Artiste poétesse et pédagogue musicale suisse à la sensibilité humaine remarquable et profonde, Nicole Coppey que l'on croise souvent en Tunisie et particulièrement dans le Sud, étend ses multiples activités pédagogiques et artistiques, de l'échelon local au réseau international, à l'interaction des arts. Elle fonde en 1997 sa propre école d'art musical, privilégiant la création et l'expression artistique par une conception pluridisciplinaire de l'art, reliée aux fondamentaux de l'être humain. Cette philosophie intègre également, le travail musical et artistique avec les personnes handicapées. Nicole Coppey développe son action pédagogique par des collaborations et échanges réguliers avec de grands musiciens, artistes et pédagogues de renommée internationale. « Comme pédagogue musicale et poétesse, précise-t-elle, je me suis toujours laissée interpeler par la transmission. Il y a 20 ans, j'ai ouvert ma propre école d'art musical (www.123musique.ch), dans laquelle je prône une philosophie globale de perception et de transmission... Les textes de mes poèmes sont le fruit philosophique de ma pensée, mettant en œuvre des perceptions nuancées et subtiles, développant ainsi les perceptions dans le monde... ». Entretien. Le Temps : que vous a-t-elle inspiré la Tunisie, et particulièrement son Sud ? Nicole Coppey : La Tunisie a été pour moi, une source certaine d'inspiration. La notion du temps y étant différente, j'ai pu y vivre paisiblement et écouter la voie intérieure. Plus je l'écoutais, plus j'écrivais. J'étais comme l'intermédiaire d'une voix céleste, j'étais inspirée... J'ai tourné des vidéos poétiques autant dans le Sud que dans le Nord de la Tunisie mais le Sud a été particulièrement bienfaisant car le désert est pour moi une ressource... Le son du sable, le silence, le souffle, l'infini, oh... comme j'aime cela ! Ces éléments naturels résonnent en moi. Plus la nature est en vibration, plus elle m'inspire la simplicité, le vrai, le juste, la tranquillité... * Une Maison d'Edition tunisienne, « Arabesques », vous a édité un bel ouvrage, pourriez-vous nous parler de cette expérience ? -J'ai été très heureuse de pouvoir éditer avec la Maison d'édition "Arabesques" par son directeur Moncef Chebbi. Il sait défendre de belles valeurs vers la beauté et ses idées me plaisent. Notre livre « Souffle d'or sur une mer rouge » (2013), est un bel ouvrage sur plusieurs plans ; le format, le papier, la texture, la couverture, etc... Au-delà de cela, Moncef Chebbi a accepté mes idées poétiques novatrices qui ont fait de cette parution, une première mondiale, je pense. Je m'explique. Après l'écriture des textes poétiques, je les dessine sous forme de calligrammes, j'enregistre mes poèmes et réalise de petits films. Chaque poème dans son édition, est donc accompagné par un code graphique menant vers le poème filmé. En scannant ce code, on peut voir et entendre le poème dit par moi-même. L'ouvrage qui réunit donc le poème écrit, dessiné, déclamé et illustré, est complété par l'insertion d'un DVD de l'ensemble des vidéos. En acceptant d'éditer non seulement le texte mais aussi les calligrammes et le lien vers l'audio-visuel, Moncef Chebbi a donc réuni dans un seul ouvrage, tous les aspects de la démarche. Je dois vous avouer que s'il n'avait pas accepté une de ces étapes, j'aurais certainement refusé d'éditer. Son ouverture d'esprit et son intelligence m'ont apporté sur ce plan, une grande satisfaction. Je pense d'ailleurs que notre recueil poétique devrait être distribué dans les écoles de Tunisie car la transmission de cette poésie est vivante et stimulante. *Comptez -vous poursuivre pareille expérience ? -Le projet que je mène actuellement, est un projet d'exception, et j'aimerais beaucoup qu'il soit édité chez "Arabesques" car je pense que Moncef Chebbi a l'intelligence pour saisir l'essence de ce projet artistique et culturel. * Vous venez de terminer le montage d'un documentaire sur les vingt ans de votre école de musique ; un documentaire où sont évoquées, votre démarche poétique mais aussi, l'empreinte de la Tunisie à travers ses paysages et ses parfums. Racontez nous cette nouvelle aventure. -En effet, il y a 20 ans j'ai ouvert ma propre école pédagogique d'art musical et j'y défends des valeurs fondamentales. La démarche n'est pas uniquement musicale mais aussi globale. Plusieurs arts y sont insérés comme, la danse et la poésie. La vision est large et multidimensionnelle. En soi, je reste persuadée que l'art doit être élevant. Il s'agit donc là, d'une démarche profonde nous menant vers la beauté. Pour les 20 ans de mon école, il