L'interview accordée à la chaîne TV « Al Watania 1 », ce dimanche, continue à susciter l'intérêt et les commentaires les plus divers et les plus contradictoires. Beaucoup focalisent sur la personnalité du président du gouvernement. Est-il encore l'homme de la situation au vu de l'accumulation des problèmes et des exigences, ou a-t-il pris de l'étoffe après 18 mois d'exercice du pouvoir à la Kasbah, ce qui pourrait le mettre sur la voie royale d'un présidentielle soit en 2019 soit le mandat d'après ! Sur le plan de la forme il m'a semblé avoir une bonne maîtrise de ses dossiers, alliant le pragmatisme à l'ambition de pouvoir conduire ce gouvernement jusqu'à l'horizon 2020 et dénonçant au passage cette manie à vouloir opérer sans cesse des remaniements ministériels non productifs, car les problèmes sont là depuis quelques années et le changement de ministres n'y ajoute rien à part la perte de temps, pour s'attaquer à l'essentiel. Sur le fond ce que j'ai essentiellement retenu, c'est qu'enfin, on ne parle plus de gouvernement de « technocrates » ou à la limite, d'administrateurs, mais de gouvernement « politique » ! En voilà une bonne petite réponse discrète à tous ceux qui appellent, à nouveau, à un gouvernement de technocrates parmi l'élite, en particulier, le président du « Machrou », Mohsen Marzouk. Signalons, au passage que Youssef Chahed recolle fortement à Nida Tounès... « qu'il n'a jamais quitté » ! Autre indication de taille, les relations du gouvernement avec l'UGTT doivent évoluer pour ne pas dire changer. C'est le président du gouvernement qui fait le gouvernement et non pas l'UGTT !!! Faut-il remarquer ici, que Youssef Chahed, semble avoir compris qu'il s'est un peu trop mis sous la « tutelle » de fait de la centrale syndicale, en croyant pouvoir équilibrer les forces politiques agissantes et en s'adossant au soutien de l'UGTT pour faire face à la remontée du parti islamiste Ennahdha, sans tenir compte d'une règle universelle en politique : Les alliances ne sont durables que pour les naïfs ! Le « donnant - donnant » entre le gouvernement et l'UGTT, aura fini par craquer sur les collines mouvantes du phosphate du Bassin minier de Gafsa, en attendant d'autres crises endémiques chroniques, qui gangrènent l'éducatif et infectent le pétrole à nouveau au Kamour. A qui la faute... ! l'UGTT s'encastre de plus en plus habilement dans le domaine « réservé » de la politique et fonctionne comme un parti « partenaire-critique » du pouvoir et du gouvernement, et ce dernier se sent, en fait, lâché par l'UGTT qui n'en fait qu'à sa tête, en refusant un contrôle plus stricte sur ses bases de plus en plus rebelles à toute autorité gouvernementale. Finalement, Youssef Chahed joue son va-tout en réaffirmant la transcendance de l'Etat et du gouvernement que les Tunisiens appellent de tous leurs vœux depuis 2014, sans grand succès. Le délabrement de la vie politique et sociale a atteint le seuil critique et « l'acceptabilité » du pouvoir gouvernemental est tout le temps remise en question par des débordements (je dirai... provoqués) qui arrangent bien des parties et qui ne chassent que pour le bon Dieu ! En effet, la faiblesse de l'Etat et ses représentants facilitent la démocratie naissante mais avec ce risque majeur de tout emporter sur son passage, et le capital et les dividendes si elle n'est pas contrôlée par les lois et la détermination du gouvernement à les appliquer... à tous ! L'UGTT, et je l'ai écrit ici même, n'a pas intérêt à actionner le bras de fer contre le gouvernement, qui lui a beaucoup donné en terme de pénétration du pouvoir. Youssef Chahed certes, a rappelé à l'ordre Noureddine Taboubi, afin qu'il retienne ses troupes mais une confrontation sociale entre les deux parties serait fatale à l'un et à l'autre et au pays tout entier, très fragilisé économiquement. Les clignotants au vert, signalés par le président du gouvernement sont prometteurs. Il faut plutôt les consolider, et l'UGTT peut y jouer un rôle essentiel. En favorisant la paix sociale et la paix des régions du sud-ouest, l'UGTT gagnera sur tous les plans en crédibilité nationale et internationale Tout le monde y compris nos partenaires européens et autres, attendent ce déclic économique et social qui ne peut se faire qu'en déclarant « la grève... à la grève ». Toute autre fermentation provoquée par les syndicats de base non contrôlés par la direction centrale de l' UGTT, serait dramatique pour le pays. Les citoyens en sont très conscients et les critiques de plus en plus nombreuses à l'égard de l'UGTT ne trompent pas. Les Tunisiens veulent un Etat fort et le redémarrage du pays vers la relance et prospérité économique. Youssef Chahed l'a bien saisi.... Coup de poker pour coup de poker, l'audace peut-être payante... Attendons, tout de même, les sondages de fin de mois ! K.G