Un colloque portant sur le thème «Application de la loi organique n°2016-61 du 3 août 2016 relative à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes» s'est tenu hier à l'initiative du ministère de la Justice et du Conseil de l'Europe. L'occasion de présenter les membres de l'Instance nationale de lutte contre la traite des personnes, nouvellement mise en place et de lancer, notamment grâce à un échange d'expériences d'autres pays tels que la Belgique, la Serbie et le Maroc, des pistes de réflexion sur les moyens de renforcement de capacités des différents acteurs nationaux à travers la sensibilisation et la formation. Des modules de formation de formateurs sur la traite des êtres humains seront d'ailleurs organisés tout au long de l'année 2017. La traite des êtres humains est une violation des droits humains qui désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes aux fin d'exploitation à travers des moyens illicites comme l'abus de vulnérabilité, la fraude, les menaces ou le recours à la force. Ce crime transnational touche tous les pays aussi bien en tant que pays d'origine, de transit ou de destination. D'après les statistiques de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le monde, plus de 800 000 nouvelles victimes seraient concernées chaque année, principalement des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des migrants. Un trafic juteux D'après l'ONU et le Conseil de l'Europe, la traite des êtres humains générerait environ 32 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel aux trafiquants et constituerait la troisième forme de trafic la plus répandue au monde, après le celui de la drogue et des armes. En Tunisie, le 21 juillet 2016, l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) avait approuvé, à l'unanimité, l'adoption de la loi relative à la prévention et à la répression de la traite des personnes. Cette loi compte 66 articles et est conforme aux engagements internationaux de la Tunisie et aux exigences des standards internationaux auxquelles la Tunisie a souscrit, notamment au regard du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée, ratifié par la Tunisie en 2003. La Tunisie hautement concernée Concernée aussi bien en tant que pays source, mais aussi de destination et potentiellement de transit, la Tunisie s'est activement impliquée depuis des années pour lutter contre ce fléau. Outre la ratification des conventions internationales, l'Etat s'est engagé à se doter d'un cadre juridique adéquat, visant à identifier, prévenir, réprimer et punir les différentes formes de la traite humaine en plus de mettre en place une Instance nationale qui veillera à la bonne application de ce texte de loi en plus d'œuvrer à la mise en place d'une stratégie de lutte contre la traite des personnes. Elle est composée d'une dizaine de membres, représentants de différents ministères, d'un expert médiatique et de deux représentants de la société civile. La Présidente Raoudha Laâbidi explique les objectifs et les priorités immédiates de l'Instance: « L'Instance nationale de lutte contre la traite des personnes n'est pas partie de zéro. Elle vient en continuité à l'Instance provisoire qui a mis en place des plans d'action entre 2014 et 2016. L'objectif désormais est de mettre en place une stratégie efficiente et pérenne de lutte contre la traite des personnes mais pour cela, il faudra établir une base de données recensant tous les cas de traite en détail. En effet, l'absence jusqu'à ce jour de statistiques empêche de connaître l'étendue et les spécificités de ce domaine. » Concernant les différentes missions de l'Instance, Mme Laâbidi souligne que « les victimes de traite des personnes ont des profils variés. Les cas les plus fréquents sont ceux d'exploitation sexuelle, de travail illégal ou de trafic d'organes. L'Instance a pour mission de prendre en charge totalement les victimes et de les défendre devant la justice. Notre rôle consiste aussi à échanger des informations avec les pays frontaliers pour pouvoir intervenir à temps des deux côtés. Enfin, nous devons assurer la formation des formateurs et d'un maximum d'intervenants et d'acteurs nationaux afin de les sensibiliser à cette cause. » Devant les cas avérés de traite de personnes aussi bien concernant l'emploi illégal des mineurs que l'exploitation des femmes et des migrants, nul doute que cette instance aura du pain sur la planche. Espérons seulement qu'elle ne fera pas face à des zones de turbulence comme c'est le cas pour l'Instance Vérité et Dignité ou encore à des difficultés financières handicapantes telles que rencontrées par l'Instance nationale de prévention contre la torture.