Quand d'autres passent leur temps aux plaisirs et aux loisirs, eux consacrent leur temps à venir en aide aux plus démunis et à ceux qui ont tout perdu. Eux, ce sont les bénévoles de l'association « Universelle » qui organisent chaque vendredi une action en faveur des sans-abris avec l'appui du ministère des Affaires Sociales ainsi que des actions de soutien scolaire et de divertissement, durant le week-end, en faveur des petits pensionnaires des centres de protection sociale. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Comment ne pas y croire quand ces jeunes bénévoles se démènent chaque semaine pour venir en aide aux sans-abris du Grand Tunis. Ils leur apportent de la nourriture mais surtout du réconfort et un soutien moral. Le temps d'un contact, d'un échange humain, d'une discussion, ils les ramènent à la vie et leurs offrent l'espoir d'un lendemain meilleur. Intitulée « Nos amis les SDF » et portant le slogan « Nous sommes là où ils sont », cette action a débuté il y a environ deux ans. Chaque vendredi soir, ils prennent le départ du Bardo et sillonnent les routes du Grand Tunis pour aller à la rencontre des SDF pour leur apporter des repas chauds. Ils distribuent ainsi une soixantaine de packs diner et autant de packs petit-déjeuner. Parfois, ils distribuent également des couvertures. Malgré des moyens très limités, ils relèvent le défi et répondent présents chaque semaine. Dans cette belle aventure humaine, ils sont heureusement accompagnés par le SAMU Social du Grand Tunis, officiellement créé en 2013. Au delà des aides alimentaires, l'idée étant de trouver des solutions pérennes à ces individus qui ont perdu foi en la vie en les soignant, en les encadrant, en leur permettant de renouer des liens avec leurs proches, en leur fournissant l'aide pour extraire leurs papiers personnels ou encore en les aidant à retrouver une vie normale en les assistant pour lancer de micro projets afin de retrouver une autonomie financière. Noble mission mais qui n'est pas des plus aisée. En 2017, le SAMU Social du Grand Tunis a effectué 122 maraudes, des sorties nocturnes visant à repérer des sans-abris afin de leur venir en aide. L'équipe mobile assure des interventions trois fois par semaine. Près de 2300 repas ont été distribués ainsi que des vêtements et des couvertures. L'équipe composée d'un travailleur social, d'un éducateur, d'un psychologue et d'un infirmier a assuré 561 interventions de suivi psychologique au fil des mois et ont pris en charge 308 soins médicaux. En tout durant l'année écoulée, le SAMU Social du Grand Tunis a identifié 340 cas de sans-abris dont 236 hommes et 104 femmes, en majorité des adultes. Seuls 15 enfants ont été pris en charge. Habib Debbabi, directeur du centre d'encadrement et d'orientation sociale d'Ezzahrouni et directeur exécutif du SAMU Social du Grand Tunis affirme qu'il est très difficile de connaître le nombre d'enfants car généralement, ils confondent services sociaux et police et se cachent donc à l'approche de tout individu d'eux la nuit. Le traitement de ces cas est également plus délicat puisque l'équipe ne peut aborder un mineur sans l'autorisation du délégué de l'enfance de la région concernée. Des personnes âgées se retrouvent également dans la rue à un moment de leur vie. Si elles le désirent, elles sont placées dans les centres de protection dédiés à cet effet. Les autres cas identifiés comme urgents tels que les personnes malades ou les mères avec enfants sont temporairement accueillis au centre d'encadrement et d'orientation sociale en attendant de leur trouver des solutions à long terme. Malgré des efforts sans relâche et beaucoup de bonne volonté, beaucoup reste à faire. Le SAMU Social du Grand Tunis qui bénéficie du soutien du SAMU International et ayant conclu des conventions avec des organisations nationales telles que le Croissant Rouge, l'UTSS ou encore l'UNFT, prévoit très prochainement la création d'une deuxième équipe mobile qui travaillerait sept jours sur sept pour une meilleure prise en charge des SDF. Par ailleurs, Habib Debbabi a annoncé que le SAMU Social pourrait prochainement s'implanter dans d'autres villes, notamment Sfax et Sousse. Leurs maux en chiffres Malgré un effort continu sur le terrain par les structures sociales, il est toutefois difficile de cerner le nombre des sans-abris en Tunisie. Bon nombre d'entre eux avaient autrefois une vie sociale, une famille, un toit et peut-être même un travail. Mais un jour, leur vie a basculé et ils se sont retrouvés sans ressources, à la rue. Depuis, ils sont en proie à la misère, à la souffrance et à la solitude. Mis à l'écart par une société impitoyable qui condamne au lieu de comprendre, ils souffrent d'exclusion et de marginalisation. Livrés à eux mêmes, sans argent ni repères, ils font face à divers dangers et sont des proies faciles pour les vautours du mal. Ils se terrent donc, se rendent invisibles pour se protéger puis bien souvent, à bout de souffle, plongent corps et âme dans la spirale infernale et se perdent à jamais. La nuit comme l'hiver ou encore les contrôles de polices sont, pour eux, synonymes de cauchemar. Parmi les 340 cas identifiés en 2017 par le Samu Social du Grand Tunis, la plupart sont des célibataires ou divorcés. De même, 173 d'entre eux auraient un niveau d'enseignement de base. Seuls 12 d'entre eux ont fait des études universitaires. Parmi les principales causes qui les ont menés à la rue on retrouve la violence familiale ou encore l'absence de revenus fixes. Seuls 19 d'entre eux souffrent de troubles mentaux et ont fait preuve d'agressivité à chaque fois que l'équipe les a approchés, rendant ainsi toute intervention impossible. Ces sans-abris vivent principalement de mendicité. D'autres, peu nombreux, ont fait le choix de la prostitution ou encore se contentent des aides sociales dont le montant ne peut leur permettre de vivre décemment. Plus curieux encore, Habib Debbabi nous parle de certains, certes minoritaires, qui ont choisi la rue par conviction. Pour eux, elle est synonyme de liberté totale. Une philosophie qui leur est propre et qu'ils assument parfaitement non pas par manque de moyens ou de ressources. C'est donc par choix qu'ils ont voulu vivre en marge de la société et de s'approprier la rue en signe de résistance. Résistance à qui, à quoi ? Qu'est ce qui pousse un individu à refuser les normes d'une société et d'une vie classique ? Une quête de liberté ou un désir de rébellion peut-être, mais ceci est une autre histoire.