Les causes à l'origine de la grave pénurie de médicaments, notamment les médicaments des maladies chroniques et lourdes, qui sévit en Tunisie depuis quelques mois, sont diversement appréciées par les intervenants dans le système, et par voie de conséquence, les solutions de la crise ne font pas non plus l'unanimité, à en juger par une conférence de presse tenue sur le sujet, mercredi 11 juillet, à Tunis, à l'initiative de l'Organisation de défense du consommateur (ODC). Le président de l'ODC, Slim Sâadallah, a indiqué que cette rencontre groupant les divers intervenants dans le système de fabrication, d'importation, de distribution et de consommation des médicaments, a été décidée par son Organisation suite aux nombreuses plaintes qui lui étaient parvenues de toutes les régions du pays, concernant la pénurie des médicaments, tant auprès des pharmacies privées que dans les établissements hospitaliers et les polycliniques de la CNSS dont celles d'El Omrane, à Tunis et de Sfax, plus spécialement, ont en charge la fourniture de médicaments pour le traitement de maladies lourdes comme le cancer, à certains patients sur ordonnances délivrées directement par la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie). Or, des ruptures de stocks et d'approvisionnement à la fois ont été enregistrées à ce niveau, également. L'ODC a réalisé, durant la période de mai et juin 2018, une enquête couvrant 16 gouvernorats du pays sur 24 et cela a confirmé l'existence de cette grave pénurie de médicaments de la plus grande importance dans l'ensemble du pays. D'ailleurs, le gouvernement a décidé dernièrement d'intervenir pour surmonter cette pénurie en octroyant une assistance financière de l'ordre de 500 millions dinars au profit de la Pharmacie centrale de Tunisie qui détient le monopole de l'importation et de la distribution des médicaments aux grossistes et aux détaillants, soit les pharmacies privées, outre les établissements hospitaliers publics et privés. Cependant, malgré la mesure gouvernementale, la pénurie persiste encore, pour des raisons liées à la lourdeur des procédures administratives. Aussi, au-delà de leur divergence en ce qui concerne les causes et les solutions de la crise, les représentants des diverses parties prenantes qui assistaient au point de presse, ont convenu qu'en raison de cette spécificité du système tunisien de production, d'importation, de distribution et de consommation des médicaments, la solution passe pour le moment par le sauvetage et le soutien de la Pharmacie centrale de Tunisie qui souffre d'un grave déséquilibre financier à cause des factures impayées dues par ses partenaires et clients publics et privés. Le trou dépasse 750 millions dinars alors que les dettes de la Pharmacie centrale de Tunisie envers ses fournisseurs étrangers en médicaments, notamment des laboratoires allemands, mais aussi français, se montent à près de 500 millions dinars, c'est à dire son chiffre d'affaires en six mois. D'ailleurs cette pénurie en médicaments importés était prévue depuis la fin de 2017, et le journal Le Temps, faisant l'écho de déclarations de plusieurs pharmaciens d'officine, avait évoqué, dans un article, la réticence manifestée par certains laboratoires étrangers concernant la poursuite de l'approvisionnement de la Pharmacie centrale de Tunisie en cas de non paiement des factures qu'elle leur devait. En effet, les représentants de l'industrie pharmaceutique tunisienne, c'est-à-dire les fabricants tunisiens de médicaments, ont souligné qu'en ce qui les concerne, la situation est normale et la production de médicaments tunisiens ne connait pas de problèmes, en particulier. La crise touche les médicaments importés. Cependant, les procédures d'autorisation de mise en vente des nouveaux médicaments tunisiens méritent d'être révisées. Il y aussi la question des médicaments génériques qui a également besoin de clarification. Les responsables du Syndicat des pharmaciens d'officine de Tunisie (SPOT) ont souligné que leur convention avec la CNAM est toujours en vigueur et ne prend fin qu'en octobre 2018, mais que le Syndicat ne va pas probablement la renouveler, car des citoyens se sont plaints auprès de l'ODC que des pharmaciens d'officine exigent des patients conventionnés de les payer directement en espèces. La situation financière de la CNAM est bonne sur les papiers seulement, mais l'institution manque de liquidités. Aussi, les représentants de la SPOT ont proposé que la cotisation au titre de la CNAM soit versée directement à la CNAM et non pas par le biais des Caisses sociales, compte-tenu des difficultés financières que rencontrent les Caisses sociales. La contrebande des médicaments a été aussi évoquée, mais son rôle reste très faible dans cette pénurie, et selon certains intervenants, il est à craindre que cette contrebande ne change de sens et devienne de l'importation illicite de médicaments en Tunisie à partir des pays voisins et autres. A cet égard, les divers intervenants ont estimé que cette pénurie des médicaments reflète à vrai dire la gravité de la crise que traverse actuellement tout le système de santé publique en Tunisie, avec sa composante publique et privée, de sorte que la solution réside dans une réforme globale et radicale de tout le système.