La séance d'écoute du chef du gouvernement, Youssef Chahed, par les élus à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), a été, comme l'on s'y attendait, animée, passionnée et, parfois, fort houleuse avec des cris, des scènes d'hystéries, des accusations à tort et à travers, des diffamations, des dénigrements ainsi que certains propos sensés, argumentés et bien étayés. Après une présentation exhaustive de l'opération de lutte contre la corruption qui ne se présente plus comme une simple campagne, mais plutôt comme étant une véritable guerre menée selon une stratégie de longue haleine, Youssef Chahed a tenu à clarifier certains points et à insister sur d'autres afin de démontrer que le combat contre la corruption n'est pas un règlement de comptes avec des rivaux politiques et n'est pas sélectif tout en réitérant que personne n'est au-dessus de la loi ni au-dessus de l'Etat. Et en réponse aux interventions interminables des députés, le chef du gouvernement a indiqué que la mise en doute par certains de la lutte anti-corruption adresse un signal négatif et ne peut que servir les corrompus. En effet, les passages des élus lors de ladite séance d'écoute, ont été édifiants à plus d'un titre dans le sens où ils ont permis, surtout, de faire tomber les masques à plusieurs d'entre eux qui ont, justement, attaqués M. Chahed en faisant semblant de s'en prendre aux aspects formels de ce qu'ils ont continué à appeler une « campagne ». Ils ont eu, ainsi, à évoquer le soi-disant non-respect des procédures normales d'usage, le recours à des mesures exceptionnelles et des dispositions fondées sur l'état d'urgence sans oublier l'argument fallacieux de sélectivité. Il faut dire qu'au cours de la séance d'écoute du jeudi 20 juillet, les adeptes de l'argument de sélectivité sont apparus à visage découvert en prouvant clairement qu'ils sont contre l'arrestation du présumé contrebandier Chafik Jerraya, accusé également de complot contre la sûreté de l'Etat puisqu'il est confondu de connivence avec une armée étrangère. Or, ne pouvant se prononcer publiquement et précisément contre le mandat de dépôt à l'encontre de Jerraya, ils évoquent la « nécessité » d'arrêter aussi Kamel Letaïef dont le nom est cité, pour la première fois, par des députés, plus particulièrement, ceux du parti islamiste d'Ennahdha et à leur tête, le faucon Mohamed Ben Salem qui s'est contenté de parler « d'El Capo », sans oublier Samia Abbou, Imed Daïmi, Ammar Amroussia, Fayçal Tebbini, Tarek Ftiti, etc.. Parlons-en de ce volet car il est devenu l'objet des discussions interminables. Force est de constater que ces appels à « arrêter Kamel Letaïef ne sont basés sur aucun fait concret et encore moins sur des preuves avérées. Au contraire, on n'a jamais vu cet homme accompagner une délégation de parlementaires chez une faction armée connue pour avoir combattu dans les zones de conflit aux côtés des terroristes. On n'a jamais entendu parler que cet homme est soupçonné d'avoir offert des biens ou des sommes d'argents à des tiers, on n'a jamais vu cet homme faire la tournée des médias pour participer à des polémiques ou échanger des accusations gratuites. Et même le forcing exercé par Moncef Marzouki, lorsqu'il était président provisoire de la République, n'a pas abouti car les investigateurs n'ont trouvé aucun motif valable pour l'arrêter. Reste que l'homme est connu pour être un lobbyiste en politique, ce qui est son plein droit, sans être voyant et sans faire de tapage que bien d'autres recherchent en vue de créer le buzz... Et comme l'a si bien dit, hier, Iyad Dahmani, porte-parole officiel du gouvernement, il est hors de question d'arrêter quiconque pour satisfaire les desiderata d'untel ou autre. « Et à celui qui a des preuves sur une éventuelle implication de M. Letaïef dans une affaire de corruption n'a qu'à la montrer », s'est écrié M. Dahmani en substance avant d'ajouter qu'il faut cesser de lancer des accusations gratuites et infondées et que l'Etat ne veut pas commettre d'injustice, car il n'arrête et n'émet de mandat de dépôt que sur la base de dossiers et de preuves tangibles. Et d'enchaîne que le plus grand ennemi de la lutte contre la corruption est l'injustice, car cela ôterait tout caractère sérieux et crédible à l'action. Par contre, et sans vouloir accuser quiconque, il serait utile de mener une enquête sur le dossier des gardes forestiers dépendant du ministre de l'Agriculture, et qui avaient été remplacés par d'autres durant les années du pouvoir de la Troïka sachant que ces gardes avaient un rôle axial dans la surveillance des zones forestières dans le nord et le nord-ouest du pays, plus précisément dans la zone névralgique du mont Châambi ! Inutile de rappeler que le portefeuille de l'Agriculture, à cette époque, était détenu par le Nahdhaoui, Mohamed Ben Salem ! Or, le même député d'Ennahdha ne pipe pas mot sur l'affaire de la BFT dans laquelle de sérieux soupçons pèsent sur son gendre, Slim Ben Hamidane, qui a été déjà interrogé dans le cadre de ce dossier qui pourrait coûter trop cher à la Trésorerie générale de l'Etat tunisien. Parmi ceux qui mettent en doute la stratégie gouvernementale contre la corruption, on citera Imed Daïmi qui, rappelons-le, le jour de l'investiture de l'ARP, regardait d'un œil perspicace l'intrus qui avait usurpé l'identité d'un député du CPR, don collègue à lui, Mabrouk Hrizi, sachant qu'on n'en sait rien du destin de cet usurpateur ! Le même Daïmi ne pipe pas mot sur l'association caritative présidée par son frère Abdelmoêm Dami, qui jongle avec des dizaines de millions de dinars dans l'opacité la plus totale ! Quant à Tarek Ftiti du parti de l'Union patriotique libre (UPL), il a évoqué un prétendu règlement de comptes suivi par le chef du gouvernement, et ce en allusion au gel des avoirs de son « patron » Slim Riahi suite à la découverte de présumés dossiers de corruption le touchant. Autre fait significatif. L'hystérie qui s'est emparée des élus d'Ennahdha après l'intervention de la députée Leïla Chettaoui critiquant Mohamed Frikha et sa société Syphax Airlines, une hystérie qui a entraîné la suspension, pendant près d'une dizaine de minutes, des travaux de la séance plénière. En tout état de cause et en résumé, les réactions de bon nombre de députés prouvent, si besoin est, que Youssef Chahed doit retrousser les manches pour réussir la guerre qu'il a déclenchée contre la corruption dans le sens où ses détracteurs semblent prêts à recourir à tous les subterfuges, même les plus farfelus, pour contrecarrer son action qui bénéficie, d'un vaste élan populaire. Le peuple est avec vous, M. Chahed, ne vous arrêtez pas en si bon chemin !...