En salle en France, le film de Gilles Perret dresse le portrait intimiste de Jean-Luc Mélenchon avec une bienveillance assumée, mais sans grande surprise. De L'Insoumis, c'est peut-être Jean-Luc Mélenchon lui-même qui en parle le mieux, dans un tweet promotionnel que d'aucuns considéreraient comme un tantinet égotique : « C'est un film magnifiquement subjectif. Donc un film. Pas un documentaire. » Il s'agit d'avoir cela en tête, au moment de visionner le nouveau long-métrage de Gilles Perret. Le réalisateur de La Sociale (2016) et Les Jours heureux (2013), fortement attaché aux problématiques sociales et au monde ouvrier, n'a jamais prétendu à l'objectivité, ni au creusage méticuleux de toutes les facettes du tribun. Proche du leader de La France insoumise – « Jean-Luc, on se connaît depuis mes deux derniers films, c'est pour ça que tu as accepté que je te suive dans l'intimité de ta campagne », lui dit-il dans les toutes premières minutes film –, Perret dresse un portrait, certes, intimiste, parfois captivant, mais excessivement bienveillant à l'égard du candidat qu'il a suivi durant les quatre derniers mois de la campagne présidentielle. Sa caméra à l'épaule et son montage donnent à voir un Mélenchon proche de la figure du héros médiéval : un personnage extraordinaire, au sens propre du terme (« Je me suis dit qu'il n'était pas comme les autres », confie le cinéaste au Point.fr), sans peur, sans reproches, sacrifiant son corps et son esprit contre le grand ennemi médiatico-politique, et pour une cause plus grande que lui. Mélenchon, là où on l'attend Le film de 90 minutes apporte toutefois au grand public son lot de clés de compréhension de ce qu'ont pu être l'organisation, le rythme et la rudesse de la campagne du leader de la FI. Notamment, les rôles essentiels joués par certains membres de son équipe rapprochée, à l'image de l'omniprésente directrice de communication Sophia Chikirou, de l'attachée de presse Juliette Prados, qui le suit comme son ombre, ou de Bastien Lachaud, organisateur des meetings toujours pendu à son oreillette, devenu depuis député de Seine-Saint-Denis. Tout comme quelques coulisses, filmées au cœur de moments creux où ce petit monde coupe avec l'hystérisation de la présidentielle, pour savourer un verre de vin rouge au bistrot ou disserter sur la rareté du Comté liée à la pénurie de lait. Les à-côtés, en somme. Car le sujet central se nomme Jean-Luc Mélenchon et, à cet égard, on ne peut être que déçu de ne (re)voir que le personnage dépeint par la presse depuis des années. Même les plusieurs entrevues en tête-à-tête, dans le train, dans les loges, à Rome pendant le coucher de soleil, ne servent pas à déflorer un peu plus sa personnalité. Au moins, Perret s'efforce à montrer – lors de plusieurs passages – que son personnage principal est un « anti-Wauquiez », tenant le même discours en privé que dans les médias. De la première minute à la dernière, il est certain de son accession au second tour, comme il le trompettait de radio en radio, de plateau en plateau. De même que son impression d'être la victime du système médiatique n'est pas feinte, si certains en doutaient encore. Aversion pour le service public « C'est l'ennemi, France 2. Il faut faire attention. Est-ce que ça vaut la peine d'aller là-dedans ? » fait-il remarquer début mars à une partie de son état-major pendant une réunion de calage de différents médias. Fallait-il vraiment se passer d'un 20 heures qui oscille entre quatre et spectateurs millions de téléspectateurs en plein cœur de la campagne électorale ? Alexis Corbière le reprend de volée : « Ça se réfléchit, quand même, quand même... » Déjà, Mélenchon a en travers de la gorge un numéro de L'Emission politique qui lui a « organisé un traquenard », et plus globalement une aversion pour le service public, qui lui réserverait un traitement « hostile » et partisan. Avec un format brut, dénué de commentaires, Perret ne cherche pas à relativiser ce postulat. Il tend même plutôt à le confirmer avec son montage, filmant certains titres de presses défavorables ou certaines séquences d'émissions... il en va de la dramaturgie du film. Il n'y a rien qui m'oblige dans ma vie à ce que je me sacrifie de cette façon, à subir de tels affronts, à être traité dans cette merde... Jean-Luc Mélenchon bataille donc seul contre un système politique et médiatique presque tout entier tourné contre lui. Avec humour et bonhomie, parfois. Avec vigueur et dévouement, toujours. Quitte à ce que sa mission pour le bien commun mette à mal, à de brefs instants, son sens du devoir : « Il n'y a rien qui m'oblige, dans ma vie, à ce que je me sacrifie de cette façon, à subir de tels affronts, à être traité dans cette merde... », maugrée-t-il dans la voiture venue le chercher après une émission de C à vous. Mais a-t-il seulement de vrais moments de doute ? De véritables inquiétudes ? « Jean-Luc n'est pas colérique, il est inquiet. Et dans l'inquiétude, il peut devenir fébrile, fragile », souffle au Point Manuel Bompard, directeur de campagne presque inexistant sur la pellicule et, pourtant, ô combien proche de Jean-Luc Mélenchon. Gilles Perret, qui affirme qu'« à aucun moment on ne [lui] a interdit de filmer », n'a vraisemblablement – et malheureusement – pas souhaiter montrer cette facette-là. Un héros sans nouveauté dans une période surmédiatisée : à la sortie des salles obscures, les convertis seront enchantés ; les curieux, probablement frustrés.