La Tunisie va-t-elle être, une nouvelle fois, pionnière, dans sa région, en matière d'émancipation de la femme, en institutionnalisant l'égalité dans le domaine de l'héritage entre l'homme et la femme ? A l'occasion de la célébration de la fête internationale de la femme, ce jeudi 8 mars, les intellectuels et les forces politiques et sociales se réclamant des courants progressistes et modernistes ont multiplié les actions en faveur de l'adoption d'une loi dans ce sens. Alors que l'Union tunisienne pour l'égalité en matière d'héritage entre l'homme et la femme a appelé à la participation massive à une grande marche de soutien samedi 10 mars de la place Bab Sâadoun, à Tunis, au palais de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), au Bardo. Un colloque sur cette question a été organisé, mercredi 7 mars, à Tunis par le Centre de recherches, d'études, de documentation et d'information sur la femme (CREDIF), établissement officiel relevant du ministère de la femme et de la famille. La directrice générale du CREDIF, Dalenda Largache, a présenté le colloque intitulé « Pour une lecture évoluée du texte religieux face aux mutations sociales », comme étant une contribution au débat national, « nécessairement pluriel », engagé sur cette question depuis l'initiative prise par le président de la République, le 13 août 2017, en chargeant une commission indépendante de réfléchir sur l'actualisation de la législation tunisienne en matière d'égalité et de libertés individuelles. Cependant, autant l'assistance, très nombreuse et formée principalement de femmes, que les conférenciers et les conférencières, étaient acquis d'avance à cette idée. A cet égard, la communication faite par l'intellectuelle et universitaire Olfa Ben Hassine, a été instructive. Se voulant scientifique dans son approche, la conférencière a estimé que l'égalité en matière d'héritage est conforme à l'esprit de l'Islam et à ses textes fondamentaux, le Coran et la Sunna. A son avis, les jugements tirés à ce propos par les jurisconsultes musulmans, notamment de l'époque classique, à partir du Coran et de la Sunna, ne reflètent pas ce que les textes religieux veulent dire en réalité, et sont le plus souvent influencés par les préjugés sociaux et « l'idéologie » dominante de leur époque, au point que les compagnons du prophète Mohamed eux-mêmes, influencés par les coutumes préislamiques, ont eu mal à accepter l'idée que la femme puisse hériter une bonne partie des biens, comme l'a commandé le Coran, car la femme n'héritait pas du tout à l'époque préislamique. Ce caractère idéologique est illustré par le fait que l'un des arguments avancés contre l'égalité par les savants musulmans traditionnalistes comme Errazi est que les femme sont frivoles, de nature, et ne savent pas gérer à bon escient les richesses. Elle a appelé à rectifier ces lectures idéologiques devenues canoniques alors qu'elles ne sont que le produit de leurs époques, en faveur d'une lecture juste du Coran et de la Sunna qui réhabilite la dimension éthique et donc universelle de la question de l'égalité en matière d'héritage, en tant qu'aspect de l'égalité des hommes en général, prônée sans la moindre réserve par le Coran et la Sunna.