institution, il faut encore faire face à une autre grève. Le blocage des facultés ! Les professeurs maintiennent les cours, ce double mouvement social ne fait que compresser l'année scolaire qui devait commencer en octobre et s'achever en mai, et puis avec les partiels à l'approche, les étudiants supporteront l'impact de ces retards. Hier, j'ai marché de la station 'Châtelet' à 'Luxembourg', en rentrant chez moi, je n'avais qu'une seule idée en tête : me reposer !! En temps normal, c'est déjà très fatigant, que dire dans ces circonstances ! C'est même révoltant surtout lorsqu'en parallèle des cours, des révisions et des leçons, l'étudiant travaille pour assurer ses besoins, il faut donc qu'il cavale les quatre coins de Paris. »
Waâd, étudiante : « Les gens font des bras et des pieds pour arracher leur place au prochain métro. » « Cette ambiance anarchique, confuse et aberrante me plonge dans une 'douce' nostalgie à l'époque où j'étais en Tunisie, particulièrement les premières années du lycée. C'était pareil à ce décor. Les gens font des bras et des pieds pour arracher leur place au prochain métro. Au lycée c'était le bus, et je me souviens que le respect, la politesse et les bonnes manières s'effaçaient à la vue du bus, au menu : bousculade et querelle parfois même des injures. Chacun veut se frayer un chemin, arracher une place pour monter à bord. Depuis deux jours, les grèves du transport m'ont plongée dans les souvenirs des années 'lycée' et une exquise nostalgie. Et vu que j'en ai assez qu'on me marche sur les pieds et qu'on me froisse comme une éponge, j'ai rangé mes talons aiguilles pour chausser des espadrilles confortables en espérant que cette perturbation ne durera pas assez longtemps. »