Les Tunisiens ne sont pas habitués de voir des SDF dans les rues de la capitale ou des grandes villes; on croit toujours que ces personnes sans abri n'existent pas chez nous et que c'est un phénomène qui se manifeste dans les villes européennes ou américaines où il prend chaque année de l'ampleur, suite à des crises économiques successives. Les croyances populaires et les valeurs de solidarité et de soutien ancrées dans nos comportements et nos attitudes devant les désastres et les malheurs d'autrui ont toujours empêché le pullulement de ce phénomène chez nous grâce aux aides et aux supports apportés à ces gens sans domicile fixe pour éviter qu'ils passent des jours et des nuits couchés à la belle étoile, en hiver comme en été, exposés aux divers dangers de la rue. Même les touristes européens qui venaient chez nous s'étonnaient souvent par l'inexistence des SDF dans nos villes, eux qui étaient habitués à en voir des centaines dans leurs villes d'origine ! Un phénomène qui prend de l'ampleur Malheureusement, les choses ont changé ces derniers mois chez nous. On assiste bel et bien à une prolifération de ce phénomène, notamment dans la capitale qui vient s'ajouter à un autre phénomène déjà existant et qui a pris lui aussi de l'ampleur dans notre pays depuis la Révolution, qu'est la mendicité. « Des SDF, est-ce qu'il y en a en Tunisie ? » On a toujours répondu par la négative à cette question. Aujourd'hui, la réponse à cette question ne peut être qu'affirmative, quoique le nombre des SDF rencontrés dans la capitale ou dans certaines grandes villes ne soit pas très élevé, mais assez important pour créer un nouveau problème social à côté de ceux qui existent déjà et qui attendent d'être résolus (pauvreté, chômage, crise économique, cherté de la vie,…). Il va sans dire que les circonstances exceptionnelles par lesquelles est passé le pays depuis un an sont à l'origine de l'apparition de ce nouveau phénomène qui, sans la prise d'initiatives urgentes pour loger ces gens dans des lieux publics d'accueil ou de charité ou les retourner dans leurs propres régions ou au sein de leurs familles d'origines qu'ils ont été contraints de quitter par nécessité. Force est de constater que la grande vague de froid et les intempéries qui se sont abattues sur notre pays, notamment dans les régions du nord-ouest, ont poussé des centaines de gens à venir dans la capitale. Sans le sou et sans abri, ils pratiquent d'abord la mendicité pour subsister et n'ayant pas les moyens pour s'offrir un toit pour s'abriter, ils finissent par élire domicile sous un pont ou dans une gare de train ou station de métro. Nécessité d'agir Il semble que le phénomène s'installe chez nous et a tendance à s'accentuer tant que le taux de chômage est en explosion, que les prix flambent, la pénurie de certains produits essentiels sévit de temps en temps dans le pays et que les solutions se font encore attendre puisque le nouveau gouvernement prend encore son temps pour agir ! D'ailleurs, les médias commencent déjà à traiter de ce sujet : une radio privée de la place a récemment consacré toute une émission aux SDF en passant l'antenne à ses auditeurs afin de formuler leurs opinions sur le phénomène. Les deux invités à cette émission, le directeur du Centre d'Information et d'Orientation Sociale et la présidente de l'Association « Maison de Tunisie » ont reconnu l'existence d'un tel phénomène et en ont cité les principales causes qui sont à l'origine de l'ampleur du phénomène durant ces derniers mois, mais ont avoué ne pas avoir à leur disposition des statistiques exactes sur le nombre des SDF en Tunisie. Quelles que soient les causes qui ont poussé ces gens à dormir dans la rue (chômage, pauvreté, problèmes conjugaux ou familiaux, choix personnel, rébellion, maladies mentales…), il est impératif d'apporter secours à cette catégorie des gens afin de les retirer de leur marginalité et les réintégrer dans la société. Nous sommes au début d'une saison hivernale qui s'annonce plus froide que d'habitude et ces SDF auront sans doute besoin d'un abri chauffé, même provisoire, pour passer l'hiver, dans l'attente d'une solution adéquate ! Où sont les organisations à vocation humanitaires et caritatives ? Vont-elles s'occuper de ces SDF pour les aider à affronter cet hiver rigoureux ? Car souvent les initiatives individuelles poussées par la compassion et la pitié ne servent pas à grand-chose, c'est une action nationale d'aide et de soutien qui doit avoir lieu et sans plus tarder ! Parallèlement, les sociologues et les psychologues tunisiens devraient se pencher désormais sur ce phénomène social et sur tant d'autres similaires qu'ils ont été empêchés d'aborder par l'ancien régime qui ne voulait pas dévoiler certaines vérités, par exemple sur la pauvreté, la corruption, le suicide, l'immigration, qui étaient considérés comme des sujets tabous ! Il est donc temps d'en parler !