La localisation du « Grenier de Rome » : « Les Grands Champs » : voilà un problème qui a suscité - suscite encore ! - bien des controverses ! Pourtant, à notre avis, la solution est évidente. Le romain Salluste, auteur de « La guerre de Jugurtha » et bon connaisseur du pays qu'il a gouverné en 46 avant J.C., a écrit que : « Béja / Vaga était le plus riche marché de la Numidie ». L'histoire « arabe » de la Tunisie relate que la « Wilaya » de Béja, était une des plus riches et des plus convoitées. Alors, pourquoi les « exégètes parisiens » situent-ils « les Grands Champs » dans la plaine de Jendouba ? Pourquoi « leur » « grenier de Rome » n'a-t-il pas engendré la fondation de gros bourgs agricoles à sa périphérie à part Bulla regia fondée par les Numides ? Jendouba et Bou Salem sont des créations coloniales. De plus, les terres environnantes lourdes, argileuses et gorgées d'eau - un village situé en leur centre qui s'appelle « La Merja » n'a été drainé que dans les années 70 ! - étaient périodiquement submergées par les crues de la Medjerda qui y creusait, à sa fantaisie, des méandres qu'elle abandonnait quelques années plus tard. Aurait-on déjà oublié que ces terres ont commencé à être exploitées rationnellement quand M. Maurice Cailloux, agriculteur à Bou Salem a introduit les premiers tracteurs en Tunisie au début du XXème siècle ? Le « Grenier de Rome » est donc, à notre avis, les plaines du Béjaois.
L'accueil « Aïn Es Sid », la source du lion, qui s'y trouve, est une grande demeure « coloniale » construite sur une petite éminence arborée qui pourrait recéler les vestiges de bâtiments d'époque romaine. Elle est à une dizaine de kilomètres de Béja, le long de la petite route qui mène au barrage sur l'Oued Kasseb. Une longue allée bordée de vieux mûriers, conduit à une belle « maison de maître » et aux dépendances agricoles : immenses étables, vastes poulaillers et logements du personnel. Ces témoins d'une histoire récente auraient très bien pu être en ruine parce que livrés à l'incurie « d'irresponsables », « responsables », seulement, de l'exploitation des terres, nationalisées en 1964. Combien de ces « fermes », reflet de l'exploitation coloniale, témoins historiques, ont été laissées à l'abandon et livrées au pillage alors qu'elles auraient pu, au minimum, être attribuées à des familles tunisiennes qui les auraient habitées ... avec plaisir ? Quelques unes ont été sauvées. L'une d'elles, dans laquelle un film a été tourné, est située à l'entrée de Mateur. Irrésistiblement, nous pensons à la villa construite par un célèbre architecte Marmey sur le site antique de Thuburnica, tout proche de Chemtou. Elle est occupée, sans aucun profit pour le pays, par l'armée qui interdit, du même coup, la visite du site ! Dans cette région aux attraits touristiques multiples et importants, elle pourrait être facilement transformée en petit « hôtel de charme ». Son précédent propriétaire : l'ancien maire de Ghardimaou l'avait fait construire pour y vivre, en compagnie de nombreux amis, avec plaisir. Cette reconversion attirerait des visiteurs qui pourraient y séjourner et créerait des emplois dans cette région « excentrée ». Ce sont ces considérations qui ont engendré la « renaissance » d'Aïn Es Sid. La grande villa réaménagée avec goût peut actuellement loger confortablement dans le calme et la quiétude de la campagne environnante, plus d'une vingtaine de personnes. Une très vaste salle à manger, couplée à une très grande cuisine moderne, permet de restaurer plusieurs dizaines de visiteurs. Les abords sont en cours d'aménagement : à quelques pas de l'entrée, un petit « café maure » accueille les amateurs de thé et de « chicha ». Un vaste gazon peut recevoir chaises longues, fauteuils et « relax » pour un bain de soleil ou un repos à l'ombre de grands pins et de vieux cyprès. Bientôt d'autres arbres devraient être plantés. Dans les étables « à l'ancienne » : les toits de tuiles sont portés par de superbes entrelacs de poutres de bois encastrés dans d'épais murs de pierre. Comme ceux de la « maison de maître » ils retiennent, en été, la fraîcheur de la nuit, protègent des coups de siroco torrides et atténuent grandement les rigueurs des hivers régionaux durant lesquels les chutes de neige sont fréquentes. Des veaux à engraisser, des génisses sélectionnées et un beau troupeau de moutons doivent très bientôt occuper les étables. Poules, canards, oies, pintades, dès maintenant, peuvent satisfaire les résidents comme les visiteurs de passage. Miel, beurre de ferme et œufs frais seront considérés comme de véritables friandises.
