La guerre déclenchée, le 23 ami 2017, par le gouvernement d'union nationale contre la corruption, a provoqué un véritable séisme dans le pays à plusieurs niveaux, politique, social, judiciaire... Et en attendant les développements des enquêtes sur les plans de la justice, les retombées de cette campagne, avec notamment l'arrestation d'un bon nombre de contrebandiers, sont multiples et pourraient s'avérer dévastatrices pour plusieurs parties dans le pays, plus précisément sur le paysage politique et partisan. A voir de près les réactions des responsables des différents partis, on constate l'embarras dans lequel se trouvent plusieurs d'entre eux. Ennahdha, tout d'abord, se montre très discret et avare en déclarations. A part, la publication d'un communiqué tardif soutenant officiellement et pour le principe la lutte anti-corruption tout en le faisant assortir de l'argument fallacieux appelant à une lutte générale et non « sélective », le parti islamiste est resté pratiquement à l'écart des débats à travers les médias, sur cette question, pourtant à grande polémique. Le parti de l'Union patriotique libre (UPL) s'est montré, quant à lui, encore plus discret et les apparitions de son chef, Slim Riahi, sont devenues rarissimes pour ne pas dire inexistantes sachant que plusieurs bruits ont couru parlant de son départ à l'étranger pour une longue période, ce qui l'a conduit à publier une mise au point pour démentir de telles allégations. Afek Tounès a apporté un soutien total à cette lutte par le biais de la publication d'un communiqué officiel. Sans plus. Peut-être à cause des présomptions de soupçons pesant sur certains de ses ténors dont notamment Yacine Brahim, avec l'affaire « Hazard », Noômen Fehri avec l'affaire « Go Malta » ou encore Riadh Mouakher avec l'affaire du cadre controversé employé dans son cabinet au ministère de ‘Environnement et des Affaires locales. Le Front patriotique, qui était pratiquement le porte-voix en matière de lutte contre la corruption, se montre peu loquace en appelant à une lutte globale sans sélectivité tout en exprimant des doutes quant à la capacité du gouvernement de Youssef Chahed à mener à bien et jusqu'au bout cette campagne. D'autre part, le parti d'Attayar de Mohamed et Samia Abbou mérite une mention spéciale dans la mesure où il s'est montré fidèle et conséquent avec ses principes d'adversaire acharné contre la corruption allant jusqu'à exprimer sa disposition à « faire de Youssef Chahed in leader national s'il persévère et poursuit sa campagne contre le fléau de la corruption ». Par contre, le mouvement, Harak Tounès al-Irada de Moncef Marzouki et Imed Daïmi s'est révélé un parti aux intentions particulières dans le sens où il se dit presque contre la guerre déclenchée contre les barons de la corruption, justement parce qu'elle provient du gouvernement en place. Un des rares partis à s'être exprimé sans ambages ni ambigüité en faveur de cette guerre, est Al Machrou3 et son bloc Al Horra. On citera, à ce propos et la trêve annoncée par Mohsen Marzouk dans toute éventuelle critique à l'égard de La Kasbah et le désistement de l'immunité parlementaire par les députés du bloc Al Horra à l'Assemblée des représentants du peuple. Et à tout seigneur, tout honneur, nous clôturons avec la position de Nidaa Tounès, parti vainqueur aux élections législatives de 2014 et, théoriquement, le parti au pouvoir même si « quantitativement », il n'est plus le premier dans la mesure où il est, désormais, devancé de loin par le parti islamiste d'Ennahdha. Tous les observateurs s'accordent, aujourd'hui, à dire le parti dirigé par Caïd Essebsi junior subit de plein fouet les contrecoups du combat enclenché par le chef du gouvernement d'union nationale. Et l'embarras du parti est visible et de ses dirigeants est net dans leurs déclarations pour la simple raison que plusieurs « barons » et députés de Nidaa ont des relations privilégiées, voire douteuses avec l'ex-homme d'affaires Chafik Jerraya. C'est dans cet esprit que le député Nidaa Tounes, Jalel Ghedira, a tenu à affirmer que Chafik Jarraya est considéré comme « un citoyen ordinaire aux yeux du parti » ! Il avoue que c'est un homme d'affaires qui entretient des amitiés personnelles avec des membres du parti et cela est connu de tous. « Personnellement, je ne l'ai jamais vu assister à nos réunions, il n'appartient à aucune structure, délégation ou bureau politique de Nidaa et n'est pas non plus adhérent au parti. Il n'a donc aucune fonction officielle au sein du parti » a déclaré en substance Jalel Ghedira d'ajouter, que pour le parti, il est « un simple citoyen ». Le même élu de Nidaa est également revenu sur le voyage effectué par des députés de l'ARP et Chafik Jarraya en Libye en précisant que durant ce voyage il ne représentait pas l'Etat tunisien. Eh bien, parlons-en de ce voyage... Si l'ex-homme d'affaires était libre, en tant que simple citoyen de se rendre en Libye, il n'en est pas de même pour des élus de la Nation d'y aller rencontrer des personnes aussi douteuses que le chef islamiste de Fajr Libya, Abdelhakim Belhaj, un ancien combattant notoire d'Al Qaïda en Afghanistan. Il ne faut pas perdre de vue que le même Jarraya s'était rendu en Libye lors d'un autre voyage en compagnie d'avocats et d'hommes de médias, pour rencontrer le même personnage Abdelhakim Belhaj qui, il ne faut pas l'oublier non plus, est venu en cachette en Tunisie où l'ancien chef du gouvernement de la Troïka et ex-secrétaire général d'Ennahdha, Hamadi Jebali lui avait rendu visite ! On n'oublie pas les multiples déclarations, par le passé, de dirigeants d'Ennahdha en faveur du même Abdelhakim Belhaj. N'est-ce pas Monsieur Samir Dilou ?! Si on soulève ces questions, c'est bien parce que l'affaire Jarraya a pris d'autres tournures ayant trait à la sûreté nationale avec l'accusation trop grave de la mise à disposition d'une armée étrangère en temps de paix. Il ne faut pas oublier que les deux députées Leïla Chettaoui et Sabrine Goubantini ont été exclues du parti parce qu'elles ont révélé l'existence de faits imputés à des dirigeants de Nidaa portant atteinte à la sécurité de la Tunisie. Mme Chettaoui a été même déchue de son poste de présidente de la Commission d'enquête sur les réseaux organisant des voyages pour les jeunes tunisiens dans les foyers de conflits sur simple trait de stylo de Sofiène Toubel, chef du bloc parlementaire du parti et sur qui de sérieuses et multiples présomptions pèsent quant à son éventuelle implication dans des affaires de corruption et qui sont, d'ailleurs, du ressort de la justice. C'est dire que c'est le parti de Nidaa qui subit les dommages les plus graves de cette lutte contre la corruption et, plus précisément, de l'arrestation de Chafik Jarraya, un parti dont le nombre des députés est descendu de 86, à la fin de 2014, à moins de 60 actuellement tout en perdant la majorité de ses ténors. Et c'est tout dire...