Le corps était dans tous ses états dans « L'ivresse des profondeurs », le nouveau spectacle chorégraphique d'Imène Smaoui, l'autre soir à la salle du « Quatrième Art » (Ex-Cinéma Le Paris) à l'ouverture de la seizième édition de « Tunis, capitale de la danse. » Pas moins de neuf danseurs et danseuses traduisaient, par mouvements interposés, l'évolution fragile de l'acteur à partir du point zéro. Il est dans un état d'absence de sens et il crée son chemin, de la surface à la profondeur. Quelques connections s'établissent et l'énergie circule entre les acteurs à travers un fil conducteur invisible pour se surprendre dans un espace exigu. Faut-il aboutir à dévoiler une réalité complexe ? Il faudrait plonger dans le silence, bouger et bouger encore. Dans ce va-et vient qui envahit la scène. Dans ces mouvements parfois répétitifs, la danse est une marche, un arrêt et invite à la réflexion. Le fond musical qui traduit aussi l'atmosphère quelque peu lugubre dans laquelle évoluent les danseurs-comédiens, devient, par moments, un exercice de style. Les mouvements eux-mêmes sont dans cette perspective. Est-ce là un « work in progress ? » Là où la création chorégraphique semble évoluer au fil des moments et des états d'âme ? Le spectacle finit-il, en vérité ? On était resté sur notre faim, car « L'ivresse des profondeurs », autant qu'elle nous a enivré, autant elle était restée cérébrale, qui s'adresse à la psyché. Aristote désignait le principe vital aussi bien que le principe pensant. C'est une éternelle quête de soi, de l'autre, de l'équilibre de l'âme que semble distiller cette pièce chorégraphique. L'interprétation du spectateur reste libre selon son niveau d'entendement. Créateurs du spectacle et public partent vers une réflexion qui ne va pas dans tous les sens, mais qui suggère des liens et des filiations. « L'ivresse des profondeurs » se passe dans une atmosphère triste. La lumière faible et tamisée tient à le faire rappeler. Les rencontres entre les artistes sur scène sont fortuites, légères et quelque peu temporaires. Tout semble ne pas finir. Tout reste en pointillé. L'interprétation du public est-elle encore suggérée ?