Longtemps, l'extrémisme violent et le djihadisme ont été exclusivement associés à la masculinité. De par le monde, les récits ont toujours décrit des hommes, jeunes et moins jeunes, embrigadés, radicalisés, devenus d'impitoyables combattants sanguinaires au nom d'un dogme religieux auquel ils adhèrent, exécutant sans réfléchir les ordres d'une hiérarchie auxquels ils se sont soumis corps et âme. La sortie du livre « Femmes et terrorisme » est venue casser les codes et montrer que les femmes sont également parties prenantes de ces dangereux phénomènes qui intriguent et inquiètent le monde. Immersion dans un monde terrifiant qui dévoile peu à peu ses secrets. « Femmes et terrorisme » est un livre co-écrit par Amel Grami et Monia Arfaoui. L'une est universitaire, islamologue et chercheuse, l'autre est journaliste, réputée par sa plume audacieuse et ayant longuement travaillé sur « Ansar Chariâa ». Toutes deux se sont penchées sur le rôle joué par les femmes dans l'émergence et l'expansion de la mouvance religieuse en Tunisie. D'après Monia Arfaoui, contrairement à d'autres pays touchés par les phénomènes de la radicalisation et de l'extrémisme violent, l'expérience tunisienne est inédite car elle a connu une participation à la fois massive et active des femmes. Elle ajoute : « Les femmes tunisiennes ont cassé les codes habituels du dogme islamiste radical voulant qu'elles soient totalement soumises à leurs maris et qu'elles n'apparaissent jamais dans le tableau. Au contraire, elles ont été présentes et influentes, même si œuvrant dans l'ombre. Certaines se sont même vues attribuer de hauts postes au sein de cet organisme dont Fatma Zouaghi, brillante étudiante, chargée de la communication et de la propagande sur les réseaux sociaux, arrêtée en 2014. D'autres ont osé tenir tête à l'émir et désobéir à ses ordres. C'est dire que les Tunisiennes embrigadées dans ce réseau ont fait preuve d'une force de personnalité qui interpelle et qui tranche avec le reste des expériences rapportées. » Pour Amel Grami, si le livre est intitulé « Femmes et terrorisme », il ne se réfère pas uniquement aux femmes ayant adhéré à la mouvance islamiste radicale mais il s'intéresse également à toutes les femmes qui ont été de près ou de loin en relation avec le terrorisme, dont les mères, les sœurs ou encore les épouses des terroristes. Outre les interdictions de rencontrer les détenus dans des affaires de terrorisme, les obstacles rencontrés pour accéder à leurs proches et de gagner leur confiance pour obtenir leurs témoignages, la grande difficulté rencontrée par les deux auteurs reste le devoir d'objectivité et de neutralité face à des mères pleurant un fils, certes terroriste et racontant leur calvaire au quotidien depuis la radicalisation du fruit de leurs entrailles. Elles avouent toutes deux qu'il est difficile voire impossible de ne pas compatir à leur douleur et de ne pas éprouver des sentiments même si l'écriture impose une certaine distance obligatoire pour ne pas apitoyer le lecteur. Amel Grami affirme que le livre évoque, entre autres, le combat de mères qui, malgré leur immense chagrin, ont choisi de s'engager dans la société civile et d'adhérer ou de fonder des associations pour tenter de sauver d'autres jeunes des griffes de l'extrémisme et du radicalisme. Monia Arfaoui évoque quant a elle le cas de nombreuses mères qui ont tout fait pour sauver leurs enfants de ces dangers, allant même jusqu'à alerter la police pour tenter de les empêcher de se rendre en terre de jihad mais en vain. Elle déclare à ce propos : « Il faut avouer que durant ces dernières années, aucune structure existante ou nouvellement créée n'a été apte à réfréner le fléau de l'extrémisme et à protéger les citoyens des affres du terrorisme et de la menace d'embrigadement. La solution sécuritaire ne résoudra jamais le problème de façon radicale. Certes elle offre un moment de répit mais ce n'est que provisoire et dans quelques temps, le phénomène n'en reviendra que plus amplifié. Il faut œuvrer, tous ensemble, pour l'élaboration d'une stratégie concrète et efficace qui viendra à bout du problème à sa source et là encore, les femmes ne peuvent être que parties prenantes de cette stratégie. »