L'assassinat de l'ingénieur tunisien, Mohamed Zouari, le 15 décembre 2016 à Sfax, est un drame qui vient ajouter une note d'inquiétude à la situation sécuritaire dans le pays et susciter une polémique, encore une, dans laquelle les « experts » foisonnent comme des champignons en l'absence d'une information officielle objective et crédible. En effet et dans le cas d'espèce, plusieurs heures durant, la confusion a été totale, les autorités officielles parlant d'un meurtre comme il en arrive, désormais, de temps à autre dans les quatre coins du pays. « Une affaire de droit commun », a persisté à affirmer la porte parole des tribunaux de Sfax et vice-procureur général à la Cour d' Appel de Sfax, Mourad Turki. Plus encore, il a tenu à préciser que jusqu'à présent le caractère terroriste n'a pas été attribué à l'affaire de l'assassinat de Mohamed Zouari. « A priori, la qualification juridique du caractère terroriste de cette affaire n'est pas envisageable pour le moment, a-t-il dit en substance avant d'ajouter « que généralement cette attribution se fait à l'issue de toutes les investigations faites par le juge chargé d'enquêter sur le dossier qui demeure le seul à pouvoir lui attribuer ou non un caractère terroriste ». Pourtant, moins de 24 heures après l'assassinat, le journaliste, Borhène Bsaïes a donné le ton à la tournure prise par l'affaire en révélant l'implication directe des services de renseignements israéliens « le Mossad » tout en levant le voile sur la véritable activité du défunt au sein de la résistance palestinienne à Hamas. Des propos qui ont été confirmés et corroborés, par la suite par un communiqué officiel des phalanges « Ezzeddinz Al Qassem », branche armée de Hamas. Après une réunion extraordinaire tenue, hier matin, entre Youssef Chahed, chef du gouvernement d'union nationale avec les ministres de l'Intérieur et de la Défense, il a été convenu de donner une conférence de presse – la première officielle – afin de communiquer, enfin, sur les différentes péripéties de cette affaire. Ce qui a été d'ailleurs fait hier (voir notre compte-rendu) Entretemps, les services du ministère de l'Intérieur ont fait leur travail en parvenant à arrêter pas moins de huit personnes, liées, de près ou de loin, au meurtre, en l'occurrence, notamment, les deux conducteurs des voitures, les propriétaires des agences de location de véhicules ayant servi au transport des tueurs, une journaliste-camerawomen et son proche, retournés en Tunisie en catastrophe après leur départ juste après l'assassinat. D'autres exécutants ou complices ont été, également, identifiés, dont notamment un ressortissant de nationalité belge et d'origine marocaine, sachant que ce beau monde travaille pour le compte d'une présumée société de production étrangère (hongroise, paraît-il) qui aurait commandé un documentaire sur la vie du défunt ingénieur et président du Club d'aviation de Sfax. Or, si le ministère de l'Intérieur a relativement bien communiqué sur l''affaire, celui de la Justice l'a fait avec beaucoup de maladresses, alors que la présidence de la République et celle du gouvernement se sont illustrées par un manque total d'informations à part une brève déclaration laconique de Youssef Chahed qui a promis de faire toute la lumière sur les tenants et aboutissants de ce dossier. Sachant que le chef de l'Etat est le premier responsable de la sécurité du pays. N'est-il pas le président du Conseil national de la sécurité ? Que d'extrapolations ! Tout ceci reste du domaine de la gestion politique et médiatique de l'affaire, mais là où le bât blesse, ce sons les extrapolations, voire les élucubrations des uns et des autres autour de ce crime abject puisque certains ont vite fait d'y voir une retombée du départ du directeur général de la Sûreté nationale sans réaliser que l'assassinat se planifiait et se préparait du temps où Abderrahmane Haj Ali était encore à son poste. D'autres ont « fustigé » une atteinte à la souveraineté nationale. Il s'agit là d'un fait qui peut être qualifié en tant que tel, mais ils oublient que, selon les circonstances et les premières données sur le crime, l'éventuelle lacune pourrait être due au manque voire l'absence de véritables structures de renseignements. Comme l'a d'ailleurs mentionné Ridha Sfar, ancien ministre chargé de la Sûreté nationale du temps du controversé ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, imposé par Ennahdha au chef du gouvernement de l'époque, Mehdi Jomâa. M. Sfar estime, à ce propos, qu'il est temps de réhabiliter ces services, sans fonctionner, toutefois, comme ils le faisaient du temps de Ben Ali mais dans le cadre d'une institution républicaine et citoyenne. L'ex ministre a noté que les institutions sécuritaires sont en phase de reconstruction et il n'a pas nié la fragilité du système actuel. «Nous devons mettre en place un service de renseignement fiable. La Tunisie n'a pas opté pour l'installation des renseignements mais actuellement la mise en place d'une structure pareille doit être établie, surtout dans l'optique d'un probable retour d'un certain nombre de Tunisiens se trouvant, actuellement, dans les zones dites de conflit et de tension». L'autre volet de la polémique touche à la diffusion d'un documentaire par la chaîne de télévision israélienne « 10 New » dont le journaliste correspondant se trouvait sur les lieux et même à l'intérieur du domicile de la victime ! Il n'en fallait pas plus pour qu'un véritable tollé soit soulevé tout en accusant les autorités officielles de tous les maux et en évoquant de nombreux points d'interrogation. Comment ce correspondant est-il entré en Tunisie ? Comment a-t-il pu obtenir les accréditations et les autorisations nécessaires pour effectuer ledit reportage ? Comment a-t-il pu obtenir le signal satellitaire pour faire un passage en direct ? Y a-t-il eu des complicités ? Si oui, à quel niveau ? C'est dire qu'une enquête sérieuse et crédible devrait être menée de ce côté-ci afin de voir plus clair dans ces zones d'ombre qui font semer le doute et suscitent les inquiétudes dans les esprits du simple citoyen et des hommes de médias tunisiens En tout état de cause, l'affaire prend de l'ampleur et peut cacher les pires hypothèses, d'où l'impératif d'opter pour la transparence et la clarté. C'est dans ce genre de situations, entre autres, que le pouvoir peut gagner la confiance de l'opinion publique ou la perdre. Et dans ce dernier cas, ce serait fort déterminant pour la suite du bail du gouvernement d'union nationale.