Un tourisme culturel Les amateurs d'histoire peuvent choisir cette « ferme » pour découvrir les sites intéressants de la région. Il est curieux de constater que l'on connaît Dougga et Testour, que l'on apprécie les charmes de Sidi Mechrig l'été sans jamais s'apercevoir qu'ils sont situés dans le gouvernorat de Béja. Les Béjaois eux-mêmes, sans doute satisfaits par l'opulence de leur terroir, ne semblent pas avoir cru en l'attrait touristique de la région. Nous ne sommes pas d'accord et pensons écrire bientôt un article consacré à Béja. Très brièvement, dans le gouvernorat, à quelques kilomètres donc, d'Aïn Es Sid, on peut aller visiter le site à Haouanet de Chaouach, la vaste nécropole à dolmens du Jebel Goraa proche de Thibar ou celle de Garn El Kebch situé dans les collines un peu au-delà d'Agbia / La Nouvelle Dougga. Tout proches, les sites romano-byzantins de Ksar Mezouar et d'El Faouar / Bellalis major, à propos duquel une historien et archéologue tunisien M. Mahjoubi a rédigé une thèse magistrale, mériterait d'être mieux mis en valeur. Une simple promenade dans la ville de Béja est, à notre avis, pleine d'intérêt. On y voit encore de très belles maisons aux façades « ouvragées » datant du siècle dernier. Le petit souk de Béja est un enchantement. Son animation, ses étals colorés, ses gâteaux et ses fromages retiennent, un bon moment, l'attention du visiteur. Connaissez-vous les selles de bât fabriquées à Béja ? Certains connaisseurs estiment qu'elles méritent d'être exposées dans un salon rustique. On peut aussi aller visiter une partie de la fière Kasbah, qui domine la ville. Comme celle d'El Kef, depuis des millénaires, sur les fondation d'un oppidum numide, tous les gouvernements de l'Ifriqiya : romains, byzantins, arabes, ottomans ont fortifié ses murs. Il est regrettable qu'elle ne soit pas encore, comme celle d'El Kef, ouverte à la visite après avoir été soigneusement restaurée. Les amateurs d'histoire moderne pourront se demander, à proximité d'un monument isolé dans les champs le long de la route de Mateur rappelant que l'armée allemande a été arrêtée là, pourquoi une puissante contre-attaque, menée par des « mastodontes » blindés de cette époque : les chars allemands « Tigre », a été stoppée là, dans la plaine. Les témoins de cette bataille - il n'en reste que quelques uns ! - racontent que les « Tigre », malgré leurs énormes chenilles de près d'un mètre de large, se sont embourbés en raison de leur poids, dans la glaise noire des plaines très fertiles de Béja, détrompées par la pluie ! De multiples promenades sont possibles : La Numidie offre la nécropole à Haouanet des falaises bordant la route de Joumine. Ces collines boisées et couvertes de broussailles sont bien connues des chasseurs de perdrix, de bécasses et de sangliers. Au printemps, plusieurs espèces d'orchidées sauvages y fleurissent. L'Antiquité romano-byzantine propose les vestiges du « Pont de Trajan » sur la Medjerda et le site de Mustis / El Krib construit pour les vétérans du consul Marius, vainqueur de Jugurtha, sur les ruines d'un bourg berbère. Les curieux, amateurs de marche en forêt pourrait aller chercher les traces de la frontière entre la province romaine de l' « Africa vetus », ancien territoire de Carthage, et le royaume de Massinissa, le long de la crête du Jebel Echeïd au Sud de Dougga. Quoi qu'en dise l'Histoire officielle, nous ne les avons pas trouvées. Nous n'avons ramassé que de très beaux cristaux de quartz hyalin bien noirs. La mosquée de Sloughia et son minaret, à la décoration très originale, méritent une visite. Le village berbère perché de Tahent est très intéressant. Les plateaux rocheux qui l'entourent portent, presque tous, les vestiges de fortifications berbères pré-romaines. A Sidi Nsir, une stèle rappelle les combats de la Campagne de Tunisie. Le Béjaois est une terre pétrie d'histoire. Ne parlons pas des plages : Sidi Mechrig, Cap Negro, Zouara, nous en avons déjà longuement vanté les charmes ainsi que ceux des collines environnantes. Et, pour finir cet article, nous proposerons une magnifique promenade, le long d'une petite route qui part à droite de la route menant à Nefza - depuis Béja, le paysage traversé est magnifique ! - au lieudit : « Khanguet, Kef Tout ». Elle revient rapidement vers le Sud, vers Amdoun / Zaouiet Medien, qui est certainement un village perché dont les habitants ont été très souvent mêlés à l'histoire de Béja ! Cette petite route traverse une région de collines boisées tapissées de vestiges historiques dont la seule découverte justifierait un long séjour à Aïn Es Sid, la ferme aux multiples opportunités, avons-nous déjà dit.