a été une priorité de faire connaitre pourquoi et dans quelles perspectives l'école a été ouverte. A travers ce documentaire, j'ai donc mis en lumière, la philosophie et la pédagogie de l'école, considérant que la dimension suprême de la musique, de la poésie et de l'art, doivent être une source profonde ... Je reste persuadée que l'école doit jouer un rôle clair pour la formation globale de la personnalité, faisant croître un être humain structuré, affirmé et créatif. La musique (la bonne musique), est ressentie et intégrée dans le bonheur. Ses vertus mènent la personne vers la notion d'écoute, de respect et de beauté, tout comme la poésie, la danse et les autres arts. Nous y travaillons aussi beaucoup, « l'audition intérieure » et l'écoute de la voix intérieure. Le silence est prôné comme fondamental. Pour cela, entre autres, je me suis beaucoup ressourcée au désert, dans le Sud tunisien. J'en ai ramené des émotions et des sentiments vécus: le calme, le recueillement que j'ai trouvés dans votre pays, m'ont été utiles pour la transmission. Je pense qu'on transmet ce qu'on est. J'ai inséré dans ce documentaire, plusieurs images fortes et stimulantes du Sud tunisien. On y voit le désert, le Chott El Jérid, (j'aime tellement le Chott, tout comme le désert), ainsi que des paysages forts pour moi. Les personnes qui ont vu le documentaire, ont ainsi pu découvrir ma démarche, car jusqu'alors, elle était restée très discrète. La plupart de ces personnes ne savaient pas que j'étais allée souvent au désert et au Chott; elles ont aussi découvert tous mes calligrammes de poèmes écrits en relation avec la Tunisie, c'était pour elles, une véritable découverte. Je suis vraiment heureuse d'avoir pu intégrer dans le documentaire, ces belles images révélatrices de ma vie intérieure. Nous avons eu tant de monde intéressé à voir ce film que les trois projections prévues du documentaire ont dû être complétées par deux projections supplémentaires. Ces images de la Tunisie ont donc bien circulé et beaucoup d'enfants se sont ensuite fournis des calligrammes poétiques de mes films tournés au désert et en plusieurs endroits de la Tunisie. Je suis vraiment très heureuse d'avoir pu montrer tout cela. * Tout votre travail sur la Tunisie trouve-t-il assez d'écho auprès de vos compatriotes, surtout que par les temps qui courent, les médias occidentaux ne diffusent que des images négatives sur le monde arabo-musulman ainsi que des infos basées sur des préjugés et des faux clichés, dénués de tout fondement ? -Comme je l'expliquais précédemment, montrer ces belles images de votre pays a permis à la plupart du public suisse, de les découvrir et a même créé l'enchantement car la beauté des paysages de la Tunisie laisse sans voix. Le Chott El Jérid a toujours été pour moi, le trésor du monde. Pas une seule fois, je n'ai pu venir à Tozeur sans aller voir et revoir le Chott El Jérid... Dans le Chott, il y a tout...... il se transforme et évolue... Il est comme le cœur du monde, le cœur d'une personne ; il évolue avec ses couleurs, ses formes. Il est ma force, il doit être votre force. Il faut aller chercher ses forces intérieures pour rebondir, Il faut s'inspirer du Chott avec le Chott. Les jeunes Tunisiens doivent œuvrer en confiance et pour la confiance. Le Tunisien a l'âme et le cœur forts. Fermons les yeux, réfléchissons, montrons des exemples de vie... Les jeunes doivent former les suivants, trouver la force, se diriger vers une œuvre pour montrer au reste du monde, que des actions de fond sont menées. * D'autres projets en attente, lesquels ? -Oui, beaucoup...mais je répondrais par mon poème « Une berbère », tourné dans un village berbère en Tunisie : « Je suis le chemin du vent de la lune et du soleil du souffle de l'esprit et des nuages des étoiles de l'univers et de l'infini du rien du tout et du pourquoi de l'affection de la tendresse et de l'amour de l'Amour... de l'Amour... et de l'Amour... Suis-je une berbère prière... » Et aussi, par mon poème « Je suis une nomade », tourné dans le désert du Sahara, tous deux édités par « Arabesques » de Moncef Chebbi : « Je suis une nomade planant au gré du vent volant au chant des branches tourbillonnant dans l'air du temps Je suis une nomade colorant l'imaginaire du chemin au levain priant le souffle de l'esprit amoureuse de l'invisible visible Je suis une nomade errante Je suis une nomade sensible à la présence des archanges soufflant l'essoufflement du rien de la poussière et du néant Je suis une nomade frondant les caresses du ciel au son des voiles Je suis ne suis...je suis... le chemin divin..."