Les mouvements sociaux se poursuivent de plus belle malgré les appels des différentes parties prenantes à la sagesse et à la retenue pour faire baisser la tension suscitée par le remaniement ministériel partiel et les journées, dites, de colère organisées par les deux syndicats généraux de l'enseignement secondaire et primaire, sans oublier « l'invitation » du dossier de la privatisation des banques pour ajouter aux clivages entres les forces en présence. Sans parler des revendications, par ailleurs légitimes, et autres arrêts du travail, de la production et de l'activité en général dans certaines localités. On aura tout vu et entendu lors des rassemblements observés par les enseignants devant le ministère de l'Education et le Palais de la Kasbah avant de se rendre à la Place Mohamed Ali. Avec Lassâad Yaâcoubi en tête suivi par Mastouri Gammoudi, les manifestants ont qualifié le ministre de l'Education, Néji Jelloul, de « collabo » tout en lui lançant l'inévitable « Dégage ! ». «Vers la sortie, ministre des graines de Nigelle ! », « Ton limogeage est le début de la réforme !» ou encore « Non aux conditions du Fonds monétaire international!», « Pars ministre de l'échec ! », pouvait-on lire sur les pancartes et les banderoles brandies par les protestataires, les mêmes qui ont d'ailleurs été affichées lors de la manifestation de novembre 2016. Ainsi, en dépit des affirmations catégoriques du chef du gouvernement qui a, lors de son interview de dimanche 26 février dernier, crié haut et fort que seul, lui, peut décider d'un éventuel limogeage d'un tel ou autre ministre, Lassâad Yaâcoubi continue à exiger le départ de Néji Jelloul comme une condition sine qua non pour mettre un terme aux actions de protestations. C'est dire que M. Yaâcoubi semble prendre ses désirs pour des réalités tout en manquant de tact dans ses revendications aux relents personnels sans oublier, et on ne le répètera jamais assez, qu'il est l'auteur de la tristement célèbre injonction aux Tunisiens pour « aller boire l'eau de la mer » sans qu'aucun responsable de la Centrale syndicale ne daigne le rappeler à l'ordre et le désavouer en public. D'ailleurs, un petit tour à travers un certain nombre d'établissements scolaires fait ressortir un ras-le-bol généralisé ou presque chez les enseignants grévistes qui ont « peur » de Lassâad Yaâcoubi and Co s'ils osaient ne pas obéir aux mots d'ordre de débrayer. Un grand nombre d'entre eux sont pris d'une psychose vis-à-vis du syndicat qui exerce, sur eux, une pression terrifiante, pour ne pas dire autre chose. Confusion et protestation tous azimuts Le comble, c'est la confusion que veut faire régner la Centrale syndicale en faisant mélanger les différentes questions pour en faire un volumineux dossier unifié où on retrouve la colère contre le limogeage du ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, et son remplacement par un haut responsable de la Centrale patronale, Khalil Ghariani et contre l'annonce de l'éventualité de vente de parts dans les trois banques publiques, en l'occurrence, la Banque nationale agricole (BNA), la Société Tunisienne de Banque (STB) et la Banque de l'Habitat (BH). D'autre part, les différents dirigeants de l'UGTT semblent jouer une partie de cartes soufflant le chaud et le froid avec une répartition des rôles pour créer une atmosphère de tension et de déstabilisation. Si le secrétaire général, Noureddine Taboubi, prône, en apparence, l'apaisement et la sagesse, ses adjoints, notamment, Sami Tahri et Samir Cheffi, optent pour l'escalade en versant de l'huile sur le feu lors de leurs tournées à travers les plateaux radiotélévisés. En effet, l'UGTT propose à Youssef Chahed de revenir sur sa décision désignant Khalil Ghariani au sein du gouvernement pour espérer un retour au calme. Ni plus, ni moins. Le hic, c'est qu'on entend des protestations et des critiques, parfois carrément des diffamations gratuites, sans que la moindre proposition constructive ne soit avancée. Il faut dire que les contestations et les remarques de l'UGTT ne sont pas dénuées de tout fondement, mais on lui reproche d'être négativiste et de prôner l'escalade notamment en cette période fort délicate, toute de menaces sur la situation économique et ses éventuelles retombées sociales. Ceci a fait que de nombreuses parties et autres personnalités nationales lancent des appels à la raison et au dialogue et pourquoi pas, une trêve sociale nationale limitée dans le temps assortie de conditions d'ordre social et une obligation de résultats, même limités. De quoi faire renaitre l'espoir... Car, jusqu'à présent, faut-il le reconnaître, l'équipe gouvernementale a fait du sur place avec des indicateurs au rouge au niveau des divers secteurs économiques et sociaux. Gérer le quotidien, éteindre les feux ne sont pas à même d'aider à assoir cette démarche, si nécessaire au redressement, faite de réformes et de sacrifices partagés par tous sans exception. Les sages sauront-ils faire entendre leurs voix pour faire arrêter l'hémorragie avant qu'il ne soit trop tard ? Pour cela, il faudrait que chaque partie joue son rôle et assume ses responsabilités, l'objectif étant de faire régner la clarté pour pouvoir avancer sur la bonne voie, car il y va de la réussite de tout un modèle qui se veut un exemple en matière de transition démocratique. Mais la menace continuera à peser sur ce processus si la dégradation de la situation économique et financière se poursuivait et si la tendance revendicative à outrance ne s'arrêtait pas. C'est dire que toutes les parties sont mises dos au mur pour faire bouger les choses et relancer la dynamique économique nationale. Le pouvoir à La Kasbah, les partis politiques, les syndicats, la société civile ainsi que le citoyen sont tenus de saisir la gravité de la situation actuelle afin d'y remédier, repartir du bon pied et redonner espoir au peuple tunisien pour un avenir meilleur et prometteur. A défaut de quoi, ça sera l'échec total, la catastrophe et le désastre...pour tous.