La trentaine bien sonnée, Aymen Jerbi est ce qu'on peut appeler un ingénieur informatique engagé. Le jeune homme a fait ses études à l'Ecole nationale supérieure des Télécommunications en Bretagne et a choisi de s'installer en Tunisie une fois son diplôme en poche. Son dada, c'est la sécurité sur internet et tout ce qui s'y rattache. Depuis des années maintenant, il anime des formations dans le but d'aider les participants, principalement issus des ONG mais aussi des journalistes, à sécuriser leur navigation, leurs données personnelles et leur matériel informatique de tout danger qui pourrait les guetter en ligne. Pour Aymen, la sécurité numérique n'est pas tant un ensemble d'outils qu'une attitude personnelle précautionneuse qui consiste à sécuriser son environnement web en adoptant des réflexes simples mais efficaces. Décidément, dans la vraie vie comme dans l'espace virtuel, mieux vaut prévenir que guérir. Tee-shirt à manches longues d'un rouge vif, lunettes vissées sur le nez, sac à dos sur l'épaule, Aymen Jerbi a le look d'un geek trendy. De la sécurité informatique, il pourrait parler des heures et des heures sans qu'on puisse l'arrêter. C'est qu'il voue une vraie passion à ce domaine dans lequel il s'est spécialisé depuis des années et qu'il maîtrise désormais à la perfection. C'est donc sans surprise que Reporters Sans Frontières (RSF) l'a choisi pour animer sa session de formation portant sur la sécurité numérique et dédiée aux journalistes. Parmi les participants, une majorité de représentants de médias régionaux pour une meilleure équité entre les supports. Le but de cette formation est d'initier les journalistes à la sécurité sur internet, de les alerter des éventuels dangers en ligne qui pourraient les guetter et de leur apprendre à sécuriser leurs comptes en ligne, leurs données privées et professionnelles ou encore leurs ordinateurs et autre matériel de connexion. S'ils utilisent internet quotidiennement dans le cadre de leur travail, que ce soit pour collecter des informations, contacter des personnes, envoyer du contenu ou encore télécharger des fichiers, rares sont les journalistes qui sont réellement conscients des dangers sur le net et qui peuvent s'en prévenir. Pour Aymen Jerbi, le risque pour les internautes, et encore plus pour les journalistes, ne se limite pas au piratage. Le danger en ligne revêt en effet plusieurs autres formes qui menacent principalement la neutralité d'internet, l'accès à l'information et la protection des données personnelles. Lors de la formation de RSF, la question a été abordée sous divers volets, notamment la sécurisation des mots de passe, les virus et autres logiciels malveillants, la sauvegarde des données, la sécurisation des comptes de messagerie électronique ou encore le cryptage des données numériques. Autant de thématiques qui méritent de s'y pencher, surtout qu'elles sont au cœur du travail journalistique quotidien et que les journalistes peinent parfois à s'y repérer et surtout à sécuriser leurs échanges et leurs informations privées sur internet. Depuis sa généralisation, internet a bousculé tous les codes, instauré de nouvelles règles et créé de nouvelles habitudes à travers le monde et encore plus avec l'émergence des réseaux sociaux. Certains diront que ces espaces de partage virtuels ont enterré la notion de vie privée et abattu toutes les cloisons d'intimité. Sur les réseaux sociaux, tout se sait, jusqu'aux moindres petits détails de la vie des utilisateurs, du moins les plus inconscients d'entre eux qui partagent des informations personnes pêle-mêle, sans se douter des conséquences si ces données venaient à être récupérées par des personnes mal intentionnées. Parmi les professionnels les plus visés par les menaces cybernétiques les journalistes qui créent et diffusent l'information et qui sont donc susceptibles d'être persécutés et menacés notamment de chantage pour les empêcher de faire leur travail. Les maîtres chanteurs puisent désormais leurs informations directement sur internet, source intarissable d'informations, des plus générales aux plus personnelles, pour intimider leurs victimes et les museler. Autre menace, le harcèlement en ligne dont sont victimes nombreuses femmes journalistes de par le monde et qui a été largement évoqué dans le dernier rapport de la Fédération Internationale des Journalistes et par de nombreuses autres organisations internationales de défense des femmes et des journalistes. Les enfants aussi ne sont pas épargnés par les cyber-dangers et sont de parfaites cibles pour les vautours du net. Pour preuve, les récents décès de jeunes en Tunisie, attribués à l'application « Baleine bleue » Le Tribunal de Première Instance de Sousse avait d'ailleurs émis la décision de l'interdire mais concrètement, est-ce possible ? La question a été posée à Aymen Jerbi qui s'est dit sceptique quant à l'application de cette décision du tribunal. Il a déclaré à ce propos : « Cette application peut être effacée du Player mais elle restera toujours accessible via un lien caché. L'interdire et encore plus la bloquer est techniquement impossible à moins que les fournisseurs d'accès le fassent, mais il faudra dans ce cas consacrer beaucoup de ressources, à longueur de journée, pour y parvenir. »