Sfax a vécu dernièrement deux évènements dramatiques très graves qui lui ont été imposés, mais qui marquent d'une pierre noire l'histoire récente de la vieille métropole du Sud, élue pour 2016 capitale de la culture arabe. Le premier événement est constitué par l'assassinat de l'ingénieur Mohamed Zouari par très probablement un commando du Mossad israélien, impliquant également des Tunisiens comme complices. Nous ne connaissons pas M. Zouari, mais nous condamnons son meurtre et les auteurs de ce crime qui nous narguent depuis Borj Cedria et continuent à le faire aujourd'hui, dans une ville que nous aimons depuis toujours ! Cet assassinat n'a rien à voir évidemment avec l'événement qui nous a émus aussi au plus haut point et qui est question de l'atteinte à la liberté de création et d'expression lorsque les autorités culturelles régionales de Sfax ont interdit une manifestation d'art dans la bonne ville de Sfax. Cette interdiction a sonné pour nous comme sonne le glas pour la culture et pour l'art dans une ville que nous adulons et qui est élue justement capitale de la culture arabe pour 2016. Nous refusons d'établir la symbolique de la correspondance troublante, certes, entre les deux événements mais qui reste fortuite. Le destin de Sfax ne peut pas être lié à ces deux évènements. Sfax, tout aussi spécifique qu'elle paraît est une ville profondément ancrée dans notre histoire tout aussi bien ancienne que moderne. Sfax reste pour nous, la ville de la liberté, de nos libertés, la ville de nos luttes tout aussi bien politiques, sociales que démocratiques. La ville de Hached, de Chaker, des dockers communistes, des syndicalistes, de Achour et de Ahmed Tlili, ne peut pas basculer dans l'arbitraire, parce que quelques artistes reconnus administrativement comme tels l'ont voulu et l'ont proclamé. Sfax, la ville de la liberté, ne peut pas devenir le tombeau des libertés générales et des libertés de pensée, de création et d'expression. Le rôle répressif qu'on lui administre aujourd'hui ne lui va pas. Elle ne peut pas réduire son histoire à être celle d'un vivier de l'intolérance, du terrorisme et de la violence. Les quelques magouilleurs, pseudo-artistes, les mêmes depuis les événements d'Al Abdelliya et qui essaient depuis de limiter, restreindre, en fait, de nier et d'anéantir nos libertés de création et d'expression. Le projet est ancien, ses formes seulement changent. La nostalgie de reprendre les vieilles recettes anti-démocratiques pour imposer le silence et la censure est toujours présente. Elle est aujourd'hui actualisée régionalement par la délégation régionale de la culture de Sfax, répercutant les volontés de l'autorité de tutelle très promptes à réprimer toutes les voix libres de notre pays à défaut de pouvoir les corrompre. L'événement... l'annulation d'une exposition d'art L'évènement, objet de notre article d'aujourd'hui, a été déclenché par l'annulation d'une manifestation artistique d'ordre international qui devait illustrer l'événement Sfax, capitale culturelle arabe pour une exposition d'art d'envergure. Les différentes parties impliquées sont restées unanimes pour organiser l'exposition et pour la réaliser dans des espaces convenus. Les différentes parties qui ont entrepris l'action sont une association « Contact Art », une association tunisienne qui était associée au Salon d'automne international (SAI), transfuge du « salon d'automne » (S.A). Le salon d'automne de Paris créé en 1903 et qui a joué un rôle important dans l'ancrage et l'expansion de l'art impressionniste et moderniste en France et en Europe. La manifestation, dont la tenue à Sfax était prévue le 3 décembre et qui devait durer jusqu'au 25 décembre 2016, était promue par « Contact Art », des artistes non sfaxiens, non membres de l'UNAP, des artistes indépendants même s'ils ont à un moment appartenu à une organisation parallèle à l'Union, ou à leurs alliés du Syndicat. La manifestation, telle qu'elle a été promue était difficilement envisageable. L'Union des artistes presque « monopole de l'art » ne permettait pas que la chose puisse se faire... à Sfax, la ville de la nomenclature artistique sfaxienne pour ne pas dire autre chose de plus insultant pour l'art... La manifestation n'a pas eu lieu ! Elle ne pouvait pas se tenir, le ministère de tutelle, garant des libertés, s'en lave les mains et ne voulait pas se prononcer. Il avait déjà choisi son clan, celui des consœurs ! Les arguments avancés ont été livrés par Amor Ghedamsi pour justifier l'annulation... ne suffisent pas à convaincre. Les prétextes nous paraissent seulement sous forme de volteface artificielle pour arrêter, anéantir les efforts indépendants pour produire l'art, la liberté dans notre pays. La domination presque unilatérale des arts en Tunisie provoque des glissements vers la dictature d'un clan antidémocratique à relent régionaliste qui nous rappelle les pratiques des années de braise de la dictature et qui préconise un art médiocre, mais sans aucune envergure esthétique dans sa grande majorité et sans aucun lien ni avec, les luttes d'émancipation des hommes et des femmes pour les libertés ni avec nos luttes contre l'obscurantisme et le terrorisme (voir notre article sur le journal Le Temps, à propos de l'exposition de l'Union de 2015). Nous ne voulons pas ici, discuter de la fameuse « normalisation » . Cela nous parait surfait, oiseux. L'évocation de cette « loi » non promulguée est explicitement et implicitement illégale. Elle est sujette à caution. Nous la refusons. Elle est en outre, très dangereuse pour nos libertés... des libertés chèrement acquises du reste. Nous restons très liés cependant à des artistes chercheurs sfaxiens qui nous ont toujours ébahis par la qualité de leurs recherches et travaux et qui ne se laissent pas emprisonner par les pratiques picturales « balbouse » ou celles niaises des pseudo-artistes à la Gharsallah. Nous sommes très attachés à ceux des artistes comme Aloulou, Raouf Karaï, aux céramistes Houda Ghorbel, Hachicha, à la petite photographe, Ameni Zammit, à Khaled Abida... et à tous les artistes comme Majed Zalila ou Wissem El Abed, à Sami Triki, à Krid Abdelaziz, à Mohamed Njeh, à Adel Megdiche. A tous les artistes, je rends hommage et leur demande de sauver les libertés de création et d'expression, de Sfax et de Tunis, face à ces ogres de l'ignorance qui veulent réduire Sfax, en une ville de l'intolérance et de la coercition. Sfax restera la ville de l'art et de la liberté, malgré les ennemis de la liberté.