Un début de consensus commence à se dégager entre les partenaires sociaux sur la réforme des régimes de sécurité sociale. Les récentes réunions de la commission de la protection sociale, qui regroupe des représentants du Gouvernement, de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA), ont été marquées par le rapprochement des points de vue sur les principaux axes de la réforme, selon des sources proches de la centrale syndicale. L'approche retenue pour sauver les caisses sociales qui souffrent d'un déficit structurel repose sur le partage des sacrifices entre les assurés sociaux, les patrons et les pouvoirs publics a-t-on indiqué de même source. La stratégie de sauvetage proposée tourne autour de trois axes. Le premier axe concerne le relèvement de l'âge du départ à la retraite. Dans ce cadre, on prévoit le relèvement obligatoire de deux ans de l'âge du départ à la retraite et une augmentation de trois années supplémentaires pour les fonctionnaires qui le souhaitent. Le deuxième axe se rapporte à la diversification des sources de financement des régimes de sécurité sociale. Dans ce chapitre, l'intérêt se porte sur l'instauration d'une contribution sociale généralisée (CSG) ou la TVA sociale. Il s'agit d'un impôt qui devrait être prélevé sur les revenus d'activité (salaires, primes et indemnités diverses...), les revenus de patrimoine et les revenus de placement. La TVA sociale est, quant à elle, un mécanisme prévoyant l'augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de quelques points supplémentaires pour que les recettes additionnelles générées par cette hausse puissent financer les dépenses de sécurité sociale. L'autre mesure envisagée par l'exécutif est l'instauration de nouvelles taxes affectées au financement de la sécurité sociale. Ces taxes concerneraient plusieurs produits et services non essentiels comme le tabac, les boissons alcoolisées, les jeux par SMS et les paris sportifs. L'idée de taxes sur les produits non essentiels qui émane de l'UGTT, s'inspire de l'expérience française, où plus de 50 taxes sur des produits non essentiels ou superflus sont reversées au financement des caisses sociales. A titre d'exemple, seuls 20% des recettes de la vente des cigarettes en France vont dans les poches des buralistes et des fabricants de tabac. Le reste, soit 80% environ, va à l'Etat. Il est reversé à des organismes de protection sociale, dont les caisses de sécurité sociale et la Caisse nationale d'assurance-maladie. Le troisième axe de la réforme concerne l'amélioration du recouvrement des créances de la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) et de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNRPS) auprès des entreprises et la lutte contre la fraude et les fausses déclarations. Ainsi, l'UGTT a réussi à convaincre ses partenaires de renoncer à la hausse des cotisations prélevées sur les salaires et à la réduction des pensions de retraite, qui figuraient initialement dans les petits papiers du gouvernement. Selon les prévisions du ministère des Affaires sociales, le déficit des caisses sociales devrait dépasser la barre de 2000 millions de dinars (MD) à la fin de l'année en cours contre 1700 MD en juillet dernier. Pour permettre aux deux principales caisses de sécurité sociale de continuer à honorer leurs engagements, l'Etat était obligé d'injecter 800 MD durant l'année écoulée. Le déficit de la CNSS et de la CNRPS trouve essentiellement son origine dans les mutations démographiques et socio-économiques qu'a connues le pays au cours des dernières décennies : vieillissement de la population, hausse de l'espérance de vie, propagation des emplois précaires, saturation du marché de l'emploi, multiplication des plans sociaux et des départs à la retraite anticipée. Le ratio moyen actifs/retraités pour les deux caisses sociales (nombre de salariés en exercice qui financent grâce à leurs cotisations les pensions des retraités dans le cadre du financement basé sur la répartition et la solidarité entre les générations, NDLR) a, en effet, baissé à une vitesse vertigineuse. Au niveau de la CNRPS, ce ratio est passé de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,5 actifs pour 1 retraité actuellement. Pour la CNSS, ce ratio est de 3,8 actifs pour 1 retraité.