Malgré ses nombreuses failles, la nouvelle Constitution tunisienne, adoptée en janvier 2014, a apporté des garanties nombreuses portant sur la liberté et la dignité des citoyens. L'article 6 de la Constitution de la deuxième République est clair à ce sujet : L'Etat est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes ; il est le garant de la neutralité des mosquées et lieux de culte par rapport à toute instrumentalisation partisane. L'Etat s'engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance, à protéger les sacrés et à interdire d'y porter atteinte, comme il s'engage à interdire les campagnes d'accusation d'apostasie et l'incitation à la haine et à la violence. Il s'engage également à s'y opposer. Et pourtant, le mois de Ramadan vient nous rappeler, encore une fois, que cet article de la Constitution est complètement bafoué. Cela a commencé le premier jour de ce mois où quelques agents des forces de l'ordre ont forcé des cafés et des restaurants à fermer leurs portes aux heures du jeûne. Après une grande polémique sur les réseaux sociaux, la campagne s'est arrêtée nette et les commerces ont pu reprendre leur travail normalement. Cela aurait pu se passer correctement si le prédicateur extrémiste, Adel Almi, ne s'en était pas mêlé. Comme Ramadan de l'année dernière et celui d'avant, l'intéressé a repris sa bande et sa caméra et a commencé à faire le tour des cafés de la banlieue nord de Tunis. L'homme qui se croit tout permis s'est en effet permis de s'autoproclamer défenseur de ce mois de jeûne et a organisé une vraie chasse aux sorcières visant les non-jeûneurs. Encore une fois, tout aurait pu se passer correctement si les autorités avaient fait leur travail en empêchant Almi de traquer ceux qui ne font, en réalité, qu'exercer librement leur croyance. Mais sans espoir, l'homme continue de faire son cirque dans un silence assourdissant des concernés. Mieux encore, il a atteint son objectif réel : en quelques jours, il a réussi à faire de sa petite personne le centre des discussions. Il a été invité à l'une des plus grandes radios du pays où il s'est étalé sur sa théorie moyenâgeuse expliquant que pendant un mois pareil, nul ne peut accepter que les non jeûneurs puissent bénéficier de leur liberté. La réponse ne fût pas lente car, le lendemain de ce passage, des policiers ont arrêté quatre personnes à Bizerte pour avoir mangé et bu en public. Les quatre individus ont été arrêtés et une enquête aurait été ouverte à leur encontre... Les premières explications ont indiqué que la Tunisie dispose d'un article dans son Code pénal qui interdit ce genre de pratique pendant le mois de Ramadan. Ce même Code pénal qui date de 1913, contient beaucoup d'autres articles aberrants – le 52, le 230 ou encore le 226 peuvent encore en témoigner – et s'oppose totalement, dans nombreuses parties, à l'esprit de la liberté voulue et imposée par la Constitution. Dans des cas pareils, les regards se tournent nécessairement vers l'Assemblée des représentants du peuple où les élus nous font attendre pour harmoniser nos lois avec notre Constitution.