Tout s'est déroulé à merveille pour les intégristes de Hizeb Ettahrrir après qu'ils aient tranquillement tenu leur congrès annuel au siège central du parti à l'Ariana. A part une importante présence policière, les congressistes n'ont pas été dérangés dans leurs travaux. Ainsi, environ trois cent personnes ont scandé des slogans appelant à l'instauration de l'Etat du califat, le tout rythmé par des chants religieux. Il ne s'agit certes pas d'une première puisque le même parti a tenu, l'année dernière, un congrès pareil, le Tribunal administratif ayant rejeté la demande du ministère de l'Intérieur qui voulait interdire le rassemblement. Depuis, bien de choses ont changé et l'existence même d'Ettahrrir est devenu un défi direct et menaçant à l'Etat civil. Il y a en effet quelques semaines, les dirigeants de ce parti islamiste ont ouvertement appelé leurs jeunes partisans à une sorte de désobéissances à l'encontre des policiers. Cet appel est survenu après qu'Imed Haddouk, porte-parole du parti, ait assuré, au cours d'une conférence de presse, que les agents de l'ordre menaient une vraie chasse aux sorcières à l'encontre de leurs jeunes. Selon l'intéressé, la police fabriquait des affaires de toute pièce afin de pouvoir oppresser et emprisonner les jeunes en question. Des jeunes qui ont été appelés à ne plus se soumettre aux ordres des agents et à organiser une série de sit-in devant les différents postes de police. Le 20 mars dernier, et pendant que les officiels célébraient le 61e anniversaire de l'Indépendance, Hizeb Ettahrrir a fait propager, à coup de tracts et de banderoles, son idée de faire abolir l'Etat civil et la démocratie au profit du califat. Des projets le moins que l'on puisse dire indignes de notre Histoire, en cette date hautement symbolique. Invité sur l'un des plateaux télévisés pour s'expliquer sur l'incident, Mohamed Megdiche, un autre dirigeant au sein de ce parti, avait critiqué la teneure de la nouvelle Constitution en expliquant que seuls le coran et la sunna peuvent organiser le quotidien du peuple. Enchaînant sur ces idées, il a assuré qu'une fois au pouvoir, son parti interdira toutes les entités politiques laïques et toute Constitution ou Etat qui ne proviennent pas de la charia. Après ces propos, le ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l'Homme, Mehdi Ben Gharbia, a assuré que le gouvernement a envoyé un avertissement au parti concerné qui n'a pas été pris en compte. De ce fait, le gouvernement a déposé une plainte judiciaire afin que ses activités soient suspendues. Le hic c'est que ce genre de promesse a déjà été formulé par le gouvernement précédent, présidé par Habib Essid, qui avait même déclaré avoir en sa possession des preuves matérielles impliquant le parti en question dans les incidents de violences survenus, en 2016, dans l'île de Kerkennah. Depuis, plus personne n'a entendu parler de cette affaire et ces « ennemis » de la Constitution continuent de mener la vie dure à l'Etat. Certains pensent que le gouvernement traîne pour prendre les mesures nécessaires à leur encontre, puisqu'il vaut mieux ‘les laisser travailler au grand jour pour pouvoir les contrôler' D'autres, en revanche, assurent que le parti est devenu une sorte de bombe qui risque d'exploser à tout moment et qu'il vaut mieux donc pas trop lui approcher. Dans les deux cas de figure, la continuité de ce parti et de ses activités ne peut que renvoyer une image négative témoignant d'une fragilité sans précédent de l'Etat. Et dire qu'ils utilisent la démocratie comme une passerelle pour détruire justement la démocratie...Le comble c'est qu'on laisse faire...